Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 19 décembre 2006 Cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 2075 et 2078 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par acte du 7 janvier 1992, la Foncière forum 20 a acquis la propriété d'un centre commercial, au moyen d'un prêt de la banque CGER, à la sûreté duquel, en garantie de toutes les sommes pouvant lui être dues, avait été consentie, par l'emprunteur, une cession des loyers dus par les locataires, parmi lesquels figurait la société Pills Music, et aux droits de laquelle est venue la société DIVA ; que la Caisse fédérale du crédit mutuel du Nord de Paris (la caisse), se prévalant d'une cession à son profit, le 30 mai 1997, de la créance résultant du prêt accordé par la banque CGER, a signifié la cession au débiteur cédé, la Foncière forum 20 ; que la caisse ayant assigné en paiement la société DIVA, en sa qualité de débiteur cédé de la cession des loyers, celle-ci a soutenu que la cession n'étant stipulée qu'à titre de garantie, n'avait pas eu pour effet de faire sortir les créances locatives litigieuses du patrimoine de la société Foncière forum avant la mise en redressement judiciaire de celle-ci, intervenue le 27 juin 1995 et qu'ainsi, la caisse était dépourvue de droit envers elle ;
Attendu que pour condamner la société DIVA à payer à la caisse la somme de 125 049,47 euros majorée des intérêts, l'arrêt retient qu'il résultait de l'acte du 7 janvier 1992 que la cession de créance de loyers au profit de la banque CGER, étant stipulée à titre de sûreté complémentaire en garantie de toutes les sommes qui pourraient lui être dues, il en résultait que la banque CGER avait acquis la propriété de cette créance dès cette date et que cette créance pouvait être transmise à la caisse par acte du 30 mai 1997 ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en dehors des cas prévus par la loi, l'acte par lequel un débiteur cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur des créances, constitue un° nantissement de créance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2006 IV N° 250 p. 275
RTDciv 2007, n° 1, p. 160
D 2007, n° 14, p. 961-962, observations Laurent AYNES.
D 2007, p. 76 obs. Delpech et p. 344, obs. Larroumet
D 2007, chron p. 319, Cessions de créances à titre de garantie : la révolution n’a pas eu lieu, Dammann et Podeur
JCP E 2007, 2187, Auckenthaler, Cession de créance en garantie : le serpent de mer se déchaîne
JCP E 2007, 1131 rapport Cohen-Branche, note Legeais ; 1776, obs. Delebecque

Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 20 février 2007
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la banque Chaix (la banque) a consenti divers concours à la SICA La Bastidette (la SICA) ;
que celle-ci lui a remis notamment le 23 mai 2001 un bordereau de cession de créances professionnelles ; que la SICA ayant été mise en redressement judiciaire le 11 juillet suivant, la banque a déclaré une créance à titre privilégié en mentionnant, au titre des garanties dont elle bénéficiait, un "nantissement de cession de créances Dailly" à concurrence d'un certain montant ; que les mandataires judiciaires de la SICA ont alors contesté le caractère privilégié de la créance dont s'est prévalu la banque ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 313-23 du code monétaire et financier et les articles L. 621-43 et suivants du code de commerce, alors applicables ;
Attendu que si une cession de créance professionnelle à titre de garantie attribue au cessionnaire un droit exclusif sur cette créance afin de garantir le recouvrement du concours consenti, elle ne saurait conférer au concours déclaré au passif du cédant un privilège dont il serait assorti lui donnant le droit d'être préféré aux autres créanciers sur un élément du patrimoine de son débiteur ;
Attendu que pour admettre à titre privilégié la créance de la banque, l'arrêt constate que le bordereau était intitulé "acte de cession de créances professionnelles" et qu'il avait été conclu en application d'une convention cadre prévoyant seulement la cession à titre de garantie des créances professionnelles dites "Dailly" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la créance professionnelle avait fait l'objet d'une cession et non d'un nantissement, lequel constitue une faculté alternative à la cession, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations ;
Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche :
Vu l'article L. 313-23 du code monétaire et financier ;
Attendu que si la transmission des créances professionnelles cédées peut être effectuée par un procédé informatique tel qu'un "listing", joint au bordereau, permettant de les individualiser, le bordereau de cession n'en doit pas moins être lui-même revêtu de toutes les mentions exigées par la loi en ce cas, c'est-à-dire, outre l'indication du moyen par lequel les créances sont transmises, le nombre et le montant global des cessions ;
Attendu que pour décider que le bordereau comportait les mentions impératives exigées par loi, la cour d'appel, au vu des éléments relatifs aux montants des créances cédées et à l'indication des débiteurs figurant sur le document informatique, a constaté que le bordereau du 23 mai 2001 portait seulement, à la rubrique "liste des créances cédées, nom et adresse du débiteur", la mention suivante :
"ci-joint balance au 31 mai 2001" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE
N° de pourvoi : 05-20562 Publié au bulletin
JCP E, I, 158, obs. P. Delebecque