LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code civil ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat ;
Vu l'ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création
de l'établissement public OSEO et à la transformation de l'établissement
public Agence nationale de valorisation de la recherche en société
anonyme ;
1. Considérant que les députés et sénateurs requérants
défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée ; qu'ils contestent
la conformité à la Constitution de la procédure suivie
pour l'adoption de ses articles 9 et 13 ;
- SUR LA PROCÉDURE LÉGISLATIVE :
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 45
de la Constitution : « Sans préjudice de l'application des articles
40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès
lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé
ou transmis » ;
3. Considérant que le projet de loi comportait six articles lors de son
dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale, première
assemblée saisie ; qu'il modifiait le code de commerce, le code général
des impôts, le livre des procédures fiscales et le code de la sécurité
sociale pour créer le régime juridique, fiscal et social de l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée ;
4. Considérant que l'article 9 de la loi déférée,
inséré dans le projet de loi par un amendement adopté en
première lecture par le Sénat le 8 avril 2010, modifie l'ordonnance
n° 2005-722 du 29 juin 2005 susvisée pour aménager le statut
de l'établissement public OSEO et définir les modalités
de création de la société anonyme OSEO ; que, dans les
conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, l'article
13 de la loi déférée, inséré dans le projet
de loi dans les mêmes conditions que son article 9, habilite le Gouvernement
à prendre par voie d'ordonnance les dispositions législatives
nécessaires à la transposition d'une directive relative à
l'exercice de certains droits des actionnaires des sociétés cotées
;
5. Considérant, par ailleurs, que l'article 12, inséré
dans le projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale,
modifie les articles L. 112-2 et L. 112-3 du code monétaire et financier
ainsi que les articles L. 145-34 et L. 145-38 du code de commerce pour réformer
le régime d'indexation de certains loyers ;
6. Considérant que ces dispositions ne présentent pas de lien
direct avec celles qui figuraient dans le projet de loi relatif à l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée ; qu'il ne ressort
pas des travaux parlementaires qu'elles présentent un lien même
indirect avec ce projet de loi ; qu'en outre elles ont été adoptées
en méconnaissance de la clarté et de la sincérité
du débat parlementaire ; qu'elles ont été adoptées
selon une procédure contraire à l'article 45 de la Constitution
;
- SUR L'ARTICLE L. 526-12 DU CODE DE COMMERCE :
7. Considérant que l'article 1er de la loi déférée
insère dans le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce
une section intitulée « De l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée », comprenant les articles L. 526-6 à L. 526-21
; que ces dispositions permettent à tout entrepreneur individuel d'affecter
à son activité, au moyen d'une déclaration faite à
un registre de publicité, un patrimoine séparé de son patrimoine
personnel ; qu'elles déterminent les conditions et les modalités
de la déclaration d'affectation, organisent sa publicité, définissent
ses effets et fixent les obligations des entrepreneurs ayant opté pour
ce régime juridique ;
8. Considérant que le deuxième alinéa de l'article L. 526-12
du code de commerce dispose que la déclaration d'affectation du patrimoine
« est opposable aux créanciers dont les droits sont nés
antérieurement à son dépôt à la condition
que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
le mentionne dans la déclaration d'affectation et en informe les créanciers
dans des conditions fixées par voie réglementaire » ; que
ces créanciers peuvent toutefois « former opposition à ce
que la déclaration leur soit opposable » ;
9. Considérant qu'en vertu des alinéas 6 à 8 de l'article
L. 526 12 de ce code, la déclaration d'affectation du patrimoine soustrait
le patrimoine affecté du gage des créanciers personnels de l'entrepreneur
et le patrimoine personnel du gage de ses créanciers professionnels ;
que s'il était loisible au législateur de rendre la déclaration
d'affectation opposable aux créanciers dont les droits sont nés
antérieurement à son dépôt, c'est à la condition
que ces derniers soient personnellement informés de la déclaration
d'affectation et de leur droit de former opposition ; que, sous cette réserve,
le deuxième alinéa de l'article L. 526-12 du code de commerce
ne porte pas atteinte aux conditions d'exercice du droit de propriété
des créanciers garanti par les articles 2 et 4 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
10. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de
soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution,
DÉCIDE :
Article 1er.- Les articles 9, 12 et 13 de la loi relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont déclarés contraires à la Constitution.
Article 2.- Sous la réserve énoncée au considérant 9, l'article L. 526-12 du code de commerce, tel que résultant de l'article 1er de la même loi, n'est pas contraire à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Journal officiel du 16 juin 2010, p. 10988