Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du jeudi 16 janvier 1986

N° de pourvoi: 85-95461
Publié au bulletin CASSATION PARTIELLE ET REGLEMENT DE JUGES

sur le pourvoi de :- X... (Félix),
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris du 11 juillet 1985 qui l'a renvoyé devant la Cour d'assises de l'Essonne sous l'accusation de tentative d'homicide volontaire ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2, 59, 60 et 295 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale,

" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé X... Félix devant la Cour d'assises pour tentative d'homicide volontaire, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution (coup sur la tête avec une barre de fer et strangulation avec celle-ci) n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (mort préalable de la victime),

" aux motifs qu'il existe contre lui de lourdes charges d'avoir frappé Y... à coup de bouteille et de l'avoir étranglé avec un lien torsadé dans l'ignorance qu'il était déjà mort ; que les violences exercées par X... Félix sur la personne de Y... Gérard avec l'intention de lui donner la mort l'ont été alors que celle-ci était déjà survenue ; que de telles violences constituent donc une tentative d'homicide volontaire,

" alors, d'une part, que dans un mémoire régulièrement déposé pour Félix X..., il était soutenu que d'après les écrits de Marc X... confirmés par lui devant le juge d'instruction, le lien avait été posé par A... ; que si ses déclarations avaient été ensuite modifiées par Marc X... et Yvette Z..., la reconstitution et la confrontation démontraient le flou de ces allégations et leur irréalité par rapport aux faits, alors surtout qu'Yvette Z... était la maîtresse de A..., que Marc X... semblait perdu et est encore revenu sur ses déclarations après la confrontation, confirmant les avoir faites à la demande de Yvette Z..., qu'en outre, lors de la reconstitution, aucun des inculpés n'a indiqué avoir vu Félix X... taper sur Y... avec des bouteilles ou lui mettre un lien autour du cou ; qu'à ces chefs déterminants du mémoire d'où il résultait que X... n'avait pas commis les faits à lui reprochés, il n'a pas été répondu,

" alors en outre, que se contredit, l'arrêt qui renvoie X... Félix pour avoir strangulé Y... avec une barre de fer sans constater qu'il ait commis aucun acte de strangulation avec un tel instrument et alors au contraire qu'il retient que la tentative aurait été faite avec un lien torsadé,

" que se contredit encore l'arrêt qui renvoie X... Félix pour avoir tenté de tuer Y... à coups de barre de fer sans constater qu'il ait commis aucune violence avec cet instrument et alors au contraire qu'il retient que la tentative aurait été faite avec une bouteille,

" et alors surtout, la Chambre d'accusation ne pouvait statuer sur une charge nouvelle (coups et strangulation avec une barre de fer) sur laquelle il n'avait pas été informé,

" alors, d'autre part, que ne sauraient constituer une tentative d'homicide les violences portées, même avec l'intention de donner la mort, la victime étant déjà décédée, lors de la commission des violences ; "

Attendu que, pour renvoyer Félix X... devant la Cour d'assises sous l'accusation de tentative d'homicide volontaire, l'arrêt attaqué expose qu'à la suite d'une rixe au cours de laquelle Y... aurait été assommé à coups de barre de fer par A..., celui-ci aurait appliqué ladite barre en pesant de tout son poids sur le cou de la victime jusqu'à ce que celle-ci cessât de respirer et aurait abandonné le corps ; que, le lendemain, Félix X... aurait appris que Y... semblait encore vivant et aurait entrepris de l'achever en lui portant des coups de bouteille sur le crâne, puis en lui serrant le cou avec un lien torsadé ;

Que les juges, après avoir rapporté les résultats de l'autopsie et les conclusions des expertises pratiquées, en déduisent que seul A... aurait donné la mort à Y... et " qu'il existe de lourdes charges à l'égard de Félix X... du chef de tentative d'homicide volontaire sur le nommé Y... qu'il a frappé à coups de bouteille et étranglé avec un lien torsadé dans l'ignorance qu'il était déjà mort " ;

Que, cependant, le dispositif de l'arrêt énonce que Félix X... est mis en accusation pour " avoir tenté de donner volontairement la mort à Y... Gérard, laquelle tentative manifestée par un commencement d'exécution (coups sur la tête avec une barre de fer et strangulation avec celle-ci) n'a manqué son effet que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur (mort préalable de la victime) " ;

En cet état,

Sur la quatrième branche du moyen ;

Attendu qu'à supposer établi que X... croyant Y... encore en vie, ait exercé sur celui-ci des violences dans l'intention de lui donner la mort, il n'importe, pour que soit caractérisée la tentative d'homicide volontaire, que la victime fût déjà décédée, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l'auteur et lesdites violences caractérisant un commencement d'exécution au sens de l'article 2 du Code pénal ;

D'où il suit que le moyen en sa quatrième branche doit être écarté ;

Mais sur la deuxième branche du moyen :

Vu les articles cités ;

Attendu que tout arrêt doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; qu'une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à un défaut de motifs ;

Attendu qu'en énonçant dans les motifs de l'arrêt attaqué que ce serait en portant des coups de bouteille sur le crâne de Y... et en l'étranglant avec un lien torsadé, puis, dans le dispositif, que ce serait par des coups de barre de fer et par strangulation avec celle-ci que Félix X... aurait tenté de donner la mort au susnommé, la Chambre d'accusation s'est contredite et n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin criminel 1986 N° 25 p. 58