Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 4 octobre 2005) que, par acte du 13 janvier 1993, les époux X... ont donné à bail à leur fils, Jean-Paul Y..., pour une durée de neuf ans à compter du 1er janvier 1993, divers locaux à usage commercial ; que Jean-Paul Y... est décédé le 20 janvier 1993, laissant pour lui succéder son fils Sébastien Y..., devenu nu-propriétaire du fonds de commerce de camping exploité dans les lieux loués, et son épouse dont il était séparé de biens, Mme Eliette Y..., devenue usufruitière de ce fonds par suite d'une donation qu'il lui avait consentie de son vivant ; que, par acte du 23 février 2001, les époux X... ont signifié à Mme Eliette Y... un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er janvier 2002, puis, par un nouvel acte du 12 juin 2002, notifié à Mme Eliette Y... et à M. Sébastien Y... (les consorts Y...), ils ont rétracté leur offre de renouvellement au motif que Sébastien Y... n'étant pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés, les consorts Y... ne pouvaient prétendre au bénéfice du statut des baux commerciaux ; que les consorts Y... ont assigné les époux X... pour voir constater la nullité de l'acte du 12 juin 2002 et, subsidiairement, obtenir paiement d'une indemnité d'éviction ; que, reconventionnellement, les époux X... ont demandé que les consorts Y... soient déclarés occupants sans droit ni titre à compter du 1er janvier 2002, que soit ordonné leur expulsion et que soit fixé le montant de l'indemnité d'occupation ;
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt d'accueillir
les demandes reconventionnelles des époux X... alors, selon le moyen
:
1° / que la seule inscription au registre du commerce et des sociétés
de l'usufruitier, qui est un propriétaire commerçant d'un fonds
de commerce permet à celui-ci de bénéficier du droit au
renouvellement d'un bail commercial ; que la propriété démembrée
de l'usufruitier et du nu-propriétaire n'est pas assimilable à
une co-titularité du bail qui imposerait que chacun soit immatriculé
; qu'en disant le congé sans offre de renouvellement ni indemnité
d'éviction valide au seul motif pris du défaut d'immatriculation
de M. Sébastien Y..., nu-propriétaire non exploitant, au registre
du commerce et des sociétés à la date du congé,
l'immatriculation de Mme Z... Y..., usufruitière exploitante du fonds
de commerce étant acquise, la cour d'appel a violé les articles
L. 145-1 et L. 145-8 du code de commerce, 1er du 1er Protocole additionnel à
la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales ;
2° / que lorsque la propriété du fonds de commerce est démembrée
entre, d'une part, l'usufruit du conjoint survivant, immatriculé au registre
du commerce et des sociétés en qualité de commerçant
exploitant du fonds de commerce et, d'autre part, la nue-propriété
du descendant direct, non commerçant exploitant, ni immatriculé
en cette qualité audit registre, aucune disposition légale ou
règlementaire ne les prive du droit au renouvellement du bail commercial
; que le défaut d'immatriculation du nu-propriétaire non commerçant
non exploitant ne constitue le cas échéant un motif grave et légitime,
privatif de l'indemnité d'éviction, que s'il se poursuit plus
d'un mois après la mise en demeure délivrée par le bailleur
; que dès lors, en validant le congé sans offre de renouvellement
ni indemnité d'éviction, au seul motif pris du défaut d'immatriculation
de M. Sébastien Y..., nu-propriétaire non exploitant au registre
du commerce et des sociétés à la date du congé,
la cour d'appel a violé les articles L. 145-1 et L. 145-8, ensemble les
articles L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce, 1er du 1er Protocole additionnel
à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme
et des libertés fondamentales ;
3° / que, le seul fait qu'un bail ait été à l'origine
un bail commercial par nature n'exclut pas que les parties aient par la suite
accepté de le soumettre volontairement au statut des baux commerciaux
; qu'en se contentant de retenir que " que la jurisprudence invoquée
par les appelants relative à la soumission volontaire, par la convention
des parties, au statut des baux commerciaux, qui permet au preneur de bénéficier
du droit au renouvellement malgré son absence d'immatriculation, est
inopérante au cas d'espèce où le bail est depuis l'origine
un bail commercial par nature ", sans rechercher s'il n'y avait pas eu,
dès lors que le bénéfice du statut n'était plus
de droit, renonciation à se prévaloir de ce défaut, ainsi
que cela résultait du silence gardé par les époux X...
à la suite du décès de Jean-Paul Y... et du démembrement
conséquent de la propriété du bail commercial entre l'épouse
de celui-ci et son fils, M. Sébastien Y..., en pleine connaissance de
ce que seule Mme Z... veuve Y..., usufruitière, exploitait le fonds de
commerce, la cour d'appel a manqué de base légale au regard des
articles L. 145-1 et L. 145-8 du code de commerce ensemble l'article 1134 du
code civil ;
4° / que, par conclusions régulièrement signifiées
le 19 août 2005, Mme Eliette Z... veuve Y... et son fils, Sébastien
Y..., ont fait valoir l'irrégularité formelle du congé
délivré le 12 juin 2002 compte tenu notamment, d'une part, de
la confusion résultant de sa notification à deux destinataires
tout en prétendant qu'un seul était concerné, et d'autre
part, de la confusion portant sur la qualification même de l'acte qui,
en raison de la nullité de la précédente offre de renouvellement,
devait donner lieu à la délivrance d'un acte de résiliation
avec respect d'un préavis ; qu'en se contentant de déclarer régulier
en la forme le congé sans offre de renouvellement notifié le 12
juin 2002, sans aucune motivation, la cour d'appel a violé les articles
455 et 458 du nouveau code de procédure civile ;
5° / que, par conclusions régulièrement signifiées
le 19 août 2005, Mme Eliette Z... veuve Y... et son fils, Sébastien
Y..., ont fait valoir que les époux A... Y..., bailleurs, étaient
également vendeurs du fonds de commerce à M. Jean-Paul Y... auquel
ont succédé en nue-propriété son fils Sébastien
Y... et son épouse, Mme Z... veuve Y... ; que la garantie d'éviction
des articles 1626 et suivants du code civil est donc due par les vendeurs du
fonds à leur acheteur ; que les vendeurs ne peuvent par suite vider ce
fonds d'un élément essentiel ne ne procurant pas aux acheteurs
un bail commercial, même volontairement ; qu'en ne répondant pas
à ce motif dirimant, la cour d'appel a violé les articles 455
et 458 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu, par motifs
propres et adoptés, que les époux X... avaient valablement retiré
leur congé avec offre de renouvellement lorsqu'ils ont découvert
que M. Sébastien Y... n'était pas immatriculé au registre
du commerce, et que la seule délivrance d'un congé avec offre
de renouvellement n'emportait pas volonté de la part des bailleurs de
renoncer à se prévaloir de l'absence du droit à la propriété
commerciale des preneurs, le bail étant commercial depuis l'origine ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant exactement retenu, que le bénéfice
du statut des baux commerciaux ne pouvait être invoqué que par
celui qui est à la fois titulaire du bail et propriétaire du fonds
de commerce, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder
à des recherches ni de répondre à des conclusions que ses
constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que
lorsque la propriété d'un fonds de commerce est démembrée
entre un usufruitier qui a la qualité de commerçant et un nu-propriétaire
qui n'a pas cette qualité, le nu-propriétaire devait être
immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour
permettre l'application du statut des baux commerciaux et que dès lors
que M. Sébastien Y..., bien que majeur depuis le 29 janvier 1999, n'était
pas inscrit au registre du commerce et des sociétés en qualité
de nu-propriétaire non exploitant au moment de la notification du congé,
les consorts Y... ne pouvaient prétendre au renouvellement du bail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;