Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 15 mai 2008

N° de pourvoi: 04-18932
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Mamoudzou, 1er juin 2004), que, M. B..., se prétendant propriétaire de la parcelle dont une partie avait été acquise de la collectivité territoriale le 23 août 1990 par Mme Hadidja X... et Mme Zaïnaba X... (les consorts X...) qui l'ont fait immatriculer, a assigné ces dernières en restitution de la parcelle, selon lui attribuée à la suite de manoeuvres dolosives de leur part, et en dommages-intérêts ;

Attendu que les consorts X... font grief à l'arrêt de les condamner à payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1° / qu'en retenant que les consorts X... avaient commis un dol pour la raison qu'elles auraient mis à profit l'absence de leur cousin pour abuser la collectivité territoriale en laissant croire que le terrain litigieux était sans maître bien qu'elles sussent qu'il appartenait à celui-ci, sans caractériser les manoeuvres frauduleuses dont elles se seraient rendues coupables quand la collectivité elle-même n'avait rien prétendu de tel, le tribunal supérieur d'appel n'a conféré aucune base légale à sa décision au regard des articles 1116 du code civil et 119 du décret du 4 février 1911 ;

2° / que le revendiquant qui se prévaut d'une possession utile doit avoir accompli des actes matériels de possession, lesquels ne peuvent se déduire de la conclusion d'actes juridiques ; qu'en retenant, pour déclarer qu'en l'espèce il justifiait d'une occupation de bonne foi, paisible et continue, et d'une mise en valeur rationnelle permanente depuis plus de trente ans, qu'il avait confié l'exploitation et la mise en valeur du terrain en 1959 à son oncle ainsi que cela serait résulté des témoignages versés aux débats, le tribunal supérieur d'appel a violé les articles 2229 du code civil et 29, alinéa 2 du décret du 28 septembre 1926 modifié par le décret du 28 février 1956 ;

3° / que le concessionnaire, simple détenteur précaire, ne peut avoir la qualité de propriétaire ni usucaper ; qu'en retenant qu'il résultait d'un plan-croquis du 9 septembre 1934 que l'aïeul possédait un terrain en vertu d'un titre de concession, pour en déduire que ses héritiers, dont notamment les auteurs des litigants, avaient donc chacun hérité en pleine propriété de la parcelle décrite dans le jugement de 1929 transmissible à leurs propres héritiers, affirmant ainsi tout à la fois que le père du revendiquant aurait hérité en pleine propriété d'une parcelle dont son auteur n'était pourtant que concessionnaire, le tribunal supérieur d'appel a violé les articles 544, 712 et 713 du code civil, ainsi que 29 du décret du 28 février 1956 ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant exactement retenu que l'article 29, alinéa 2, du décret du 28 septembre 1926, modifié par le décret du 28 février 1956, dispose que la propriété de l'Etat pourra être combattue par la preuve contraire établissant, en ce qui concerne notamment les personnes exerçant des droits réels selon la coutume, que leur droit de propriété résultait d'une occupation de bonne foi, paisible et continue ainsi que d'une mise en valeur rationnelle depuis plus de trente ans, et relevé que nul ne contestait l'occupation paisible de la parcelle, en vertu d'un titre régulier de concession, jusqu'à son décès, en 1940, par M. Ali Y..., dont son unique enfant, M. B...est l'héritier, que la mère de ce dernier n'avait cessé de se préoccuper du bien dont son fils avait hérité, avant que l'exploitation et la mise en valeur en soient confiés, en 1959, sous la bonne garde de son oncle qui devait le restituer à son neveu dès son retour à Mayotte et relevé que le terrain est une cocoteraie constituant une des plus importantes exploitations de coprah du centre de l'île et qu'en 1968, lors d'un séjour à Mayotte, M. B...avait autorisé son oncle à cultiver de l'ylang-ylang, cultures existant encore au moment de la vente de la parcelle aux consorts X..., le tribunal supérieur d'appel, qui en a déduit que le titre foncier de M. B...est définitif et inattaquable, a, par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu qu'il était patent que les consorts X... connaissaient les droits de M. B...sur partie de la parcelle qu'ils avaient achetée en 1990, dix de leurs frères et soeurs, intervenants forcés, après avoir retracé l'historique du terrain, notoirement connu de toute la famille, ayant admis sans difficulté que M. B..., unique héritier d'Ali Y..., devait recevoir l'intégralité de la part jadis dévolue à son père, le tribunal supérieur d'appel, qui a relevé que les consorts X... avaient manifestement mis à profit l'absence de leur cousin M. B...pour abuser la collectivité territoriale de Mayotte, en laissant croire que le terrain dont ils sollicitaient l'immatriculation était sans maître alors qu'ils savaient qu'il appartenait à leur cousin, a pu en déduire l'existence d'un dol ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

Rejette le pourvoi ;