Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 3 mai 2007

N° de pourvoi: 06-16705
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 7 avril 2006), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 14 novembre 2002, pourvoi n° 01-00 699), que M. X..., propriétaire d'une exploitation agricole traversée par un canal d'irrigation, a assigné l'État en revendication de la propriété de ce canal ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que la présomption de propriété du dessus au profit du propriétaire du sol n'est susceptible d'être combattue que par la preuve contraire résultant d'un titre ou de la prescription acquisitive ; qu'il s'ensuit que M. X... est propriétaire du canal traversant son héritage qui a été construit en 1760, par ses anciens propriétaires, de leur seule initiative et à leurs propres frais afin de desservir les distilleries établies sur leurs fonds, à défaut pour l'État de rapporter la preuve qu'il avait acquis la propriété des ouvrages de canalisation, soit par l'effet d'un contrat, soit par l'effet de la prescription ; qu'en retenant, dans le silence du traité de concession, que l'appartenance des eaux au domaine public s'étendait par détermination de la loi, à l'ensemble des ouvrages destinés à les canaliser, en application de l'article L. 90 du code du domaine de l'État, bien que ces ouvrages aient été construits par des personnes privées, à leurs frais, sur leurs propres fonds, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble les articles 544, 545, 546, 552 et 553 du code civil ;
2°/ qu'un bien ne constitue un accessoire indispensable ou une dépendance du domaine public que s'il est lui-même la propriété d'une personne publique ; qu'en relevant que le canal est indissociable des eaux de la rivière du Carbet qui s'y écoulent et dont il constitue l'accessoire indispensable, sans constater que l'État a acquis la propriété de l'ouvrage servant à canaliser les eaux du canal, la cour d'appel a violé les articles 537, 538, 544 et 545 du code civil ;
3°/ que la procédure réglementaire de validation des titres prévue par l'article 2 du décret du 31 mars 1948 s' applique uniquement aux concessions de prise d'eau que l'ancien Conseil du contentieux administratif avait accordées aux particuliers, dans l'état du droit antérieur à son entrée en vigueur, en application de l'article 176° 6 de l'ordonnance royale du 9 février 1827 sur le gouvernement et l'administration de la Martinique, sans leur imposer de procéder à la vérification de leur droit de propriété sur les ouvrages de canalisation qui leur appartiennent, par l'effet de l'accession, pour les avoir construits sur leurs fonds ; qu'en retenant que M. X... ne pouvait pas revendiquer la propriété des ouvrages de canalisation, à défaut d'avoir obtenu la validation de son titre, en temps utile, selon la procédure prévue par le décret du 31 mars 1948, dans les cinq ans ont suivi son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé la disposition précitée, ensemble les articles 544, 545, 546, 552 et 553 du code civil ;
4°/ que le propriétaire du fonds conserve la propriété des ouvrages de canalisation qu'il a construits sur son héritage, bien qu'il ait perdu l'usage exclusif des eaux du canal qui sont également affectées à l'irrigation des fonds voisins ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 544 et 546 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a exactement retenu que l'article L. 90 du code du domaine de l'État incluait dans le domaine public non seulement les eaux stagnantes ou courantes, mais aussi les cours d'eau naturels ou artificiels quelle que soit leur nature, qu'un cours d'eau devait s'entendre non seulement des eaux, mais aussi de son lit naturel ou artificiel et qu'en conséquence le cours d'eau par dérivation de la rivière du Carbet, elle-même relevant du domaine public, prenant la forme d'un canal d'amenée d'eau courante dont la conduite des eaux s'effectuait artificiellement par un ouvrage établi de la main de l'homme, relevait du champ d'application de ce texte ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'article 1er du décret N° 48-633 du 31 mars 1948, pris en application de la loi d'habilitation du 19 mars 1946, intégré sous la forme de l'article L. 90 du code du domaine de l'État, attribuait la domanialité publique à toutes les eaux et à tous les cours d'eau «sous réserve des droits régulièrement acquis par les usagers et propriétaires à la date du 6 avril 1948», que dans son article 2, le même décret ajoutait que, sous un délai de cinq ans à compter du présent décret, les propriétaires et usagers qui invoqueraient un droit acquis, devraient, sous peine de déchéance, adresser au service des domaines une demande de validation de leurs droits, sur laquelle il devait être statué par l'administration des domaines, sauf recours devant les juridictions judiciaires, et ayant exactement retenu que le texte ne distinguant pas entre la nature des droits des usagers et propriétaires susceptibles d'être remis en cause par les dispositions réglementaires, cette procédure avait vocation à s'appliquer à tous types de droit de jouissance, concession, servitude ou droits réels, et ayant constaté que M. X... n'apportait aucun élément justificatif sur la validation de ses titres de propriété sur le canal proprement dit, la cour d'appel, abstraction faite d'un motif surabondant, en a déduit, à bon droit, que M. X... ne pouvait plus bénéficier de la présomption de propriété édictée par l'article 546 du code civil et que, dès lors que l'État disposait d'un titre par détermination de la loi et que l'ouvrage était uni indissociablement aux eaux qu'il canalisait pour les besoins d'un réseau d'irrigation, cette présomption jouait en sa faveur ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;