Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 12 septembre 2006
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Véronique, épouse Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3e chambre, en date du 27 octobre 2005, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 6 mois d'interdiction d'exercice d'activité professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ; (...)

Attendu que, pour déclarer Véronique Y... coupable de ce délit, l'arrêt, après avoir relevé qu'elle avait reçu, le 25 janvier 2000, en urgence, la patiente, qui se plaignait d'une soif intense l'obligeant à boire quatre litres d'eau par jour, retient que le médecin s'est borné à lui prescrire par ordonnance des examens sanguins de dosage de la glycémie, sans en mentionner l'urgence ni prescrire de vérification du taux d'acétone dans les urines, et sans avoir utilisé l'appareil de lecture automatique équipant son cabinet ; que les juges en concluent que la prévenue, qui avait posé un diagnostic d'hyperglycémie dès le 18 décembre 1998 et qui était en possession, le 25 janvier 2000, d'un tableau clinique révélant le risque d'une évolution vers un coma diabétique mortel, n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu des moyens dont elle disposait, et a ainsi commis des fautes d'imprudence et de négligence qui sont la cause directe de la mort de la victime ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la cour d'appel a retenu que Véronique Y... avait causé directement le dommage, la censure n'est pas pour autant encourue, dès lors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que la prévenue, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elle ne pouvait ignorer, au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin criminel 2006 N° 219 p. 772
JCP G, 2007-01-17, n° 3, II-10006, p. 31-33, obs. Thierry FAICT et Patrick MISTRETTA.
D 2007, Panorama droit pénal p. 401, obs. Solange Mirabail

Cour de cassation chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 octobre 2011

N° de pourvoi: 11-80653
Non publié au bulletin
Rejet
Statuant sur les pourvois formés par : - M. Guy X..., - M. José Y..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2010, qui, pour homicide involontaire, a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Sur le pourvoi de M. X... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3, 221-6 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'homicide involontaire et l'a, en conséquence, condamné à la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis ;
"aux motifs que, sur l'action publique, le Dr X... ne conteste pas les conditions de son intervention, à savoir ne pas avoir procédé à l'interrogatoire d'usage concernant les antécédents de M. Y..., n'avoir procédé qu'à un examen de la zone endo-buccale et avoir adressé le patient au médecin ORL ;
que si l'erreur de diagnostic n'est pas en elle-même constitutive d'une faute pénale, le fait de ne pas avoir procédé à un interrogatoire sur les antécédents médicaux du patient et le fait de ne pas avoir procédé à un examen médical complet, alors de surcroît qu'il s'agissait d'une personne inconnue des services, présentant des douleurs diffuses dans la zone du cou et du thorax, ayant des difficultés pour s'exprimer et se faire comprendre, constituent des négligences graves et fautives ;
qu'en effet, le seul examen rapide superficiel et incomplet à l'exclusion d'un examen clinique approfondi n'a pas permis de suspecter ou de diagnostiquer la pathologie cardiaque et l'infarctus touchant M. Y... lors de sa venue au service des urgences, service tout indiqué en l'espèce et a retardé sérieusement la prise en charge adaptée et les soins prodigués par la suite, lesquels n'ont pas permis d'éviter le décès ;
que le lien de causalité entre le retard apporté au diagnostic en amont et au traitement et le décès de M. Y... a été qualifié de direct et certain par les trois experts désignés par le magistrat instructeur, lesquels n'ont pas relevé de fautes à la charge d'autres personnes dans la prise en charge ultérieure ;
qu'en n'observant pas les règles élémentaires et déontologiques de la médecine qui imposent au praticien de procéder à ces examens médicaux et à ce questionnement, le Dr X... s'est placé dans une situation qui l'empêchait d'établir un diagnostic éclairé ;
que cette désinvolture et ces négligences grossières qualifiées de fautes médicales par les experts constituent la faute caractérisée qui a contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage au sens des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, étant observé que le Dr X..., médecin expérimenté et conscient des risques encourus, disposait des compétences et des moyens pour exercer ses fonctions ; que les faits sont établis par les constatations régulières des procès-verbaux et que l'infraction est caractérisée en tous ses éléments ;
que c'est par une juste appréciation des faits et circonstances de la cause, que les premiers juges ont à bon droit retenu le prévenu dans les liens de la prévention ; qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur la déclaration de culpabilité et sur la peine d'un an d'emprisonnement avec sursis qui constitue une juste application de la loi pénale ; que la condamnation à une peine d'amende n'apparaît pas justifiée en l'espèce ;

"1°) alors que l'erreur de diagnostic ne constitue pas une faute pénale, dès lors qu'elle s'explique par la complexité et l'équivoque des symptômes, ainsi que par la difficulté de leur constatation et de leur interprétation ; qu'en décidant néanmoins que le Dr X... avait commis une faute en s'abstenant de procéder à un interrogatoire sur les antécédents médicaux de M. Y... et à un examen médical complet, après avoir pourtant constaté que l'examen réalisé par le Dr X... ne lui avait pas permis de suspecter la pathologie cardiaque et l'infarctus touchant M. Y... lors de sa venue aux urgences, ce dont il résultait que le Dr X... n'avait pas commis de faute en s'abstenant d'ordonner les examens qui auraient permis de faire apparaître cette pathologie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2°) alors que le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'un lien de causalité certain entre le fait reproché et le décès ; que le délit n'est pas constitué lorsque le fait reproché au médecin a fait perdre au patient une chance de survie, sans le priver de toute chance de survie ; qu'en décidant que le fait, pour le Dr X..., d'avoir commis une erreur de diagnostic et d'avoir omis de procéder à un interrogatoire sur les antécédents médicaux de M. Y... et à un examen médical complet, constituait la cause du décès de celui-ci, sans constater que ces manquements l'auraient privé de toute chance de survie, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3°) alors que, subsidiairement, en décidant que le lien de causalité entre les négligences imputées au Dr X... et le décès de M. Y... était direct, après avoir pourtant constaté que le fait de ne pas avoir procédé à un interrogatoire sur les antécédents médicaux du patient et à un examen médical complet avait seulement retardé la délivrance de soins appropriés, ce dont il résultait que la faute reprochée au Dr X... n'avait pas directement causé le décès de M. Y... et que sa responsabilité pénale ne pouvait dès lors être engagée que sur le fondement d'une faute caractérisée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4°) alors que, à titre également subsidiaire, le Dr X... soutenait que l'examen clinique qu'il avait pratiqué lui avait permis de constater que M. Y... souffrait d'une pathologie ORL, ce diagnostic ayant été confirmé par la suite par le Dr Z..., médecin spécialiste ORL du centre hospitalier de Béziers, de sorte que l'existence de cette pathologie ORL permettait d'expliquer les symptômes présentés par M. Y... et rendait le diagnostic d'infarctus difficile ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, de nature à exclure la qualification de faute caractérisée, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que M. Y... est décédé à l'âge de 68 ans, le 1er août 1998, à l'hôpital de Béziers, d'un arrêt circulatoire en rapport avec un trouble du rythme ventriculaire ou une rupture myocardique consécutive à un infarctus ; que, le 23 juillet, souffrant de douleurs thoraciques et à la gorge, il s'était présenté au service des urgences de cet établissement où il avait été examiné par le médecin de service, le docteur X..., qui, après un examen endo-buccal, l'avait adressé à un médecin ORL pour une inflammation de la gorge ; que, le lendemain, devant des douleurs persistantes, il s'était rendu chez son médecin traitant puis chez un cardiologue qui avait pratiqué un électrocardiogramme révélant un infarctus du myocarde et avait demandé son hospitalisation immédiate ; qu'à l'issue de l'information ouverte sur la plainte de son fils, M. Y..., M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'homicide involontaire ; que le tribunal l'a déclaré coupable ; que le prévenu a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l'arrêt relève que le fait de ne pas avoir procédé à un interrogatoire sur les antécédents médicaux du patient et à un examen médical complet, s'agissant d'une personne inconnue des services, présentant des douleurs diffuses dans la zone du cou et du thorax et ayant des difficultés pour s'exprimer et se faire comprendre, constituent de la part du prévenu, médecin expérimenté et disposant des compétences et moyens pour exercer ses fonctions, des négligences graves et fautives qui l'ont empêché d'établir un diagnostic éclairé ; que les juges ajoutent que cette faute caractérisée a crée la situation ayant permis la réalisation du dommage en ne permettant pas une prise en charge susceptible d'éviter son décès ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le prévenu, qui n'a pas pris les mesures permettant d'éviter le dommage, a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer et qui entretient un lien de causalité certain avec le décès de la victime, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en forme ;

REJETTE les pourvois ;