usufruit
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 4 janvier 1994 Cassation.
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1844 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que les époux Paul de Gaste,
qui avaient constitué entre eux un groupement forestier dénommé
Groupement forestier de la Genevraie, dont M. Paul de Gaste était le
gérant, ont donné, en s'en réservant l'usufruit, la nue-propriété
des parts du groupement forestier à leurs enfants, MM. Hubert, Jean-Pierre
et Olivier de Gaste, et Mmes Chantal de La Celle et Barluet de Beauchesne (les
consorts de Gaste) ; que ceux-ci ont assigné M. Paul de Gaste en sa qualité
de gérant pour voir annuler l'article 7 des statuts du groupement forestier
instituant la représentation du nu-propriétaire par l'usufruitier,
qui avait seul le droit de participation et de vote à toutes les assemblées
générales, même extraordinaires ou modificatives des statuts,
quelle que soit la nature de la décision à prendre ;
Attendu que pour débouter les consorts de Gaste de leur demande, l'arrêt
retient que l'article 1844, alinéa 4, du Code civil prévoit que
les statuts d'une société peuvent déroger aux dispositions
des deux alinéas qui précèdent ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que si selon l'article 1844, alinéa
4, du Code civil, il peut être dérogé à l'alinéa
3 du même article qui est relatif au droit de vote, et qu'il était
donc possible aux statuts litigieux de prévoir une dérogation
sur ce point, aucune dérogation n'est prévue concernant le droit
des associés et donc du nu-propriétaire de participer aux décisions
collectives tel qu'il est prévu à l'alinéa 1er dudit article,
la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 1994 IV N° 10 p. 8
RTDciv. 1994, p. 644, obs. Zenati
Droit des soc. 1994 comm 45, note T Bonneau
Defrénois 1994, art. 35786 p. 556, Le Cannu ; 35894, p. 1137, Derrupé
Gazette du Palais, 1995-01-05, n° 5, p. 10, note M. Delval. Droit bancaire
et de la bourse, 1995, n° 50, supplément, p. 5, note B. Jadaud.
Semaine Juridique, Edition notariale et immobilière, 1995-02-17, n°
7 p. 269, note J-P. Garçon.
Cour de Cassation
Chambre commerciale
Audience publique du 31 mars 2004 Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 juin 2003), que les statuts
de la société en commandite par actions VH Holding comportent
un article 15 selon lequel "En cas de démembrement de la propriété
d'une action, le droit de vote aux assemblées tant ordinaires qu'extraordinaires
ou spéciales appartient au nu-propriétaire" ; qu'un groupe
d'actionnaires, faisant valoir que cette stipulation avait pour effet de priver
les usufruitiers de tout droit de vote, en a demandé l'annulation ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette
demande alors, selon le moyen :
1 ) qu'il résulte des articles 1834 du Code civil et L. 226-1 du Code
de commerce, qu'est applicable aux sociétés en commandite par
actions, l'article L. 225-10 du Code de commerce, situé dans le chapitre
relatif aux sociétés anonymes, aux termes duquel si le droit de
vote attaché à l'action appartient à l'usufruitier dans
les assemblées ordinaires et au nu-propriétaire dans les assemblées
extraordinaires, les statuts peuvent déroger à cette répartition
du droit de vote ; qu'ainsi, en considérant, sur le fondement de l'article
1844 du Code civil, que les statuts ne peuvent priver l'usufruitier de tout
droit de vote, la cour d'appel a violé par fausse application ce dernier
texte et par refus d'application les autres textes précités ;
2 ) que l'alinéa 4 de l'article 1844 du Code civil permettant de déroger
à la répartition des droits de vote entre le nu-propriétaire
et l'usufruitier instituée par l'alinéa 3 du même texte
est valable la clause qui confère le droit de vote au seul nu-propriétaire
pour toute décision, y compris relative à l'affectation des bénéfices
; qu'ainsi, la cour d'appel en considérant que les statuts pouvaient
seulement restreindre les droits de vote, fixés par l'alinéa 3
de l'article 1844 du Code civil, et que la clause qui prive l'usufruitier de
tout droit de vote est nulle comme vidant l'usufruit de sa substance, a violé
le texte précité et les articles 578 et 599 du Code civil ;
3 ) que si selon l'article 599 du Code civil, le nu-propriétaire ne peut
nuire aux droits de l'usufruitier, la clause privant l'usufruitier de son droit
de vote des décisions concernant l'affectation des bénéfices,
ne peut être regardée en elle-même comme une telle nuisance
et seul l'exercice abusif de son droit de vote par le nu-propriétaire
peut être mis en cause par l'usufruitier ; qu'ainsi, en considérant
que la clause litigieuse était nulle car elle vidait l'usufruit de sa
substance, sans constater que les nu-propriétaires avaient fait de leur
droit de vote quant à l'affectation des bénéfices, un usage
contraire aux intérêts des usufruitiers et non conforme à
l'intérêt social, la cour d'appel a violé les articles 578,
599 et 1844 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la clause litigieuse, en ne permettant pas
à l'usufruitier de voter les décisions concernant les bénéfices,
subordonnait à la seule volonté des nus-propriétaires le
droit d'user de la chose grevée d'usufruit et d'en percevoir les fruits,
alors que l'article 578 du Code civil attache à l'usufruit ces prérogatives
essentielles, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié
sa décision ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants, est
par suite inopérant ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2004 IV N° 70 p. 71
D. 2004, 1167, obs Lienhard
JCP N 2004, 1303, note Hovasse ; JCP E 1290 Chron. Deboissy et Wicker
RTDcom 2004, p. 542, obs. Le Cannu
RTDciv 2004, p. 318, obs. T. Revet
Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 29 novembre 2006 Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 3 mai 2005), que Mme de
B..., aux droits de laquelle se trouvent M. de B..., Mme X... et Mme Y... (les
consorts de B...), a consenti à Mme Z... et Mme A..., qui s'obligeaient
solidairement à son égard, deux baux ruraux ; que les copreneuses
ont avisé les bailleurs de la mise à disposition de la société
civile d'exploitation agricole Lauconnois (la SCEA), dont elles étaient
coassociées et cogérantes, des parcelles prises à bail
; que le 30 juin 1999, Mme A... a cédé la nue-propriété
de toutes ses parts dans la SCEA à M. Z..., son neveu, et à l'épouse
de celui-ci (les époux Z...) ; que les deux preneuses ont demandé
en justice l'autorisation pour Mme Z... de céder ses droits à
son fils ; que les consorts de B... ont reconventionnellement sollicité
le prononcé de la résiliation judiciaire des deux baux pour cession
prohibée ;
Attendu que Mmes Z... et A... font grief à l'arrêt de prononcer
la résiliation des baux, alors, selon le moyen :
1 / que si le preneur qui entend mettre les biens dont il est locataire à
la disposition d'une société d'exploitation, doit avoir la qualité
d'associé dans cette société et continuer à se consacrer
à l'exploitation des biens loués mis à sa disposition,
toutefois en cas de copreneurs, en raison de la solidarité existant entre
eux, la circonstance que l'un d'entre eux ait perdu la qualité d'associé
de cette société est sans incidence sur la régularité
de l'opération dès lors que la qualité d'associé
de ladite société est nécessairement satisfaite par l'autre
copreneur ; que dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait,
la cour d'appel a procédé d'une violation de l'article L. 411-37
du code rural ;
2 / qu'en toute hypothèse, dès lors que le bailleur a été
régulièrement avisé par les copreneurs de la constitution
de la société et de l'opération de mise à disposition
des biens loués au profit de cette société, la circonstance
que l'un d'entre eux, bien que titulaire du bail ait perdu en cours de bail,
la qualité d'associé de la société, ne peut causer
aucun préjudice au bailleur puisque chacun des copreneurs reste tenu
à son égard des obligations nées du bail, peu important
la création de la société, de sorte que l'irrégularité
alléguée ne saurait être de nature à induire le bailleur
en erreur ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel
n'a pas légalement justifié sa décision au regard de ce
même texte (article L. 411-37 du code rural ) ;
3 / qu'en toute hypothèse, l'usufruitier peut exercer certaines prérogatives
attachées à la qualité des associés sans pour autant
avoir cette qualité ; qu'en l'espèce, Mme A... avait fait valoir
-ce que les premiers juges avaient retenu- qu'à la suite de la cession
de la nue-propriété de ses parts sociales, elle avait conservé
la gérance de la société et avait pris l'engagement, notifié
aux bailleurs, de continuer à se consacrer à la mise en valeur
des biens loués ; que dès lors, en retenant, pour statuer comme
elle l'a fait, que les bailleurs avaient été induits en erreur,
la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision
au regard de l'article L. 411-37 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant constaté que Mme A... avait procédé
le 30 juin 1999 à la cession au profit des époux Z... de la nue-propriété
de la totalité de ses parts sociales de la SCEA et énoncé,
à bon droit, que le caractère solidaire des engagements des preneuses
stipulé dans les baux litigieux ne permettait pas d'étendre l'effet
de la solidarité aux obligations leur incombant à titre personnel,
la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'il importait peu que Mme
Z... ait conservé la qualité d'associée de la SCEA et relevé
que Mme A... avait perdu la sienne, quelle que soit l'étendue du droit
de vote accordé à l'usufruitier par les statuts, a souverainement
retenu que l'information délivrée le 20 août 1999, qui faisait
figurer Mme A... au nombre des associés, était de nature à
induire en erreur les consorts de B... et à justifier la résiliation
des baux ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2006 III N° 236 p. 200
RTDCiv. 2007, p. 153, obs. T. Revet