Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 2 février 2005

N° de pourvoi: 03-19729
Publié au bulletin Rejet.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 septembre 2003), que MM. François, Christian et Luc X... et Thierry Y..., usufruitiers de terres agricoles d'une superficie de 1 108 Hectares, ont conçu le projet de donner à bail commercial à deux sociétés cinq hectares de terrain en vue de permettre la construction et l'exploitation d'une plate-forme de compostage de déchets organiques ;
que MM. Claude et Jean-Pierre X... et Mme Agnès X..., épouse Z..., représentant 9/64e des nus-propriétaires, s'étant opposés à nouveau à ce projet, les usufruitiers ont assigné ces derniers, ainsi que MM. Mathieu, Romain, Jean-Baptiste Y... et Mme Clotilde Y... afin d'être autorisés à conclure, seuls, un bail commercial portant sur les parcelles en cause, avec les sociétés ;
Attendu que M. Claude X... fait grief à l'arrêt d'accorder cette autorisation, alors, selon le moyen :
1 / que si l'usufruitier peut, à défaut d'accord du nu-propriétaire, se faire autoriser en justice à passer seul un bail sur un fonds rural, c'est à la condition que la destination du fonds reste constante, à savoir que le bail conclu soit un bail rural ; qu'en autorisant la conclusion d'un bail commercial contre le gré des nus-propriétaires, alors que les parcelles en cause étaient affectées à un usage agricole, les juges du fond ont violé les articles 578 et 595 du Code civil, ensemble les articles L. 311 du Code rural et L. 110-1, L. 110-2 et L. 121-1 du Code de commerce ;
2 / que pour considérer qu'il n'y a pas atteinte à la destination des parcelles, et par suite autoriser sur celles-ci la conclusion d'un bail commercial, contre le gré des nus-propriétaires, les juges du fond ont relevé, d'une part, que le bail ne portait pas atteinte à la substance de la chose, et d'autre part, qu'il était profitable à l'indivision dans la mesure où il valorisait les deux sociétés qui exerçaient leur activité sur les lieux ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à déterminer si l'obligation pour l'usufruitier de conserver la destination de la chose a été satisfaite, les juges du fond ont statué par des motifs inopérants et ont violé les articles 578 et 595 du Code civil ;
3 / que l'obligation pour l'usufruitier de respecter la destination de la chose doit être observée tout au long de la jouissance du bien conféré à l'usufruitier par son droit d'usufruit ; qu'en l'espèce, en relevant également, pour dire qu'il n'y a pas atteinte à la destination des parcelles et par suite autoriser sur celles-ci la conclusion d'un bail commercial contre le gré des nus-propriétaires, qu'en fin de bail, les lieux seront remis dans l'état d'origine, les juges du fond ont à nouveau violé les articles 578 et 595 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant constaté que le bail commercial envisagé obéissait à la nécessité d'adapter les activités agricoles à l'évolution économique et à la réglementation sur la protection de l'environnement, qu'il ne dénaturait ni l'usage auquel les parcelles étaient destinées, ni leur vocation agricole, qu'il était profitable à l'indivision, mais sans porter atteinte aux droits des nus-propriétaires dans la mesure où le preneur s'engageait en fin de bail à remettre les lieux dans leur état d'origine, la cour d'appel, qui en a déduit qu'il ne portait pas atteinte à la substance de la chose, a pu autoriser les usufruitiers à conclure seuls un bail commercial sur les parcelles en cause ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2005 III N° 30 p. 26