Cour de Cassation Chambre civile 3
Audience publique du 30 juin 2004 Cassation partielle.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 mai 2002) rendu en matière
de référé, que Mme X..., propriétaire dans un immeuble
en copropriété d'un lot n° 2 à usage d'emplacement
de garage, a assigné Mme Y..., propriétaire du lot n° 3 également
à usage de garage et contigu au lot n° 2 en rétablissement
de l'utilisation de son lot dont cette dernière lui interdisait l'accès
; que Mme X... a loué son lot aux époux Z... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande
alors, selon le moyen, que la division d'un immeuble en lots de copropriété
est incompatible avec la création, au profit de la partie privative d'un
lot, d'une servitude sur la partie privative d'un autre lot ; que pour débouter
Mme Y..., propriétaire d'un emplacement de garage dans un immeuble en
copropriété, de sa demande tendant à voir condamner sous
astreinte Mme X..., propriétaire du lot contigu, à respecter et
à faire respecter par ses locataires l'utilisation de cet emplacement,
la cour d'appel a retenu que le droit de passage prévu par les actes
de vente des parties constituait une servitude réelle et non personnelle
que Mme X... avait pu, à bon droit, mettre à la disposition de
ses locataires ; qu'en statuant ainsi quand la division de l'immeuble en lots
de copropriété était incompatible avec l'existence d'une
telle servitude, la cour d'appel a violé les articles 1er, alinéa
1er de la loi du 10 juillet 1965 et 637 du Code civil ;
Mais attendu que le titulaire d'un lot de copropriété disposant
d'une propriété exclusive sur la partie privative de son lot et
d'une propriété indivise sur la quote part de partie commune attachée
à ce lot, la division d'un immeuble en lots de copropriété
n'est pas incompatible avec l'établissement de servitudes entre les parties
privatives de deux lots, ces héritages appartenant à des propriétaires
distincts ; qu'ayant constaté que les actes notariés prévoyaient
que Mme Y... était propriétaire d'un emplacement pour voiture
devant le lot n° 2 sur l'autre moitié d'un même local, que
le lot n° 3 était grevé d'un droit de passage au profit du
lot n° 2 pour permettre au propriétaire de ce lot d'accéder
à son emplacement de garage qui se trouvait ainsi enclavé, que
ce droit de passage s'exercerait par véhicule automobile sur le lot n°
3 et ce, à titre de servitude réelle et perpétuelle, et
ce en tout temps et à toute heure par le propriétaire du lot n°
2, et par tous les propriétaires successifs de ce lot, la cour d'appel
en a exactement déduit que Mme Y... n'était pas fondée
à opposer l'absence de qualité de bénéficiaires
du droit de passage des époux Z..., ce droit constituant une servitude
réelle et non un droit personnel ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant
les inconvénients normaux de voisinage ;
Attendu que pour débouter Mme Y... de ses demandes à l'encontre
de Mme X..., l'arrêt retient que celle-ci ne peut être condamnée
à une obligation de faire alors qu'elle n'est pas responsable des voies
de fait commises par ses locataires ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la victime d'un trouble anormal de voisinage
trouvant son origine dans l'immeuble donné en location, peut en demander
réparation au propriétaire et qu'elle avait constaté que
suivant procès-verbal d'huissier de justice du 13 juillet 2000, le véhicule
des époux Z... empiétait de 20 centimètres sur l'emplacement
de Mme Y..., la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE