Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 17 février 2010

N° de pourvoi: 08-18752
Non publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique, ci-après :

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit recevable l'action oblique exercée contre la Sté NRG, d'avoir dit que l'interdiction prévue dans l'acte de vente du 27 mars 2007 soit s'entendre comme ayant engagé Alain et Lina X..., leurs ayants droit et leurs ayants cause au profit de la société SLD, d'avoir dit que la Sté NRG n'a pas respecté la destination contractuelle du bail commercial consenti par les consorts X... et d'avoir condamné la Sté NRG au paiement de la somme de 50 000 € à la SCI SLD, à titre de dommages intérêts, in solidum avec les consorts X...,

AUX MOTIFS QUE les consorts X..., vendeurs, possédaient la parcelle AY 256, constituée par un immeuble sis à Ramatuelle, et dans lequel ils exploitaient en commun un hôtel restaurant ; que cette parcelle AY 256 a été divisée et a fait l'objet d'une désignation cadastrale nouvelle, la parcelle étant cédée par acte notarié du 27 mars 1997 à la SCI SLD et les parcelles AY 609 et AY 610 étant données à bail commercial à la Sté NRG, par les consorts X..., le 1er avril 1999, date à laquelle les consorts X... ont cessé toute activité et ont vendu leur fonds de commerce d'hôtel à la Sté NRG dont l'activité sociale est « hôtel touristique sans restauration » ; que dans l'acte de vente du 27 mars 2003, la clause suivante a été insérée : « l'acquéreur s'interdit pour luimême, ses ayants droit et ayants cause d'exercer toute activité de débit de boissons, licence IV, dans les lieux présentement vendus, pendant une durée de cinquante ans, à compter des présentes. En contrepartie, le vendeur s'interdit d'exercer toute activité de restauration dans les mêmes délais » ; que sur la portée de cette clause, la SCI SLD fait plaider à titre principal que l'obligation de non concurrence ne pèse pas sur les vendeurs à titre personnel mais qu'en raison de la destination de chaque parcelle, après la division de l'immeuble appartenant aux consorts X..., il y a eu création d'une servitude de non concurrence, affectant chaque fonds immobilier, relativement à un commerce déterminé ; que dès lors, cette obligation de non concurrence, obligation réelle de plein droit, se transmet à tout ayant cause et ayant droit des consorts X... ; que cette portée, donnée à l'obligation de non concurrence pesant sur les consorts X... n'est pas applicable en l'espèce, ne serait ce que parce qu'une servitude est perpétuelle alors que les parties ont limité dans la clause litigieuse la durée des obligations de non concurrence ; mais que c'est à bon droit qu'à titre subsidiaire, la SCI SLD invoque l'application de l'article 1122 du code civil à la clause contractuelle de non concurrence ; qu'il appartient en tout état de cause à la cour d'appliquer la loi à la convention des parties ; qu'or, l'article 1122 du code civil prévoit qu'on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers et ayants cause, à moins que le contraire ne soit exprimé ou ne résulte de la nature de la convention ; que la clause de non concurrence litigieuse, souscrite par les consorts X... et la SCI SLD est insérée dans un acte de vente immobilière à caractère synallagmatique ; qu'aucune mention dans l'acte de vente ou dans un éventuel compromis préalable n'établit que l'acquéreur a renoncé expressément à une interdiction de concurrence qui ne soit pas limitée aux vendeurs personnellement ; qu'au contraire, il est indiqué que chaque partie s'est obligée à une non concurrence en contrepartie de celle de l'autre, étant rappelé que l'obligation de non concurrence pesant sur l'acquéreur, visait l'interdiction d'exercer toute activité de débit de boissons licence IV, par lui-même, ses ayants droit et ayants cause « dans les lieux présentement vendus », alors que l'obligation de non concurrence pesant sur les acquéreurs ne rappelait ni qu'elle obligeait aussi les ayants droit et ayants cause des consorts X... ni les lieux où elle s'exerçait ; que dès lors que cette obligation de non concurrence souscrite par les consorts X... au profit de la SCI SLD et relative à l'interdiction d'exercer toute activité de restauration, logiquement, dans les lieux appartenant aux consorts X..., après la division de l'immeuble, doit être présumée comprise parmi les droits transmis à leurs ayants droit et ayants cause, dans le cadre de la cession du fonds de commerce et du bail commercial signés avec la Sté NRG comme dans celui de la vente des murs par les consorts X... à la SCI MELSTEG le 10 janvier 2005 ; que ni les consorts X... ni la Sté NRG ne combattent cette présomption par une pièce quelconque ; que bien au contraire, ils démontrent qu'ils ont appliqué le principe de la transmissibilité de la clause de non concurrence aux ayants droit et ayants cause des consorts X... ; qu'en effet, dans le bail commercial signé entre les consorts X... et la Sté NRG, à compter du 1er avril 1999, les parties ont inséré la clause suivante sous la rubrique « condition particulière, interdiction », « le bailleur informe le preneur qu'il lui est formellement interdit d'exercer toute activité de restauration pendant une durée de 50 ans, ayant commencé à courir le 27 mars 1997, conformément aux engagements qu'il a pris envers le propriétaire de la propriété contiguë, aux termes d'un acte reçu en l'office notarial PARA LANFRANCHI le 27 mars 1997, sachant qu'en contrepartie, le propriétaire concerné a lui-même pris l'engagement pour lui et ses ayants cause de ne pas exercer toutes activités de débit de boissons licence IV dans les mêmes délais » ; que certes, les consorts X... indiquent dans cette clause qu'ils sont débiteurs de l'obligation de non concurrence en matière d'activité de restauration mais que l'introduction de la dite clause dans le bail ne peut alors se comprendre si ce n'est par une transmission de cette obligation au preneur ;que d'ailleurs, la destination du bail ne viole pas la clause de non concurrence litigieuse puisqu'elle est limitée à hôtel bar PMU, vente à emporter ; que surtout, la même clause que celle, mentionnée au bail du 1er avril 1999, intitulée « condition particulière interdiction », est reprise dans l'acte de vente de l'immeuble où la Sté NRG exploite son fonds d'hôtellerie, passé entre les consorts X... et la SCI MELSTEG le 10 janvier 2005 ; que la SCI MELSTEG ayant droit des consorts X... a accepté cette clause en signant l'acte de vente des lieux où est interdite pendant 50 ans à compter du 27 mars 1997 toute activité de restauration ; que la clause de non concurrence est étendue aux ayants droit et ayants cause des consorts X... ; qu'elle est donc opposable à la Sté NRG ; que la SCI SLD demande sur le fondement de l'action oblique la réparation financière des violations contractuelles commises par la Sté NRG et sur celui de l'article 1147 du code civil, l'indemnisation du préjudice subi du fait du non respect par les consorts X... de la clause de non concurrence ; que la Sté NRG reconnaît avoir exercé une activité de restauration, de 1999 à janvier 2005, en infraction avec les dispositions du bail du 1er avril 1999 consenti par les consorts X... ; que de leur côté, ces derniers admettent qu'ils n'ont pas réagi à cette violation grave de la destination du bail ; que conformément à l'article 1166 du code civil, le créancier peut exercer les droits et actions de son débiteur à la condition d'établir que ce dernier a négligé de le faire et qu'il a un intérêt à agir par la voie de l'action oblique ;
que sur ce deuxième point, la SCI SLD a exclu du bail commercial conclu avec la Sté MALOUESSE l'activité de débit de boissons licence IV en contrepartie de l'obligation de non concurrence en matière de restauration pesant sur les consorts X..., leurs ayants droit et ayants cause ; que cette restriction diminue la valeur du bail d'un local à usage de restauration ; que la SCI SLD a intérêt à agir par la voie de l'action oblique ; qu'elle est subrogée dans les droits et actions des consorts X..., débiteurs de l'obligation de non concurrence en matière de restauration à l'encontre de leur preneur, la Sté NRG ; que la SCI SLD a renoncé à demander la résiliation judiciaire du bail du fait de l'intervention du nouveau bailleur, la Sté MELSTEG, et de la cessation, concurremment par la Sté NRG de l'activité de restauration ; qu'elle réclame la condamnation in solidum de la Sté NRG, laquelle a contrevenu gravement aux clauses du bail, et des consorts X... pour violation grave de la clause de non concurrence incluse dans l'acte de vente ; que sur la base des bilans 2000 à 2003 de la Sté NRG la SCI SLD estime que l'activité de restauration a représenté un chiffre d'affaires annuel de 90 000 € pendant cinq ans ; qu'au vu de ces éléments de préjudice, la cour fixe l'indemnisation de la SCI SLD à 50 000 € au paiement desquels les consorts X... et la Sté NRG sont condamnés in solidum ;

1 ) ALORS QUE conformément aux articles 12 et 16 du code de procédure civile, le juge ne peut d'office soulever un moyen de droit et s'il estime devoir le faire, il doit inviter les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, la SCI SLD, à titre subsidiaire et incident, a invoqué les principes généraux des contrats et notamment l'article 1122 du code civil pour voir juger que la clause de non concurrence stipulée dans l'acte de vente formé entre les consorts X..., vendeurs, et elle, était opposable à la Sté NRG, locataire des consorts X... ; que la cour d'appel qui, devant l'imprécision du moyen, a énoncé qu'en tout état de cause, il lui appartient d'appliquer la loi à la convention des parties mais qui n'a pas constaté qu'elle avait été saisie d'un moyen articulant le fait et le droit et que la Sté NRG avait pu y répondre mais qui a retenu que les consorts X... avaient stipulé pour eux-mêmes et leurs ayants droit l'obligation de non concurrence, ce que la clause ne mentionnait pas a, en statuant ainsi, violé les textes susvisés ;

2 ) ALORS QUE la clause de non concurrence stipulée dans l'acte de vente du 27 mars 1997 formé entre les consorts X..., vendeurs, et la Sté SLD, acquéreur, énonçant que le vendeur s'interdisait d'exercer toute activité de restauration pendant une durée de cinquante ans mais ne prévoyant pas que cette interdiction pouvait être transmise à ses ayants droit ou ayants cause, la cour d'appel ne pouvait pas, sans dénaturer une clause dont les termes clairs et précis ne permettaient pas une interprétation, interpréter cette clause et décider que la clause devait être respectée par les locataires des vendeurs ; qu'en statuant néanmoins ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3 ) ALORS QUE aux termes de l'article 1166 du code civil, par exception aux dispositions de l'article 1165 du code civil, les créanciers peuvent exercer tous les droits et actions de leur débiteur ; que dans le cas où le créancier fonde son action sur l'inexécution d'une obligation de faire, il n'exerce que les droits et actions du débiteur de l'obligation et il ne peut pas percevoir, directement, des dommages intérêts, à titre personnel, en réparation du préjudice que lui aurait causé le débiteur de son débiteur par l'inexécution de l'obligation ; qu'en condamnant la Sté NRG à payer à la Sté SLD la somme de 50 000 € en réparation de l'inexécution de l'obligation de non concurrence contractée par les consorts X..., la cour d'appel a violé la disposition susvisée.

Attendu, d'une part, que, par une interprétation souveraine exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des termes de la clause insérée dans l'acte du 27 mars 1997 rendait nécessaire, la cour d'appel a, sans violer le principe de la contradiction, retenu que cette clause , souscrite par les consorts X... et la société SLD, était insérée dans un acte de vente immobilière à caractère synallagmatique, qu'il y était indiqué que chaque partie s'était obligée à une non-concurrence en contrepartie de celle de l'autre, que cette obligation de non-concurrence souscrite par les consorts X... au profit de la société SLD et relative à l'interdiction d'exercer toute activité de restauration devait être présumée comprise parmi les droits transmis à leurs ayants droits et ayants cause, que ni les consorts X..., ni la société NRG n'avaient combattu cette présomption, qu'au contraire ils avaient appliqué le principe de la transmissibilité de la clause de non-concurrence en l'insérant dans le bail commercial qu'ils avaient conclu le 1er avril 1999, l'introduction de la clause dans cet acte ne pouvant se comprendre que par une transmission de l'obligation de non-concurrence au preneur d'autant que la clause de destination du bail était limitée à l'activité d'hôtel, bar, PMU, Loto, vente à emporter, que la même clause avait été reprise dans l'acte de vente de l'immeuble où la société NRG exploitait son fonds de commerce d'hôtellerie passé le 10 janvier 2005 entre les consorts X... et la société Melsteg, que cette dernière, ayant droit des consorts X..., avait accepté cette clause en signant l'acte de vente d'un immeuble où était interdite pendant 50 ans à compter du 27 mars 1997 toute activité de restauration et que, dès lors, la clause de non-concurrence devait être déclarée opposable à la société NRG ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la société NRG reconnaissait avoir exercé l'activité de restauration de 1999 à 2005 en infraction aux clauses du bail qui lui avait été consenti par les consorts X..., la cour d'appel a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que cette société, qui avait gravement manqué à ses obligations, avait ainsi occasionné un préjudice à la société SLD dont elle a souverainement fixé le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;