Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 25 septembre 2001
Rejet
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 121-3 et 221-6 du Code pénal, 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Dominique M. coupable d'homicide involontaire et a statué sur les intérêts civils ;
" aux motifs que, Dominique M. est en substance poursuivi pour avoir, le 21 novembre 1999 à Royaumeix, à l'occasion de la conduite d'un véhicule commis un excès de vitesse d'au moins 40 km/heure et inférieur à 50 km/heure et, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, causé la mort de Virginie C. par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou les règlements ; que le prévenu qui circulait hors agglomération à bord de son véhicule a heurté, dans la ligne droite, un sanglier mâle ayant brusquement surgi du côté droit de la chaussée ; que suite au choc de cet animal imposant 110 kg et 85 cm au garrot une collision en chaîne s'en est suivie avec plusieurs autres véhicules ; qu'en effet le prévenu a d'abord percuté la voiture conduite par Virginie C. circulant en sens inverse, laquelle devait décéder sous la violence du choc ; qu'il a ensuite effectué plusieurs "toupies" avant de s'immobiliser sur la chaussée en sens inverse de son sens initial de circulation, après un ultime "tête-à-queue" ; que le tribunal a relaxé Dominique M. des fins de la poursuite, estimant que la survenue inopinée du sanglier était à l'origine de la succession de chocs ayant abouti au décès de Virginie C. et que, même à une vitesse modérée, le même enchaînement de circonstances pouvait provoquer les mêmes conséquences ; qu'il ressort des constatations effectuées par les enquêteurs et par l'expert missionné par le procureur de la République dès le lendemain de l'accident que ce dernier est survenu la nuit sur une route où la vitesse était limitée à 90 km/heure et sur une chaussée mouillée, les bas-côtés étant enneigés ; que Dominique M. et son épouse ont déclaré ne pas savoir exactement à quelle vitesse ils roulaient, le prévenu concédant qu'il avait "une conduite énergique mais non rapide" (cote D 12) et, à la barre du tribunal, qu'il roulait "inférieur à 110 km/heure" (cote E 5) ; que, selon le témoignage du jeune Sylvio Lombardozzi passager avant du véhicule de Pierre Kostereva le véhicule du prévenu les avait doublés "vite" alors qu'ils circulaient à 70 km/heure (cote D 11) ; qu'il est constant que le sanglier est venu percuter le véhicule de Dominique M. à l'avant, au centre, et a été immédiatement "happé" par celui-ci, s'étant encastré sous le capot ; que l'animal est mort sur le coup, vraisemblablement d'une hémorragie interne consécutive au choc, aucun épanchement sanguin n'ayant été relevé ; que seul un véhicule lancé à vive allure peut entraîner de telles conséquences ; qu'il est non moins constant que le prévenu a parcouru 111 mètres entre le choc initial avec le sanglier matérialisé par la perte sur la chaussée du liquide de refroidissement de son radiateur et le choc avec la voiture de Virginie C. sans parvenir à s'arrêter et en effectuant des lacets sur les deux voies de circulation, alors même que, selon l'expert, son véhicule ne présentait aucune anomalie mécanique, notamment au niveau du système de freinage ; que ce n'est qu'après avoir percuté la jeune fille qu'il s'est immobilisé non sans avoir effectué des tête-à-queue révélés par des traces circulaires de ripage sur la chaussée ; qu'il est établi en outre par les constatations des experts qu'après le dernier de ces tête-à-queue, le sanglier a été éjecté et projeté à plus de 40 mètres de distance ;
que le choc avec le véhicule de Virginie C. a été d'une particulière violence ainsi qu'il résulte des pièces du dossier ; moteur arraché, côté gauche entièrement disloqué, siège conducteur écrasé vers l'arrière et appuie-tête arraché (cote D 30) ; que l'ensemble de ces éléments établissent à eux seuls, et abstraction faite du dernier choc entre Pierre Kostereva et le prévenu survenu alors que ce dernier était à l'arrêt, la matérialité de l'infraction d'excès de vitesse à la charge de Dominique M. ; que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'accident avait pour cause première la survenue inopinée du sanglier et que la vitesse n'avait pas d'incidence sur l'enchaînement des circonstances ayant entraîné le décès de Virginie C. ; qu'il s'agit là en effet d'une appréciation erronée desdites circonstances dans la mesure où, à l'évidence, la vitesse constitue un paramètre déterminant dans les causes et les conséquences dramatiques de cet accident, notamment par le fait qu'elle a empêché le prévenu de maîtriser correctement son véhicule ; qu'il s'induit du contexte général de l'accident et des dégâts qu'il a provoqués qu'il conduisait bien à une vitesse largement supérieure à celle autorisée, ce qui explique le déroulement des faits ; que l'excès de vitesse commis par le prévenu est constitutif d'une faute en relation directe et certaine avec le décès de Virginie C. ; qu'il y a lieu, pour ces motifs, d'infirmer le jugement déféré et de le retenir dans les liens de la prévention ;
" 1° alors que, d'une part, le décès de Virginie C. ne pouvait avoir pour cause directe l'excès de vitesse imputé au prévenu dès lors que si le véhicule de ce dernier n'avait pas heurté un sanglier il n'aurait pas été dévié de sa trajectoire de telle sorte qu'il n'aurait pas touché le véhicule de la victime ; que la cause première de l'accident procédant ainsi d'un cas de force majeure lié à la survenance inopinée d'un sanglier sur la route, la Cour ne pouvait ériger en cause directe un élément secondaire qu'elle devait au contraire regarder comme inopérant au regard de la loi nouvelle du 10 juillet 2000 ;
" 2° alors, en tout état de cause, que le délit d'homicide involontaire suppose l'existence d'un lien de causalité certain entre la faute et le décès ; qu'en se bornant à affirmer, sans aucune justification, que l'excès de vitesse reproché au prévenu était en relation certaine avec le décès de la victime, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Dominique M. circulait, de nuit, sur une portion droite d'une route où la vitesse était limitée à 90 km/h, à une vitesse estimée par expertise à 135 km/h ; qu'il a heurté un sanglier, surgi du côté de la chaussée ; que l'animal, tué sur le coup, s'est encastré sous le capot avant de sa voiture ; que le véhicule du prévenu a, alors, effectué, sur une centaine de mètres, des lacets sur les deux voies de circulation, avant d'entrer en collision avec une automobile qui circulait en sens inverse ; que, sous la violence du choc, la conductrice de ce véhicule est décédée ; que Dominique M. est poursuivi pour homicide involontaire et excès de vitesse ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable des faits reprochés, l'arrêt relève que sa vitesse, qui l'a empêché de maîtriser son véhicule, est un paramètre déterminant dans les causes et les conséquences de l'accident ; qu'ainsi l'excès de vitesse est constitutif d'une faute en relation directe avec le décès de la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a caractérisé le lien de causalité directe existant entre la faute du prévenu et le décès de la victime, a justifié sa décision, au regard des articles 121-3 et 221-6 du Code pénal, dans leur rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin criminel 2001 N° 188 p. 605