Cass. civ., 2 mai 2001 ; Assoc.
Comité régIonal de Tou¬risme de Bretagne et a. c/ SCI Roch
Arhon et a.
LA COUR - : Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le
deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 544 du Code civil
Attendu que le Comité régional de tourisme de Bretagne (le CRT)
a utilisé à des fins de publicité un cliché dont
il avait acquis le droit de repro¬duction de M. Plis son, photographe professionnel
; que cette image repré¬sente l’estuaire du Trieux, avec, au
premier plan, l’îlot de Roch Arhon. pro-piété de la
société civile immobilière du même nom et a été
diffusée malgré l’opposition de celle-ci ; Attendu que pour
accueillir la demande de la SCI en interdiction de cette reproduction, l’arrêt
attaqué énonce que les droits invoqués par le CRT et M.
Plisson trouvent leurs limites dans la protection du droit de pro-piété
de la SCI, à la mesure des abus inhérents à l’exploitation
d’une repré¬sentation de son bien à des fins commerciales
et avec une publicité impor¬tante, que l’île est le sujet
essentiel de l’image, et que la photographie est utilisée sous
la forme d’une affiche à grande diffusion, au titre d’une
cam¬pagne publicitaire destinée à la promotion du tourisme
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi
l’exploita¬tion de la photographie par les titulaires du droit incorporel
de son auteur portait un trouble certain au droit d’usage ou de jouissance
du propriétaire la cour d’appel n’a pas donné de base
légale à sa décision
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches
des premier et deuxième moyens
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24
novembre 1998, entre les parties, par la Cour d’appel de Rennes:
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel d'Angers, mais
uniquement pour qu’elle statue sur le fond de la demande formée
par le CRT et M. Plisson
Cour de Cassation Assemblée plénière
Audience publique du 7 mai 2004 Rejet
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la
Société de promotion immobilière SCIR Normandie (la société
SCIR Normandie), a confié à la société Publicis
Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société Publicis
Hourra (la société Publicis) la confection de dépliants
publicitaires comportant, outre des informations relatives à l'implantation
de la future résidence et à ses avantages, la reproduction de
la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt
; que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet
hôtel, la SCP Hôtel de Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas
été sollicitée, a demandé judiciairement à
la société SCIR Normandie la réparation du préjudice
qu'elle disait avoir subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien ;
que cette dernière a appelé la société Publicis
en garantie ;
Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt
du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :
1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété
est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue,
pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les
règlements" ; que le droit de jouir emporte celui d'user de la chose
dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le
truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce
droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître
au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce
volontairement ; qu'en énonçant que "le droit de propriété
n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour
le propriétaire sur l'image de son bien" pour en déduire
qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un préjudice
car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit
pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé
l'article 544 du Code civil ;
2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à
des fins commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel
de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté
un effort financier considérable pour la restauration de l'hôtel
particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant
et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de
choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans le dépliant
publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel,
le fait que les intimées aient acheté cette reproduction chez
un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée
représente une valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans
répondre à ce moyen particulièrement pertinent qu'elle
"ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué
par elle et d'une atteinte à son droit de propriété",
la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision
au regard de l'article 544 du Code civil ;
3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en
visant les cartes postales de la façade historique de Hôtel de
Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement
produites, que les mentions portées au verso de ces pièces confirment
sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire
la façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand
elle estime que les conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement
de se prononcer sur la valeur de ces pièces qu'elle avait régulièrement
versées aux débats à l'appui de ses prétentions,
la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision
au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure
civile ;
Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit
exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation
de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître
qu'un tel trouble n'était pas établi ; d'où il suit que
le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;