Sur le premier moyen :
(...)
Et sur le second moyen :
Attendu que M. Y..., ès qualités, reproche à l'arrêt
d'avoir décidé que les coopérateurs restaient propriétaires
des stocks conservés par la coopérative au prorata de leurs apports
respectifs et dit que n'était pas rapportée la preuve que les
adhérents aient été intégralement payés de
leurs apports conservés en stocks et encore présents dans la cave,
accueillant ce faisant le principe de l'action en revendication des associés
coopérateurs, alors, selon le moyen :
1 / que l'action en revendication des marchandises détenues par le débiteur
en redressement judiciaire est soumise à la preuve de l'existence de
ces marchandises en nature dans le patrimoine du débiteur au moment de
l'ouverture de la procédure collective ; que des marchandises transformées
peuvent être considérées comme retrouvées en nature
s'il est établi que la transformation n'en a pas altéré
la substance ; que la seule circonstance que ces biens soient demeurés
identifiables ne suffit en revanche pas à établir leur existence
en nature ;
qu'en l'espèce, les associés coopérateurs ont livré
des raisins à la coopérative ; qu'en décidant que les marchandises
revendiquées existaient encore en nature dans le patrimoine du débiteur,
en se fondant sur la seule existence de stock de vin en cave, sans constater
que ces stocks comprenaient également les récoltes livrées,
ou que celles-ci avaient pu être transformées en vin sans altération
de leur substance, la cour d'appel a privé sa décision de base
légale au regard de l'article L. 621-122 du code de commerce ;
2 / qu'en statuant ainsi sans répondre aux conclusions du liquidateur
lequel faisait valoir que les coopérateurs avaient apporté des
moûts de raisin, alors que la cave de la coopérative ne comportait
plus que du vin élevé, vinifié et stocké en cave,
et que dès lors les moûts, qui avaient été transformés
et incorporés les uns aux autres, n'existaient plus en nature dans le
patrimoine du débiteur au moment de l'ouverture de la procédure
collective, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de
procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir énoncé qu'il appartient
au propriétaire revendiquant de rapporter la preuve que la marchandise
revendiquée se retrouve, à l'ouverture de la procédure
collective, en nature entre les mains du débiteur et qu'il doit y avoir
identité entre la chose livrée et la chose revendiquée,
sous réserve de transformation ou d'incorporation éventuelles
n'en modifiant ni les caractères, ni la propriété, l'arrêt
relève que chacun des coopérateurs justifie de ses déclarations
de récoltes annuelles qui mentionnent de façon distincte et individualisée
les différentes productions apportées qui sont ainsi identifiables
et que le stock de la cave de la coopérative est constitué d'hectolitres
provenant des récoltes 1999, 2000 et 2001 répartis en diverses
appellations distinctes ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations,
la cour d'appel, répondant en les écartant aux conclusions prétendument
délaissées, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation
en retenant que les marchandises revendiquées se trouvaient encore
en nature dans les caves de la coopérative dès lors que l'incorporation
des moûts les uns aux autres et le processus d'évolution et de
vinification des récoltes apportées n'avaient pas transformé
leur substance ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Cour de cassation
chambre commerciale
Audience publique du mardi 22 mars 1994
N° de pourvoi: 92-11223
Publié au bulletin Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 octobre 1991), que la
société Boeuf mode a été mise en redressement judiciaire
le 10 octobre 1990, sans avoir réglé à la société
coopérative agricole Groupement de producteurs bovins de l'ouest (le
GPBO), le prix d'animaux que ce dernier lui avait livrés ; qu'excipant
d'une clause de réserve de propriété, le GPBO a revendiqué
les animaux livrés se trouvant encore dans les entrepôts de la
société Boeuf Mode et la partie du prix de revente non payée
de ceux déjà vendus par elle ;
Attendu que le GPBO fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté
sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que si la revendication du prix
de marchandises ne peut être accueillie que dans la mesure où celles-ci
existent en nature lors de l'ouverture de la procédure collective, cette
existence en nature doit s'entendre comme le maintien de la nature fondamentale
de ces marchandises et non pas de leur maintien en l'état ; qu'en conséquence,
il suffit que leurs caractères essentiels et substantiels soient inchangés
; qu'ainsi, en considérant que lors de l'ouverture de la procédure
collective de la société Boeuf mode, les bovins vendus par le
GPBO avaient été abattus et découpés, de sorte que
cette transformation des marchandises ne permettait plus la revendication de
leur prix, en ce qu'il était incompatible avec l'exigence légale
de l'existence en nature des biens revendiqués, la cour d'appel a violé
par fausse interprétation les articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier
1985 ; et alors, d'autre part, que la revendication des marchandises doit être
admise, dès lors qu'elles peuvent être identifiées chez
l'acheteur comme étant celles qui ont été livrées
par le vendeur revendiquant ; qu'après avoir constaté que les
bovins avaient été identifiés comme étant ceux livrés
par le GPBO, la cour d'appel a néanmoins refusé à ce dernier
la possibilité de revendiquer le prix de leur vente ; qu'en ne déduisant
pas de ces constatations, d'où il résultait que l'identité
des marchandises n'était pas affectée, les conséquences
qui en découlaient, la cour d'appel a encore violé les articles
121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel, après avoir relevé que les
animaux livrés par le GPBO avaient été abattus
et découpés par la société Boeuf mode entre
le 11 et le 14 septembre 1990, a retenu que ces opérations de
transformation, effectuées en vue de la commercialisation de
produits de boucherie, " étaient incompatibles avec l'exigence
légale de l'existence en nature des biens revendiqués au jour
de l'ouverture du redressement judiciaire " de la société
Boeuf mode, prononcé le 10 octobre 1990 ; qu'en l'état de ces
constatations et énonciations, la cour d'appel a établi que les
animaux revendiqués ne se retrouvaient pas en nature, au sens de l'article
121, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, et a ainsi légalement
justifié sa décision de rejeter la demande en revendication, peu
important l'identification des marchandises ; que le moyen n'est fondé
en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1994 IV N° 121 p. 94