Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 5 février 2009
N° de pourvoi: 07-20196
Publié au bulletin Rejet
Attendu que chargée par la société Lermite de mettre en
oeuvre la procédure de licenciement de plusieurs salariés pour
motif économique, la SCP d'avocats Z... et X... (la SCP) a procédé
à la rédaction des lettres de licenciement ; que l'un des salariés
concernés, M. Y..., a contesté son licenciement ; que par un arrêt
du 9 mars 2000, désormais irrévocable (Cass. Soc. 2 juillet 2002,
pourvoi n° 00-43. 592), la cour d'appel de Rennes a jugé que le licenciement
litigieux était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
à défaut d'indication précise, dans la lettre de licenciement,
du motif économique invoqué et condamné en conséquence
l'employeur à réparation ; que la société Lermite
a, dans ces conditions, engagé une action en responsabilité contre
la SCP et M. X... ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en ses deux branches :
Attendu que la SCP et M. X... reprochent à l'arrêt attaqué
(Poitiers, 6 juin 2007) de les avoir condamnés à réparation,
alors, selon le moyen :
1° / que les éventuels manquements d'un avocat à ses obligations
professionnelles s'apprécient au regard du droit positif existant à
l'époque de son intervention ; qu'il ne saurait lui être reproché
de ne pas avoir anticipé une évolution des règles de droit
applicables ou de leur interprétation qui n'était pas effective
à cette date ; qu'en retenant, à la charge de M. X..., en l'absence
constatée de tout manquement aux règles de droit applicables dans
leur interprétation en vigueur à la date de son intervention,
une faute dans la rédaction de la lettre de licenciement déduite
de ce qu'il n'avait pas anticipé une évolution " prévisible
" de jurisprudence qu'aucune décision n'avait alors confirmée,
la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences de ses propres
constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2° / qu'en déclarant " prévisible " une exigence
formelle de motivation intervenue aux termes d'une décision du 30 avril
1997, procédant à l'interprétation des articles L. 122-14-2
et L. 321-1 du code du travail dans leur rédaction datant d'une loi du
2 août 1989, antérieure de huit ans, et rendue sept ans après
l'instauration de la jurisprudence formulant l'exigence spéciale de motivation
de la lettre de licenciement (Soc. 20 mars 1990 et 29 novembre 1990), et deux
ans après les décisions précisant la portée de la
suppression d'emploi (Soc. 5 avril 1995), délai pendant lequel la Cour
régulatrice avait expressément maintenu sa jurisprudence, antérieure
déclarant " satisfactoire ", au regard des exigences légales,
l'énoncé du motif économique du licenciement, la cour d'appel
a violé le texte susvisé, ensemble les articles L. 122-14-2 et
L. 321-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la lettre de licenciement adressée
à M. Y... le 27 décembre 1996 se bornait à invoquer la
disparition d'une branche d'activité de l'entreprise, sans faire état
de la suppression du poste jusque là occupé par ce salarié,
la cour d'appel a relevé que dès les années 1990
à 1995, la jurisprudence avait procédé à un renforcement
des exigences de motivation de la lettre de licenciement pour motif économique
et qu'à cette période déjà, il était fait
obligation à l'employeur d'y énoncer de manière suffisamment
précise le motif économique fondant le licenciement, sous peine
de voir le congédiement jugé sans cause réelle et sérieuse,
faisant ainsi ressortir que l'arrêt rendu par la Cour de cassation en
1997 ne constituait ni un revirement, ni même l'expression d'une évolution
imprévisible de la jurisprudence, de sorte l'avocat ne pouvait s'en prévaloir
pour s'exonérer de sa responsabilité ; que par ces seuls
motifs, l'arrêt est légalement justifié ;
Et sur le second moyen du pourvoi principal, pris en ses trois branches, tel
qu'énoncé dans le mémoire en demande et reproduit en annexe
au présent arrêt :
Attendu qu'aucun des griefs du moyen ne serait de nature à permettre
l'admission du pourvoi ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que la société Lermite fait grief à l'arrêt
attaqué de l'avoir déboutée de sa demande tendant à
l'indemnisation des sommes versées à titre d'honoraires à
l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation chargé de
soutenir le pourvoi formé contre l'arrêt l'ayant condamnée
à indemniser le salarié licencié, alors, selon le moyen,
que les frais exposés par un justiciable pour contester devant la Cour
de cassation une condamnation prononcée à son encontre en raison
de l'inefficacité d'une lettre de licenciement rédigée
par son avocat constitue un préjudice résultant directement de
la faute commise par cet avocat, peu important que ce dernier ait tenté
de dissuader son client d'user de cette voie de recours ; qu'ayant constaté
que le pourvoi en cassation avait été formé par la société
Lermite pour contester la décision l'ayant condamnée à
verser des dommages et intérêts en raison de la rédaction
défectueuse de la lettre de licenciement rédigée par M.
X..., la cour d'appel, en écartant toute responsabilité de cet
avocat dans la réalisation du préjudice constitué des frais
exposés dans le cadre de ce pourvoi, au motif inopérant qu'il
avait expressément contre-indiqué l'exercice de cette voie de
recours, a violé les articles 1147 et 1149 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que la société
Lermite avait formé un pourvoi en dépit des recommandations de
l'avocat qui lui avait expressément déconseillé cette voie
de recours ; qu'elle a ainsi, en l'absence de lien de causalité entre
la faute commise par l'avocat dans le suivi de la procédure de licenciement
et le préjudice invoqué au titre des frais générés
par la procédure de cassation vainement engagée, légalement
justifié sa décision refusant toute indemnisation de ce chef ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mardi 27 septembre 2005
N° de pourvoi: 04-15179
Publié au bulletin Rejet.
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que dans son numéro du 30 décembre 2002, le journal La
Croix a publié un article intitulé "Question sur un prétendu
clonage humain" mettant en cause les pratiques du mouvement raëlien
;
que l'association Religion raëlienne de France a fait sommation au directeur
de la publication du journal La Croix d'insérer une réponse ;
que cette démarche étant demeurée vaine, l'association
a fait assigner en référé le directeur de la publication
; que le juge des référés a annulé l'assignation
motif pris de ce que cet acte n'avait pas été notifié au
ministère public avant audience, en méconnaissance des dispositions
de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt (Paris, 19 mars 2004) d'avoir
déclaré nulle l'assignation délivrée le 27 juin
2003 au directeur de la publication du journal La Croix à la demande
de l'association Religion raëlienne de France alors, selon le moyen :
1 / qu'en estimant que l'assignation litigieuse était entachée
de nullité dès lors qu'elle n'avait pas été dénoncée
au ministère public et qu'elle ne reproduisait pas le texte signé
de la réponse sollicitée en violation des dispositions d'ordre
public de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, alors que de telles restrictions
au droit d'agir en justice ne sont pas justifiables au regard de l'article 6
1er de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé ces textes
;
2 / qu'en l'espèce où la cour d'appel a retenu au soutien de sa
décision que les règles de procédure issues de la loi du
29 juillet 1881 ont été précisées par une jurisprudence
dominante, constat dont il ressort nécessairement que lesdites règles
ne sont ni précises, ni claires, ni d'application simple, alors que les
restrictions apportées par le législateur au droit d'agir en justice
ne sont compatibles avec le principe du libre accès au juge que si elles
sont d'application simple, la cour d'appel a violé le principe de libre
accès au juge et l'article 6-1 de la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'assignation n'avait été dénoncée au ministère public qu'après l'audience et qu'elle ne reproduisait pas le texte de la réponse sollicitée en a déduit à bon droit que l'association n'avait été privée de son droit d'agir en justice que du fait de son inobservation des règles de procédure, clairement exposées dans le texte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, précisées par une jurisprudence constante selon laquelle ces règles s'appliquaient devant la juridiction civile des référés ; qu'il s'ensuit que l'arrêt n'a pas méconnu le droit à un procès équitable, ni le principe du libre accès au juge ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2005 I N° 345 p. 286