IMAGE D’UN BIEN
Cour de Cassation
Chambre civile 1
Audience publique du 10 mars 1999
Cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 544 du Code civil ;
Attendu que le propriétaire a seul le droit d'exploiter son bien, sous quelque forme que ce soit ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme Gondrée, épouse Pritchett, tendant à la saisie de cartes postales mises en vente par la société Editions Dubray, représentant le " Café Gondrée ", dont Mme Pritchett est propriétaire à Bénouville, l'arrêt attaqué énonce que la photographie, prise sans l'autorisation du propriétaire, d'un immeuble exposé à la vue du public et réalisée à partir du domaine public ainsi que sa reproduction, fût-ce à des fins commerciales, ne constituent pas une atteinte aux prérogatives reconnues au propriétaire ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'exploitation du bien sous la forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propriétaire, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen, non plus que sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 juin 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.

Cass. civ., 2 mai 2001 ; Assoc. Comité régIonal de Tou¬risme de Bretagne et a. c/ SCI Roch Arhon et a.
LA COUR - : Sur le premier moyen, pris en sa première branche, et le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
Vu l’article 544 du Code civil
Attendu que le Comité régional de tourisme de Bretagne (le CRT) a utilisé à des fins de publicité un cliché dont il avait acquis le droit de repro¬duction de M. Plis son, photographe professionnel ; que cette image repré¬sente l’estuaire du Trieux, avec, au premier plan, l’îlot de Roch Arhon. pro-piété de la société civile immobilière du même nom et a été diffusée malgré l’opposition de celle-ci ; Attendu que pour accueillir la demande de la SCI en interdiction de cette reproduction, l’arrêt attaqué énonce que les droits invoqués par le CRT et M. Plisson trouvent leurs limites dans la protection du droit de pro-piété de la SCI, à la mesure des abus inhérents à l’exploitation d’une repré¬sentation de son bien à des fins commerciales et avec une publicité impor¬tante, que l’île est le sujet essentiel de l’image, et que la photographie est utilisée sous la forme d’une affiche à grande diffusion, au titre d’une cam¬pagne publicitaire destinée à la promotion du tourisme
Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi l’exploita¬tion de la photographie par les titulaires du droit incorporel de son auteur portait un trouble certain au droit d’usage ou de jouissance du propriétaire la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches des premier et deuxième moyens
Casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 24 novembre 1998, entre les parties, par la Cour d’appel de Rennes:
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d’appel d'Angers, mais uniquement pour qu’elle statue sur le fond de la demande formée par le CRT et M. Plisson


Cour de Cassation Assemblée plénière
Audience publique du 7 mai 2004 Rejet

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la Société de promotion immobilière SCIR Normandie (la société SCIR Normandie), a confié à la société Publicis Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société Publicis Hourra (la société Publicis) la confection de dépliants publicitaires comportant, outre des informations relatives à l'implantation de la future résidence et à ses avantages, la reproduction de la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt ; que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet hôtel, la SCP Hôtel de Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas été sollicitée, a demandé judiciairement à la société SCIR Normandie la réparation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien ; que cette dernière a appelé la société Publicis en garantie ;
Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen :
1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements" ; que le droit de jouir emporte celui d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce volontairement ; qu'en énonçant que "le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien" pour en déduire qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil ;

2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à des fins commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier considérable pour la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans le dépliant publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient acheté cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée représente une valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans répondre à ce moyen particulièrement pertinent qu'elle "ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ;
3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en visant les cartes postales de la façade historique de Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement produites, que les mentions portées au verso de ces pièces confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand elle estime que les conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement de se prononcer sur la valeur de ces pièces qu'elle avait régulièrement versées aux débats à l'appui de ses prétentions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ;
Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas établi ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

cliquez :
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/actualite_jurisprudence_21/chambres_mixtes_assemblee_pleniere_22/arrets_travaux_preparatoires_23/assemblee_pleniere_24/br_arret_459.html