Attendu que pour décider que Mme X... n'avait pas à " rapporter
" les titres et valeurs mobilières, figurant à la déclaration
de succession de 1959, qui manquent après les deux partages partiels,
ou leur valeur, de sorte qu'il n'y avait lieu d'ordonner ni une expertise pour
rechercher ces éléments, ni la communication des pièces
sur les mouvements du portefeuille, la cour d'appel relève que l'article
587 du Code civil n'est pas applicable aux titres et actions et que l'usufruitier
pouvant jouir des choses sur lesquelles porte son usufruit, la demande de Mme
Y... relative à la vie des divers portefeuilles et aux titres manquants
n'est pas recevable ; que l'arrêt attaqué énonce encore
que les portefeuilles de valeurs mobilières " constituent une universalité
(distincte de ses éléments constitutifs) qui est fongible et appartient
à celui qui les détient ", de sorte que c'est seulement à
la fin de son usufruit que Mme X... devra justifier que la substance a été
conservée ; qu'enfin, la cour d'appel retient que la dispense de caution
a pour effet de conférer à l'usufruitier le droit de disposer
des titres au porteur ;
Attendu, cependant, d'une part, que Mme Y..., nue-propriétaire indivise
avec ses cohéritiers du portefeuille de valeurs mobilières dépendant
de la succession de Jean X..., pouvait prendre les mesures nécessaires
à la conservation des biens indivis et en demander le partage ; qu'elle
était donc fondée à demander à Mme X..., usufruitière
de ce portefeuille, de lui en indiquer la consistance et la valeur, éléments
nécessaires pour que la nue-propriété en soit partagée
; que, d'autre part, si l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières,
lesquelles ne sont pas consomptibles par le premier usage, est autorisé
à gérer cette universalité en cédant des titres
dans la mesure où ils sont remplacés, il n'en a pas moins la charge
d'en conserver la substance et de le rendre, la circonstance que l'usufruitier
ait été dispensé de donner caution étant indifférente
à cet égard ; qu'ainsi, en statuant comme elle a fait, la cour
d'appel a violé les textes susvisés ;
Et enfin, sur le troisième moyen :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;
Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en
vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts
au taux légal qu'à compter de la notification, valant mise en
demeure, de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu que la cour d'appel a ordonné la restitution des sommes versées
par Mme X... en exécution du jugement qui a liquidé l'astreinte
prononcée par le juge de la mise en état et qui était assorti
de l'exécution provisoire de ce chef ; qu'elle a assorti sa décision
d'une condamnation aux intérêts au taux légal à compter
des versements ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé
;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche
du deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur les demandes
relatives aux valeurs mobilières dépendant de la succession et
sur la liquidation de l'astreinte, l'arrêt rendu le 29 mai 1996, entre
les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence,
quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles
se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie
devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée.
Publication : Bulletin 1998 I N° 315 p. 217
Dalloz, 1999-03-25, n° 12, p. 167, note L. Aynès. Dalloz, 1999-11-11,
n° 40, p. 633, note D. Fiorina.
Semaine juridique, Edition entreprise, 1999-03-11,
n° 9/10, p. 426, note S. Rouxel. Semaine juridique, 1999-02-10, n° 6,
p. 336, note S. Piédelièvre. Semaine juridique, Edition notariale
et immobilère, 1999-02-19, n° 7, p. 351, note H. Hovasse. Semaine
juridique, Edition notariale et immobilière, 2000-09-22, n° 38, p.
1352, note F. Fruleux.
Droit et patrimoine, 1999-05, n° 71, p. 34, note F. Sauvage. Droit et patrimoine,
n° 103, avril 2002, p. 42-45, note Henri HOVASSE.
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 3 décembre 2002 Rejet
Attendu que Jean X... est décédé le 29 mai 1959 en laissant
sa veuve, née Evelyne Y..., légataire de l'usufruit sur l'universalité
des biens de la succession, et leurs trois enfants, alors mineurs, Jean-Michel,
Danièle devenue épouse Z..., et Martine devenue épouse
A... ; qu'il dépendait de la succession un portefeuille de valeurs mobilières
sur le sort duquel Mme Z... s'est opposée à sa mère et
à ses cohéritiers (ci-après les consorts X...) ; que, dans
le cadre des opérations de liquidation de la succession ordonnée
le 12 octobre 1988, un jugement du 26 février 1990 a donné acte
aux parties de leur accord sur le partage en nature de certaines actions, tandis
que d'autres ont été partagées par acte notarié
du 12 avril 1991 ;
qu'à la suite de deux ordonnances du juge de la mise en état,
enjoignant sous astreinte aux consorts X... de communiquer à Mme Z...
les mouvements enregistrés sur le portefeuille depuis l'ouverture de
la succession et l'inventaire des titres dépendant de celle-ci, le tribunal
de grande instance de Toulouse a, par jugement du 5 octobre 1995, ordonné
une expertise afin de rechercher la valeur actuelle du portefeuille de valeurs
mobilières figurant à la déclaration de succession établie
en 1959 et des titres qui ne se retrouvent pas dans l'indivision successorale,
et décidé que seule Mme X... devait payer l'astreinte qu'il a
liquidée au 19 janvier 1995 ; que, sur appel des consorts X..., la cour
d'appel de Toulouse a, par un premier arrêt du 29 mai 1996, infirmé
ce dernier jugement de ces chefs et ordonné la restitution des sommes
versées au titre des astreintes, mais que, sur pourvoi de Mme Z..., cet
arrêt fait l'objet d'une cassation partielle le 12 novembre 1998 (B n
315) ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal des consorts X... :
(…)
Sur le deuxième moyen du même pourvoi :
Attendu que Mme Evelyne Y... veuve X... fait grief à l'arrêt attaqué
de l'avoir déclarée tenue de communiquer en sa qualité
d'usufruitière à Mme Danielle X... épouse Z..., nue-propriétaire,
tous renseignements sur l'évolution du portefeuille de valeurs mobilières
dépendant de la succession de leur mari et père, alors qu'en imposant
à l'usufruitier une prétendue obligation de justifier, au moment
de l'appréciation de la consistance d'un portefeuille de valeurs mobilières,
universalité distincte des valeurs qui la composent, des variations quotidiennes
de ce portefeuille sur de longues années, la cour d'appel a violé
les articles 578, 599, 815 et 815-2 du Code civil ;
Mais attendu qu'il a été jugé dans le cadre du précédent
pourvoi, d'une part, "que Mme Z..., nue-propriétaire indivise avec
ses cohéritiers du portefeuille de valeurs mobilières dépendant
de la succession de Jean X..., était fondée à demander
à Mme X..., usufruitière de ce portefeuille, de lui en indiquer
la consistance et la valeur, éléments nécessaires pour
que la nue-propriété en soit partagée, d'autre part, que
si l'usufruitier d'un portefeuille de valeurs mobilières, lesquelles
ne sont pas consomptibles par le premier usage, est autorisé à
gérer cette universalité en cédant des titres dans la mesure
où ils sont remplacés, il n'en a pas moins la charge d'en conserver
la substance et de le rendre" ;
qu'en conformité avec cette décision, la cour de renvoi énonce
à bon droit que pour déterminer la substance conservée
et la valeur du bien à partager, il est nécessaire que l'usufruitière
puisse donner tous les éléments nécessaires pour déterminer
si les seules valeurs subsistantes au jour du partage, représentent bien
toute la substance de l'universalité qu'elle était chargée
de conserver ; que le moyen tendant à remettre en cause ce qui a déjà
été jugé dans le cadre du présent litige ne peut
être accueilli ;
Sur le troisième moyen, pris en ses quatre branches, du même pourvoi
:
Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt confirmatif
attaqué, d'avoir ordonné une expertise pour évaluer la
contre-valeur actuelle des titres actuellement manquants dans le portefeuille
de valeurs mobilières dépendant de la succession de Jean X...
et d'avoir déclaré Mme veuve X... tenue de communiquer tous renseignements
sur l'évolution de ce portefeuille, alors, selon le moyen :
1 ) que l'usufruit ne devant cesser qu'à sa mort, celle-ci n'était
pas tenue, fût-ce dans le cadre d'un partage partiel de la nue-propriété
opérée par les nus-propriétaires, de justifier à
cette date de la conservation de la substance du patrimoine mobilier ; qu'en
confondant obligation pour l'usufruitier d'indiquer la consistance du patrimoine
au moment du partage et obligation pour l'usufruitier de rendre la substance
du patrimoine au moment de la cessation de l'usufruit, la cour d'appel a violé
l'article 578 du Code civil ;
2 ) que Mme X... faisait valoir que le portefeuille de valeurs mobilières
litigieux avait été d'ores et déjà partagé
intégralement par un acte de partage de 1991, de sorte qu'en acceptant
le principe d'une expertise destinée à évaluer la masse
partageable, et notamment la valeur du patrimoine mobilier déjà
partagé, sans justifier d'aucune des conditions de rescision de ce partage
précité, la cour d'appel a violé l'article 887 du Code
civil ;
3 ) qu'en décidant que le portefeuille ayant pour partie disparu, il
devait être partagé en valeur, et en prévoyant ainsi le
partage d'un bien totalement inexistant, la cour d'appel a violé les
articles 578 et 815 du Code civil ;
4 ) que, dès lors que la cour d'appel a déclaré irrecevable
l'action engagée contre Mme veuve X... du chef de prétendu abus
de jouissance ou de faute dans l'exercice de son usufruit, la condamnation,
envisagée contre elle, au rapport de la valeur du bien était dépourvue
de tout fondement légal ; que la cour d'appel a encore violé les
textes précités ;
Mais attendu que, si le partage ne met pas fin à l'usufruit, il implique de connaître la valeur du bien à partager, et que sur le fondement des règles rappelées dans le cadre du précédent pourvoi, la cour de renvoi a à bon droit déclaré Mme veuve X... tenue de communiquer en sa qualité d'usufruitière à Mme Z..., nue-propriétaire, tous renseignements sur l'évolution du portefeuille de valeurs mobilières depuis l'ouverture de la succession de Jean X... jusqu'au jour du partage, pour apprécier la valeur et la substance dudit portefeuille par référence à sa substance et sa valeur au jour de l'ouverture de la succession, et ordonné une expertise portant sur les titres non compris dans les partages partiels déjà intervenus ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le quatrième moyen du même pourvoi :
Attendu que Mme veuve X... fait grief à l'arrêt attaqué
d'avoir accordé à Mme Z... une indemnité non demandée
;
Mais attendu qu'en allouant à Mme Z... la somme provisionnelle de 300
000 francs, à valoir sur l'indemnisation définitive du préjudice
résultant du défaut de communication imputable à la carence
de sa mère, la cour d'appel a, contrairement à ce qui est prétendu
au moyen, statué dans la limite de la demande présentée
dans les conclusions, visant expressément le refus de rendre compte parmi
les fautes génératrices du préjudice dont il était
sollicité réparation à hauteur de 5 000 000 francs ; que
le moyen manque en fait ;
(…)
PAR CES MOTIFS : REJETTE