Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 8 décembre 2004
N° de pourvoi: 03-15541
Publié au bulletin Rejet.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bourges, 9 avril 2003), que le
syndicat des copropriétaires de la Résidence Le Vermeil (le syndicat)
est propriétaire d'un terrain séparé par un mur de pierres
de deux terrains situés en surplomb, appartenant l'un à M. Da
X... et l'autre en nue-propriété à hauteur des 3/8e à
M. Marc Y... et à sa soeur Marie-Christine Y... (les consorts Y...) ;
qu'une partie du mur s'étant effondrée le 27 décembre 1999,
le syndicat a, après expertise, demandé que les consorts Y...
ainsi que M. Da X... et son assureur, la société Mutuelle de Poitiers,
soient condamnés à le remettre en état ainsi qu'à
lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, le premier moyen du pourvoi incident
et le deuxième moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu que les consorts Y... et M. Da X... font grief à l'arrêt
de constater que le mur est leur propriété exclusive, alors, selon
le moyen :
1 / qu'un mur de soutènement peut être privatif ou mitoyen s'il
comporte des indices d'appartenance au propriétaire voisin ou de mitoyenneté
qu'il importe au juge d'examiner ; qu'en l'espèce, les consorts Y...
et M. Da X..., se fondant sur les constatations de l'expert judiciaire, avaient
invoqué des marques sur le mur séparant les propriété
Y... de l'immeuble appartenant au syndicat, telles que l'existence d'un chaperon
déversant l'eau sur la parcelle appartenant audit syndicat et d'une fontaine,
attestant du caractère privatif de ce mur au profit de ce syndicat et
à tout le moins de son caractère mitoyen ; qu'en retenant que
ce mur n'était pas un mur de clôture mais un mur de soutènement
comme tel présumé appartenir aux consorts Y... "nonobstant
les indices contraires", la cour d'appel qui, tout en relevant l'existence
de ces indices a refusé d'en tenir compte, a violé les articles
653, 654 et 1386 du Code civil ;
2 / que si les relevés cadastraux ne peuvent valoir titre de propriété,
ils peuvent valoir comme indices du caractère privatif ou mitoyen d'un
mur de soutènement ; qu'en l'espèce, les consorts Y... et M. Da
X... avaient fait valoir que les documents d'archives, le plan cadastral actuel
ainsi que l'allure du chaperon indiquaient que le mur litigieux appartenait
à la copropriété Le Vermeil ;
qu'en ne recherchant pas si le plan des lieux avant travaux de l'immeuble de
la copropriété Le Vermeil dressé par M. Z..., géomètre-expert,
et le plan cadastral actuel indiquant que le mur appartient à cette copropriété,
ne constituaient pas des indices de nature à établir, avec l'allure
du mur litigieux semblant montrer la présence d'un chaperon à
deux pentes toujours visible sur une partie de ce mur au droit du terrain de
la ville de Vierzon, le caractère privatif de ce mur au profit de la
copropriété Le Vermeil ou du moins son caractère mitoyen,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 653, 654 et 1386 du Code civil ;
3 / qu'il résulte des articles 653 et 654 du Code civil, qu'un mur de
séparation peut être privatif ou mitoyen s'il comporte des indices
d'appartenance au propriétaire voisin ou de mitoyenneté qu'il
importe au juge d'examiner ; qu'en l'espèce, la Mutuelle de Poitiers,
assureur de M. Da X..., se fondant sur les constatations de l'expert judiciaire,
avait invoqué l'existence d'un certain nombre d'indices indiquant l'appartenance
du mur à la copropriété Le Vermeil, laquelle avait modifié
la géographie des lieux en créant un important talus au pied du
mur entraînant sa dégradation, ou encore l'existence d'un chaperon
déversant l'eau sur la parcelle appartenant audit syndicat des copropriétaires
et d'une fontaine attestant du caractère privatif de ce mur au profit
de ce syndicat des copropriétaires et à tout le moins de son caractère
mitoyen ; qu'en retenant que "nonobstant les indices contraires" ce
mur n'était pas un mur de clôture mais un mur de soutènement
appartenant aux consorts Y... et à M. Da X..., la cour d'appel qui, tout
en relevant l'existence de ces indices a refusé d'en tenir compte, a
violé les articles 653, 654 et 1386 du Code civil ;
4 / que si les relevés cadastraux ne peuvent valoir titre de propriété,
ils peuvent valoir comme indices du caractère privatif ou mitoyen d'un
mur de soutènement ; qu'en l'espèce, l'assureur de M. Da X...
avait fait valoir que les plans d'archives et notamment le cadastre actuel indiquent
que le mur litigieux appartient à la copropriété Le Vermeil
; qu'en ne recherchant pas si le plan des lieux avant travaux de l'immeuble
de la copropriété Le Vermeil qui a modifié la géographie
des lieux, plan dressé par M. Z..., géomètre expert, et
le plan cadastral actuel indiquant que le mur appartient à cette copropriété
ne constituaient pas des indices de nature à établir, avec l'allure
du mur litigieux semblant montrer la présence d'un chaperon à
deux pentes toujours visible sur une partie de ce mur au droit du terrain de
la ville de Vierzon, le caractère privatif de ce mur au profit de la
copropriété Le Vermeil ou du moins son caractère mitoyen,
la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard
des articles 653, 654 et 1386 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté
l'absence de titre permettant d'établir le caractère privatif
ou mitoyen du mur, relevé que le profil des terrains et la présence
de deux rangées de barbacanes démontraient que ce mur remplissait
une fonction de soutènement des terres des propriétés situées
en surplomb et que sa faible hauteur du côté des fonds supérieurs
lui enlevait tout aspect de mur de clôture, et souverainement retenu que
ni la présence d'un chaperon ni l'existence d'une "fontaine"
n'étaient des indices de nature à faire échec à
ces présomptions, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de s'expliquer
sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter,
en a déduit, à bon droit, que le mur était la propriété
exclusive de M. Da X... et des consorts Y... ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal, le second moyen du pourvoi incident
et le troisième moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu que les consorts Y... et M. Da X... font grief à l'arrêt
de les condamner à faire procéder aux travaux de remise en état,
alors, selon le moyen :
1 / qu'une tempête représentant un événement climatique
exceptionnel d'une ampleur inhabituelle, imprévisible et irrésistible,
constitue une cause étrangère exonérant, en totalité
ou en partie, le propriétaire d'un mur qui s'est effondré"
le jour de cette tempête de toute responsabilité sans qu'il soit
besoin de rapporter la preuve que le mur se serait effondré s'il avait
été correctement entretenu ; qu'en retenant que les consorts Y...
et M. Da X... ne pouvaient s'exonérer de leur responsabilité dans
l'effondrement du mur litigieux en invoquant la tempête de décembre
1999 du seul fait qu'il n'était pas établi que ce mur se serait
effondré s'il avait été correctement entretenu, la cour
d'appel a violé l'article 1386 du Code civil ;
2 / que la responsabilité du propriétaire d'un mur qui s'est effondré
lors d'une tempête constitutive d'un cas de force majeure est atténuée
ou partagée même lorsque le dommage a été rendu possible
ou aggravé par un vice de construction ou un défaut d'entretien
antérieur ;
qu'en déduisant de ce que l'effondrement du mur n'aurait pas été
imprévisible en raison de la chute de quelques pierres peu de temps avant
la tempête du mois de décembre 1999, à la suite d'un défaut
d'entretien de ce mur, que les consorts Y... et M. Da X... ne pouvaient invoquer
aucune cause étrangère exonératoire tenant à cette
tempête qui présentait les caractères de la force majeure,
la cour d'appel a violé les articles 1386 du Code civil ;
3 / qu'en toute hypothèse, constitue une cause étrangère
exonératoire de toute responsabilité le fait du tiers et, notamment,
de l'usufruitier lorsque la ruine résulte d'un défaut d'entretien
de ce dernier ; que le défaut d'entretien du mur sinistré étant
à la charge de Mme Lucienne Y..., usufruitière, les consorts Y...,
nu-propriétaires, étaient donc fondés à invoquer
l'exonération de leur responsabilité ; qu'en décidant le
contraire, la cour d'appel a violé les articles 605 et 1386 du Code civil
;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs propres, que la
ruine du mur était liée au défaut d'entretien des barbacanes,
au mauvais écoulement des eaux et à la végétation
anarchique proliférant sur les terrains supérieurs et constaté,
par motifs adoptés, que les premiers signes d'éboulement étaient
apparus dès le 23 décembre 1999, la cour d'appel a pu en déduire
que la tempête survenue postérieurement à cette date ne
présentait pas les caractères de la force majeure pour les consorts
Y... et M. Da X..., qui ne pouvaient dès lors être exonérés
de la responsabilité par eux encourue sur le fondement de l'article 1386
du Code civil ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a exactement retenu que l'article
605 du Code civil ne concernant que les rapports entre l'usufruitier et le nu-propriétaire,
ce dernier ne peut s'exonérer de sa responsabilité à l'égard
des tiers en invoquant le défaut d'entretien de l'usufruitier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi provoqué, ci-après annexé
:
Attendu qu'ayant relevé que la police d'assurance versée aux débats
mentionnait que n'étaient pas garantis "les dommages résultant
d'un vice apparent, d'un défaut d'entretien ou de réparations
signalé ou connu si l'assuré n'y a pas remédié dans
un délai de 30 jours après en avoir eu connaissance", la
cour d'appel, qui a constaté que la société Mutuelle de
Poitiers ne démontrait pas que toutes les conditions d'application de
cette clause d'exclusion de garantie étaient réunies, a déduit,
à bon droit, de ces seuls motifs, que la demande de mise hors de cause
devait être rejetée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Publication : Bulletin 2004 III N° 232 p. 206