Conseil constitutionnel
mercredi 16 juin 1999 - Décision n° 99-411 DC

Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs
Journal officiel du 19 juin 1999, p. 9018
(…)- SUR L'ARTICLE 6 :
3. Considérant que l'article 6 de la loi déférée insère dans le code de la route un article L. 21-2 aux termes duquel :
"Par dérogation aux dispositions de l'article L. 21, le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement de l'amende encourue pour des contraventions à la réglementation sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant l'arrêt des véhicules, à moins qu'il n'établisse l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.
"La personne déclarée redevable en application des dispositions du présent article n'est pas responsable pénalement de l'infraction. Lorsque le tribunal de police, y compris par ordonnance pénale, fait application des dispositions du présent article, sa décision ne donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, ne peut être prise en compte pour la récidive et n'entraîne pas retrait des points affectés au permis de conduire. Les règles sur la contrainte par corps ne sont pas applicables au paiement de l'amende.
"Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 21-1 sont applicables dans les mêmes circonstances" ;
4. Considérant que les auteurs de la saisine font grief à cet article de méconnaître l'interdiction des peines automatiques et de porter en conséquence atteinte au principe de nécessité des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ainsi qu'aux principes de personnalité des peines et de responsabilité personnelle issus du code pénal ; qu'ils soutiennent également que cette disposition établirait une présomption de responsabilité contraire au principe de la présomption d'innocence énoncé par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : "Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi" ; qu'il en résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité ;
6. Considérant, en l'espèce, que le titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule est tenu au paiement d'une somme équivalant au montant de l'amende encourue pour des contraventions au code de la route en raison d'une présomption simple, qui repose sur une vraisemblance raisonnable d'imputabilité des faits incriminés ; que le législateur permet à l'intéressé de renverser la présomption de faute par la preuve de la force majeure ou en apportant tous éléments justificatifs de nature à établir qu'il n'est pas l'auteur de l'infraction ; qu'en outre, le titulaire du certificat d'immatriculation ne peut être déclaré redevable pécuniairement de l'amende que par une décision juridictionnelle prenant en considération les faits de l'espèce et les facultés contributives de la personne intéressée ; que, sous réserve que le titulaire du certificat d'immatriculation puisse utilement faire valoir ses moyens de défense à tout stade de la procédure, est dès lors assuré le respect des droits de la défense ; que, par ailleurs, manque en fait le moyen tiré du caractère automatique de la sanction ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence d'événement de force majeure tel que le vol de véhicule, le refus du titulaire du certificat d'immatriculation d'admettre sa responsabilité personnelle dans la commission des faits, s'il en est l'auteur, ou, dans le cas contraire, son refus ou son incapacité d'apporter tous éléments justificatifs utiles seraient constitutifs d'une faute personnelle ; que celle-ci s'analyserait, en particulier, en un refus de contribuer à la manifestation de la vérité ou en un défaut de vigilance dans la garde du véhicule ; qu'est ainsi respecté le principe, résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul n'est punissable que de son propre fait ;
8. Considérant, en troisième lieu, que, selon les termes mêmes du deuxième alinéa de l'article L. 21-2 du code de la route, les dispositions de l'article en cause n'ont pas pour effet d'engager la responsabilité pénale du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule ; que le paiement de l'amende encourue, dont le montant maximal est celui prévu pour les contraventions correspondantes, ne donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, n'est pas pris en compte au titre de la récidive et n'entraîne pas de retrait de points affectés au permis de conduire ; qu'au surplus, les règles de la contrainte par corps ne sont pas applicables audit paiement ; que la sanction résultant de l'application de l'article L. 21-2 du code de la route ne saurait donc être considérée comme manifestement disproportionnée par rapport à la faute sanctionnée ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les griefs soulevés par les auteurs de la saisine à l'encontre de l'article 6 doivent être écartés ;