Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière
et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport
public de voyageurs
Journal officiel du 19 juin 1999, p. 9018
(…)- SUR L'ARTICLE 6 :
3. Considérant que l'article 6 de la loi déférée
insère dans le code de la route un article L. 21-2 aux termes duquel
:
"Par dérogation aux dispositions de l'article L. 21, le titulaire
du certificat d'immatriculation du véhicule est redevable pécuniairement
de l'amende encourue pour des contraventions à la réglementation
sur les vitesses maximales autorisées et sur les signalisations imposant
l'arrêt des véhicules, à moins qu'il n'établisse
l'existence d'un vol ou de tout autre événement de force majeure
ou qu'il n'apporte tous éléments permettant d'établir qu'il
n'est pas l'auteur véritable de l'infraction.
"La personne déclarée redevable en application des dispositions
du présent article n'est pas responsable pénalement de l'infraction.
Lorsque le tribunal de police, y compris par ordonnance pénale, fait
application des dispositions du présent article, sa décision ne
donne pas lieu à inscription au casier judiciaire, ne peut être
prise en compte pour la récidive et n'entraîne pas retrait des
points affectés au permis de conduire. Les règles sur la contrainte
par corps ne sont pas applicables au paiement de l'amende.
"Les deuxième et troisième alinéas de l'article L.
21-1 sont applicables dans les mêmes circonstances" ;
4. Considérant que les auteurs de la saisine font grief à cet
article de méconnaître l'interdiction des peines automatiques et
de porter en conséquence atteinte au principe de nécessité
des peines posé par l'article 8 de la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen, ainsi qu'aux principes de personnalité des peines
et de responsabilité personnelle issus du code pénal ; qu'ils
soutiennent également que cette disposition établirait
une présomption de responsabilité contraire au principe de la
présomption d'innocence énoncé par l'article 6 de la Convention
européenne des droits de l'homme ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen : "Tout homme étant présumé
innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré
coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur
qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être
sévèrement réprimée par la loi" ; qu'il en
résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de
présomption de culpabilité en matière répressive
; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions
peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle,
dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable,
qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits
induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité
;
6. Considérant, en l'espèce, que le titulaire du certificat d'immatriculation
du véhicule est tenu au paiement d'une somme équivalant au montant
de l'amende encourue pour des contraventions au code de la route en raison d'une
présomption simple, qui repose sur une vraisemblance raisonnable d'imputabilité
des faits incriminés ; que le législateur permet à l'intéressé
de renverser la présomption de faute par la preuve de la force majeure
ou en apportant tous éléments justificatifs de nature à
établir qu'il n'est pas l'auteur de l'infraction ; qu'en outre, le titulaire
du certificat d'immatriculation ne peut être déclaré redevable
pécuniairement de l'amende que par une décision juridictionnelle
prenant en considération les faits de l'espèce et les facultés
contributives de la personne intéressée ; que, sous réserve
que le titulaire du certificat d'immatriculation puisse utilement faire valoir
ses moyens de défense à tout stade de la procédure, est
dès lors assuré le respect des droits de la défense ; que,
par ailleurs, manque en fait le moyen tiré du caractère automatique
de la sanction ;
7. Considérant, en deuxième lieu, qu'en l'absence d'événement
de force majeure tel que le vol de véhicule, le refus du titulaire du
certificat d'immatriculation d'admettre sa responsabilité personnelle
dans la commission des faits, s'il en est l'auteur, ou, dans le cas contraire,
son refus ou son incapacité d'apporter tous éléments justificatifs
utiles seraient constitutifs d'une faute personnelle ; que celle-ci s'analyserait,
en particulier, en un refus de contribuer à la manifestation de la vérité
ou en un défaut de vigilance dans la garde du véhicule ; qu'est
ainsi respecté le principe, résultant des articles 8 et 9 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel nul n'est
punissable que de son propre fait ;
8. Considérant, en troisième lieu, que, selon les termes mêmes
du deuxième alinéa de l'article L. 21-2 du code de la route, les
dispositions de l'article en cause n'ont pas pour effet d'engager la responsabilité
pénale du titulaire du certificat d'immatriculation du véhicule
; que le paiement de l'amende encourue, dont le montant maximal est celui prévu
pour les contraventions correspondantes, ne donne pas lieu à inscription
au casier judiciaire, n'est pas pris en compte au titre de la récidive
et n'entraîne pas de retrait de points affectés au permis de conduire
; qu'au surplus, les règles de la contrainte par corps ne sont pas applicables
audit paiement ; que la sanction résultant de l'application de l'article
L. 21-2 du code de la route ne saurait donc être considérée
comme manifestement disproportionnée par rapport à la faute sanctionnée
;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède
que les griefs soulevés par les auteurs de la saisine à l'encontre
de l'article 6 doivent être écartés ;