Arrêt Cément-Bayard

Cour de Cassation
Chambre des requêtes
Audience publique du 3 août 1915
Rejet
LA COUR :
Sur le moyen de pourvoi pris de la violation des articles 544 et suivants, 552 et suivants du code civil, des règles du droit de propriété et plus spécialement du droit de clore, violation par fausse application des articles 1382 et suivants du code civil, violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810, défaut de motifs et de base légale.
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que Coquerel a installé sur son terrain attenant à celui de Clément-Bayard, des carcasses en bois de seize mètres de hauteur surmontées de tiges de fer pointues ; que le dispositif ne présentait pour l'exploitation du terrain de Coquerel aucune utilité et n'avait été érigée que dans l'unique but de nuire à Clément-Bayard, sans d'ailleurs, à la hauteur à laquelle il avait été élevé, constituer au sens de l'article 647 du code civil, la clôture que le propriétaire est autorisé à construire pour la protection de ses intérêts légitimes ; que, dans cette situation des faits, l'arrêt a pu apprécier qu'il y avait eu par Coquerel abus de son droit et, d'une part, le condamner à la réparation du dommage causé à un ballon dirigeable de Clément-Bayard, d'autre part, ordonner l'enlèvement des tiges de fer surmontant les carcasses en bois.
Attendu que, sans contradiction, l'arrêt a pu refuser la destruction du surplus du dispositif dont la suppression était également réclamée, par le motif qu'il n'était pas démontré que ce dispositif eût jusqu'à présent causé du dommage à Clément-Bayard et dût nécessairement lui en causer dans l'avenir.
Attendu que l'arrêt trouve une base légale dans ces constatations ; que, dûment motivé, il n'a point, en statuant ainsi qu'il l'a fait, violé ou faussement appliqué les règles de droit ou les textes visés au moyen.
Par ces motifs, rejette la requête, condamne le demandeur à l'amende.
Ainsi fait jugé et prononcé par la Cour de Cassation, Chambre des Requêtes, en son audience publique du trois août mil neuf cent quinze.

Pour l’étude des faits, voir l’arrêt de CA d’Amiens, 12 novembre 1913 :
Considérant que Jules Coquerel a acquis en 1910 une pièce de terre d’une longueur de 170 mètres environ, d’une largeur de 10 à 12 mètres, située sur le territoire de Trosly-Breuil, en face et à une distance de 90 mètres environ d’un hangar pour dirigeables construit par Adolphe Clément-Bayard ; - Considérant que Coquerel, qui vit en mésintelligence avec Clément-Bayard, a établi sur la limite de sa propriété et en face de la porte du hangar de Clément-Bayard, deux carcasses en bois d’une longueur de15 mètres environ, d’une hauteur de 10 à 11 mètres, surmontées de 4 piquets en fer de 2 à 3 mètres de hauteur, et séparés l’une de l’autre de quelques mètres ; - Considérant que ces carcasses en bois ne sont ni closes ni couvertes ; que Coquerel n’en retire et ne peut, dans l’état où elles se trouvent, en retirer aucun profit direct ; qu’elles ne constituent même pas une clôture, puisqu’elles n’existent que sur une longueur de 25 à 30 mètres et sont séparées l’une de l’autre par un intervalle de plusieurs mètres ; - Considérant qu’il est manifeste et ne saurait être méconnu qu’elles ne présentent aucun intérêt pour Coquerel et que Coquerel ne les a fait édifier que dans l’unique but de nuire à Clément-Bayard, en rendant plus difficile, notamment en cas de vent violent, les manœuvres des dirigeables à leur départ et à leur retour ; qu’il s’ensuit que c’est à juste titre que les 1er juges ont estimé qu’il y avait là, de la part de Coquerel, un abus de son droit de propriété et l’ont condamné à supprimer les poteaux en fer surmontant les charpentes et dont l’un d’eux a causé, en 1912, des avaries à l’un des dirigeables de Clément-Bayard ; - Considérant que Coquerel prétend, il est vrai, pour justifier ses agissements, qu’il n’a fait, en exécutant ces travaux et en augmentant ainsi l’intérêt de Clément-Bayard à se rendre acquéreur de la pièce de terre, qu’un acte de spéculation ; - Considérant que s’il est loisible au propriétaire du fonds de chercher à en tirer le meilleur parti possible, et si la spéculation est par elle-même, et en elle-même, un acte parfaitement licite, ce n’est qu’à la condition que les moyens employés pour la réaliser ne soient pas, comme en l’espèce, illégitimes et inspirés exclusivement par une intention malicieuse ; - Adoptant, en outre, sur ces divers points, les motifs du jugement non contraires aux présents ;
Sur l’appel incident de Clément-Bayard : - Adoptant également les motifs du jugement, - Considérant que Clément-Bayard ne peut prétendre à la réparation d’un dommage éventuel et incertain ; que rien ne démontre que les carcasses en bois, lorsqu’elles ne seront plus surmontées de poteaux en fer, lui causeront forcément un préjudice dont il soit fondé dès maintenant à se plaindre ;
Par ces motifs, confirme »

Grandes manoeuvres de Picardie du 9 au 18 septembre 1910 : Sortie du dirigeable "Clément-Bayard" de son hangar sur le terrain de Trosly-Breuil.
trouvée sur le site albindenis.free.fr

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