Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 16 juin 2010

N° de pourvoi: 09-16115
Publié au bulletin Rejet

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Amiens, 4 juin 2009) que par deux baux notariés, des 9 avril 1981 et 15 mai 1981, Mme Valentine X..., veuve Y... a donné à bail à M. et Mme Roland Z..., pour une durée de 18 ans expirant après la récolte 1998, un certain nombre des parcelles précédemment exploitées par M. Maurice Y..., fils de Mme Valentine Y..., exploitant à titre individuel sous l'enseigne " Les Serres de Courcelette " ; que les preneurs entrants ont versé à ce dernier une certaine somme ; que par jugement du 14 janvier 1982, M. Maurice Y... a été placé en règlement judiciaire ; qu'en 1988, les deux baux ont été cédés à M. Pierre Z... ; que le 10 septembre 2002, Mme Françoise Y... a donné congé pour le 1er octobre 2004 à M. Pierre Z... pour reprise au profit de sa fille ; que par requête du 27 mars 2006, les consorts Z..., venant aux droits de M. et Mme Roland Z..., ont saisi le tribunal paritaire des baux ruraux d'une demande en restitution par les consorts Y..., venant aux droits notamment de M. Maurice Y..., des sommes indûment versées lors de la conclusion des baux ;

Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt de déclarer éteinte leur créance alors, selon le moyen :

1° / que lorsqu'une cession illicite de bail rural a été dissimulée sous l'apparence d'une cession d'exploitation, les juges du fond décident à bon droit que les sommes indûment versées à l'occasion de cette opération doivent être restituées au preneur entrant ; qu'au demeurant, la créance du preneur entrant sur le preneur sortant, née à l'occasion d'un changement d'exploitant, de nature civile, est étrangère à l'activité commerciale que l'exploitant sortant a pu, par ailleurs, développer ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 411-74 du code rural et les articles 13, 35 et 40 de la loi du 13 juillet 1967 alors applicable ;

2° / que toutes les indemnités issues de l'existence d'un bail à ferme n'existent que du jour où une décision judiciaire les accorde explicitement ou effectivement ; que dès lors jusqu'à la décision de justice le preneur évincé n'a jusqu'à la décision de justice qui fixe l'indemnité réclamée, ni titre, ni créance, ni droit reconnu dont il puisse se prévaloir ; qu'en l'espèce, la créance des consorts Z... étant nécessairement née postérieurement au jugement déclaratif, dans des circonstances auxquelles la masse était demeurée étrangère, était donc inopposable à celle-ci et n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration au sens des articles 35, 40 et 41 de la loi du 13 juillet 1967 ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, la cour d'appel a procédé d'une violation des textes ci-dessus visés ;

Mais attendu qu'ayant retenu à bon droit, par motifs propres et adoptés, que le principe de l'unicité du patrimoine soumettait l'ensemble des patrimoines de M. Maurice Y... et de Mme Jean Y... à la procédure collective, qu'en conséquence, tous les créanciers, quelle que fût la nature de leur créance personnelle, professionnelle, de nature civile, ou commerciale, dont l'origine était antérieure à la procédure collective, étaient tenus de produire leur créance à la procédure collective, qu'en application de l'article 41 de la loi du 13 juillet 1967, en cas de règlement judiciaire, à défaut de production avant la dernière échéance concordataire, les créances étaient éteintes, et qu'ayant relevé exactement que la créance invoquée par les consorts Z..., sur le fondement de l'article L. 411-74 du code rural, avait son fait générateur dans les paiements effectués entre le 30 septembre 1980 et le 4 mai 1981 à M. Maurice Y..., preneur sortant, par les époux Z...- A... à l'occasion d'un changement d'exploitant intervenu en 1981 de sorte qu'elle était antérieure au jugement du 14 janvier 1982 ouvrant la procédure de règlement judiciaire de M. Maurice Y..., peu important que son paiement ne pût être exigé qu'en exécution d'un jugement postérieur à l'ouverture de la procédure collective, la cour d'appel qui a constaté que les consorts Z... n'invoquaient aucune production de créance effectuée à la procédure collective de M. Maurice Y..., en a justement déduit que la créance en cause était éteinte ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;


Publication : Bulletin 2010, III, n° 122

 

Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 19 février 2002
Cassation partielle sans renvoi.
Sur le moyen relevé d'office après avertissement donné aux parties :
Vu l'article 6 de la loi du 13 juillet 1967 et les articles 2 et 3 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 620-2 et L. 621-1 du Code de commerce ; Attendu que le principe d'unité du patrimoine des personnes juridiques interdit l'ouverture de deux procédures collectives contre un seul débiteur, même si celui-ci exerce des activités distinctes ou exploite plusieurs fonds ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Bele, entrepreneur de travaux publics et de parcs et jardins, a été mis en règlement judiciaire le 26 octobre 1973, cette procédure n'ayant pas été clôturée ; que le 20 mars 1987, il a été mis en redressement judiciaire pour des activités commerciales exercées postérieurement à sa mise en règlement judiciaire, cette procédure étant étendue à différentes sociétés puis convertie le 29 juillet 1988 en liquidation judiciaire ; que sur demande de la Caisse de mutualité sociale agricole des Bouches-du-Rhône, le tribunal a prononcé, par jugement du 22 mars 1993, le redressement judiciaire de M. Berle, pris en qualité d'exploitant agricole ; que la cour d'appel a confirmé cette décision ; Attendu que pour ouvrir le second redressement judiciaire de M. Berle, l'arrêt retient que dans leurs écritures les parties admettent implicitement que le principe de l'unicité du patrimoine d'une personne physique ne fait pas obstacle à l'ouverture d'une procédure collective distincte à l'encontre de M. Berle pour ses activités agricoles soumises à un régime d'apurement collectif du passif en partie spécifique et ce alors même que de telles activités agricoles sont postérieures aux activités commerciales de l'appelant qui ont donné lieu aux deux précédentes procédures collectives ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la procédure de règlement judiciaire ouverte contre M. Berle était toujours en cours, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin 2002 IV N° 39 p. 39,
D. 2002, p. 2523, note Perdriau et Derrida

Cour de Cassation Chambre commerciale
Audience publique du 3 juin 1998
Rejet.
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Valence, 27 février 1996), que M. Roudaut, qui exploitait un commerce en son nom personnel, a placé sur son compte bancaire personnel en 1990, 1991 et 1992 des sommes provenant de la trésorerie de son exploitation ; que de 1991 à 1993, il a compris ces placements dans l'assiette de son patrimoine soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, mais les a placées au passif au titre de dettes envers le fonds de commerce ; que l'administration des Impôts n'a pas admis cette déduction et a procédé à un redressement contradictoire ; que M. Roudaut a demandé l'annulation de la décision de rejet de sa réclamation ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Roudaut reproche au jugement d'avoir décidé qu'était régulière la notification du redressement alors, selon le pourvoi, que l'administration ne peut priver le contribuable de la faculté de saisir la commission départementale de conciliation visée à l'article 667 du Code général des impôts et aux articles 17 et 59 du Livre des procédures fiscales, ni se faire juge de la compétence de cette dernière ; que, par suite, se trouve privé d'une garantie de procédure le contribuable à qui l'Administration notifie une confirmation de redressement au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune sur laquelle se trouve rayée la mention selon laquelle le contribuable a la faculté de saisir la commission départementale de conciliation ; qu'en déclarant que le rayage de cette mention était sans incidence sur la régularité de la procédure dès lors que la commission de conciliation n'avait pas compétence pour connaître du point de droit que soulevait le litige, le tribunal a violé les articles L. 17 et L. 59 du Livre des procédures fiscales, ensemble le principe des droits de la défense ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans que la méconnaissance des termes du litige ait été soulevée, que le présent litige avait pour origine non un désaccord portant sur la valeur des biens, mais sur le caractère professionnel ou privé des sommes appréhendées par M. Roudaut, ce dont il résultait que la commission départementale n'avait pas compétence pour apprécier la contestation, le tribunal en a déduit à bon droit que l'Administration n'était pas tenue de proposer à M. Roudaut la faculté de recourir à cet organisme ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que M. Roudaut reproche encore au jugement de l'avoir débouté de sa demande alors, selon le pourvoi, d'une part, que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel ne perdent pas le caractère de biens professionnels, au sens de l'article 885 N du Code général des impôts relatif à l'impôt sur les grandes fortunes, lorsqu'elles sont placées en cours d'exercice, dès lors qu'elles doivent être regardées comme restant nécessaires aux besoins de l'exploitation, ce qu'il appartient au tribunal de rechercher ; qu'en se bornant à déduire le caractère privé des sommes en cause de la seule constatation qu'elles avaient été appréhendées par lui en cours d'exercice et placées sur un compte personnel, sans rechercher, comme il y était invité, si ces liquidités destinées au paiement des fournisseurs n'étaient pas indispensables à son exploitation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; alors, d'autre part, que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel et qui demeurent nécessaires ou utiles à cette exploitation ne perdent leur caractère de biens professionnels que lorsque ces liquidités ont été appréhendées par le contribuable et considérées par lui comme constituant un bien à caractère privé ; que le placement de ces liquidités sur un compte ouvert au nom de ce commerçant ne permet pas, à lui seul, de déduire que ces sommes ont perdu leur caractère professionnel ; qu'en ne relevant aucun élément ou indice objectif propre à démontrer que les sommes qu'il avait placées étaient désormais regardées par lui comme constituant un bien à caractère privé et ne pouvaient plus, dans ces conditions, être réputées utilisées pour les besoins de son exploitation, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 885 N du Code général des impôts ; et alors, enfin, que le principe civiliste de l'unité du patrimoine n'interdit pas à un contribuable, exploitant une entreprise en son nom personnel, d'opérer, à des fins exclusivement fiscales, une distinction entre son patrimoine " privé " et son patrimoine " professionnel " en faisant apparaître au passif de l'un les dettes dont ce patrimoine est débiteur à l'égard de l'autre, dès lors que celles-ci correspondent à des flux financiers justifiés par les besoins de son entreprise et compatibles avec les règles de la fiscalité et de la comptabilité d'entreprise ; qu'en jugeant que le principe de l'unité du patrimoine excluait que M. Roudaut fît apparaître au passif de son patrimoine personnel, seul soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune, des dettes correspondant à des avances qu'il devait restituer à son entreprise, le tribunal a violé l'article 885 G du Code général des impôts, ensemble le principe d'indépendance des patrimoines civil et fiscal ;
Mais attendu, d'une part, que les juges, après avoir énoncé justement que les liquidités provenant de l'exploitation d'un commerce à titre personnel ne perdent pas leur caractère de biens professionnels par le simple fait qu'elles sont placées en cours d'exercice, dès lors qu'elles restent utilisées pour les besoins de l'exploitation, ont constaté qu'il n'en était pas ainsi en l'espèce, les fonds ayant été appréhendés par le contribuable en vue de placements à caractère privé ;
Attendu, d'autre part, que le jugement énonce, à bon droit, que le régime des biens professionnels en matière d'impôt de solidarité sur la fortune ne prévoit pas une dérogation aux règles du droit civil sur l'unicité du patrimoine ; que le grief n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1998 IV N° 176 p. 144 ; Répertoire du notariat Defrénois, 2000-04-15, n° 7, p. 432, note A. CHAPPERT.