Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 7 novembre 2000 Rejet
REJET du pourvoi formé par la société civile X..., partie
civile, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de
Rennes, en date du 27 janvier 2000, qui, dans l'information suivie contre la
société Y..., Z... et A... pour défaut de versement de
la rémunération due à des
artistes interprètes ou producteurs, a confirmé
l'ordonnance de refus partiel d'informer rendue par le juge d'instruction.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575 alinéa 2.1°, du Code de procédure pénale
;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 214-1,
L. 335-4 du Code de la propriété intellectuelle, des articles
8,10, 575 alinéa 2.1° et 3°, 591 et 593 du Code de procédure
pénale, défaut de motifs et de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance
de refus d'informer partiel rendue le 6 septembre 1999 par le juge d'instruction
de Guingamp ;
" aux motifs que le débat porte sur la question de savoir si l'infraction
visée dans la plainte déposée par la société
X... constitue un délit instantané ou un délit continu,
ce qui a pour effet de modifier ou déplacer le point de départ
de la prescription ; que dans le premier cas, le délai commence à
courir au jour où l'acte a été accompli ; que dans le second
cas, le délai commence à courir au jour où l'acte délictueux
a pris fin ; que l'infraction instantanée est celle dont l'élément
matériel, action ou omission, s'exécute en un instant ou dont
la durée d'exécution plus ou moins longue est indifférente
à la réalisation de l'infraction ; qu'elle se caractérise
par l'instantanéité de l'action ou de l'omission qui la réalise,
et par l'épuisement en un instant de la volonté délictueuse
de l'auteur ; que l'infraction continue se réalise par une action ou
omission qui se prolonge dans le temps ; qu'elle se caractérise par la
réitération constante de la volonté coupable de l'auteur
; qu'en l'espèce, le texte visé par la plainte, l'article L. 335-4,
alinéa 3, du Code de la propriété littéraire et
artistique, prévoit : "est puni de la peine d'amende prévue
au premier alinéa (1 000 000 francs) le défaut de versement de
la rémunération due à l'auteur, à l'artiste-interprète
ou au producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes au titre de la copie
privée ou de la communication publique ainsi que la télédiffusion
de phonogrammes" ; que la pièce numéro 4 annexée à
la plainte démontre que la société X... établit
4 à 5 factures par an, soit en moyenne, une facturation trimestrielle
; que le non-paiement de ces nombreuses factures fonde la présente plainte
; qu'il s'agit donc de refus successifs de payer lesdites rémunérations,
chacune portant sur une période donnée et faisant l'objet d'une
facturation distincte ; que cette situation s'analyse en fait et en droit comme
une infraction continuée et répétée, troisième
catégorie d'infraction qui se caractérise par la réitération
de divers actes échelonnés dans le temps et qui doivent être
traités comme autant d'infractions distinctes en concours réel,
solution consacrée par la jurisprudence à propos de vols réitérés
d'eau, de gaz ou d'électricité au moyen de branchements directs,
ou encore dans le cas de manoeuvres réitérées d'un abonné
EDF, destinées à bloquer le compteur, actes qui constituent une
pluralité d'infractions successivement répétées
mais distinctes, qui se renouvellent à chaque fois dans leurs éléments
tant moraux que matériels ; qu'en l'espèce, et à supposer
les faits établis, il convient donc de considérer qu'il existe
une infraction distincte pour chaque facture reçue et non payée
de manière délibérée ; que la plainte a été
enregistrée au greffe du juge d'instruction le 12 juillet 1999 ; qu'au
vu de ces éléments, les faits se rapportant aux factures émises
antérieurement à la date du 12 juillet 1996, ne peuvent entrer
dans la saisine du magistrat instructeur, ceux-ci étant couverts par
l'instruction triennale ;
" alors que le délit consistant à utiliser des phonogrammes
pour la communication directe dans un lieu public ou la radiodiffusion sans
verser la rémunération correspondante, se poursuit tant que dure
l'abstention de verser cette rémunération et que se poursuit l'utilisation
de phonogrammes ; qu'il importe peu, dans l'appréciation du caractère
continu de cette infraction, qui s'apprécie au regard de l'attitude délictueuse
du prévenu, de savoir selon quelle périodicité est facturée
par l'organisme chargé de la collecter la rémunération
due ; qu'en décidant cependant, pour déclarer prescrits les faits
antérieurs à la facture du 3 septembre 1996, que le délit
poursuivi était caractérisé par le non-paiement des factures
de l'organisme collecteur et donc par des "refus successifs de payer lesdites
rémunérations, chacune portant sur une période donnée
et faisant l'objet d'une facturation distincte", la chambre d'accusation
a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de
procédure, que la société civile X... a déposé
plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction, contre
la société Y..., Z... et A..., pour le délit prévu
par l'article L. 335-4.3°, du Code de la propriété intellectuelle,
en leur reprochant de s'être abstenus de verser la rémunération
due aux artistes-interprètes et producteurs, depuis le 1er avril 1992
;
Attendu que pour confirmer l'ordonnance de refus partiel d'informer rendue par
le juge d'instruction et décider que les faits antérieurs
au 12 juillet 1996, étaient prescrits, la chambre d'accusation
retient que pour recouvrer la rémunération à la charge
des prévenus, utilisateurs de phonogrammes dans les conditions prévues
par l'article L. 214-1 du Code de la propriété intellectuelle,
la partie civile émettait de manière régulière
des factures, précisant le montant de la somme due, et que les
défauts de paiement doivent s'analyser comme des infractions distinctes
et renouvelées ;
Attendu qu'en prononçant ainsi les juges ont justifié leur décision
;
Attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin criminel 2000 N° 327
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 19 janvier 2000 Cassation
CASSATION sur le pourvoi formé par X..., partie civile, contre l'arrêt
de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes, en date du 12 novembre
1998, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte avec constitution
de partie civile contre personne non dénommée pour faux,
usage de faux et escroquerie au jugement, a confirmé
l'ordonnance du juge d'instruction portant refus d'informer.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Vu l'article 575, alinéa 2.1°, du Code de procédure pénale
;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1, 441-7
du Code pénal, 8 et 593 du Code de procédure pénale, défaut
de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'informer
sur la plainte en faux et usage de faux déposée par X... ;
" aux motifs que, "dans sa plainte à l'issue de son audition
par le juge d'instruction", X... dénonçait :
" les faux commis par M. Y... dans son rapport d'expertise" déposé
le 29 septembre 1987 au tribunal d'instance de Morlaix ;
" les faux commis par MM. Z... et A... dans des soit-transmis" datant
de 1985 et versés au dossier civil par Me B..., avoué, juste avant
l'audience ayant abouti au jugement du 24 mai 1988 ;
" l'usage de faux et l'escroquerie au jugement à l'encontre de Me
B... et Me C... dans la mesure où les magistrats ont basé leur
décision sur les faux documents produits ; ... que, s'agissant des documents
argués de faux, infraction instantanée, il y a lieu de constater
qu'en raison de leur date d'établissement la prescription de l'action
publique était acquise au jour du dépôt de la présente
plainte ;
" ... (que), par ailleurs... la seule utilisation de ces documents argués
de faux est constituée par leur versement au dossier de la procédure
de première instance ; que la circonstance que ces pièces aient
normalement continué à "figurer au dossier de la Cour en
cause d'appel ne constitue pas un nouvel acte d'usage s'agissant toujours de
la même demande ; que l'usage de faux qui n'est pas une infraction continue
se trouvait également prescrit au moment de la plainte ; qu'il en va
de même en ce qui concerne la prétendue escroquerie au jugement
invoquée par le plaignant et qui serait la suite de l'usage de faux ;"...
(que), dans ces conditions... l'action publique est éteinte sur tous
les chefs d'infractions visés dans la plainte, et qu'il ne peut être
informé sur les faits reprochés ; qu'il convient de confirmer
l'ordonnance entreprise ; (arrêt attaqué p. 2) ;
" alors qu'il y a autant de délits d'usage de faux qu'il y a d'instances
au cours desquelles les documents argués de faux ont été
versés aux débats ou se trouvaient dans le débat ; que
la chambre d'accusation a constaté que les documents argués de
faux, s'ils ont été produits pendant la procédure de première
instance, figuraient au dossier devant la cour d'appel ; qu'il s'agissait donc
d'un nouvel acte d'usage dès lors qu'ils ont nécessairement participé
à la décision des juges d'appel ; que la prescription ne pouvait
donc courir que du dernier arrêt rendu dans le litige opposant X... aux
époux D..., à savoir l'arrêt rendu le 20 septembre 1994
par la cour d'appel de Caen ; que l'arrêt attaqué viole donc les
textes susvisés " ;
Vu l'article 441-1 du Code pénal ;
Attendu que le délai de prescription court, à l'égard
du délit d'usage de faux, infraction instantanée, à partir
de la date de chacun des actes par lesquels le prévenu se prévaut
de la pièce fausse ;
Attendu que, dans sa plainte avec constitution de partie civile, déposée
le 21 février 1997, pour faux, usage de faux et escroquerie, X... dénonce
les faux commis par l'expert judiciaire, désigné par le tribunal
d'instance, dans son rapport déposé le 29 septembre 1987 dans
le procès civil l'opposant à ses locataires et les faux commis
par deux fonctionnaires de police dans des " soit-transmis " datant
de 1985 adressés au procureur de la République dans le cadre d'une
enquête faisant suite à une plainte antérieure ; qu'il dénonce
également l'usage de faux et l'escroquerie au jugement commis par son
avocat et celui de la partie adverse dans le procès civil du fait de
la production de ces documents argués de faux et sur la base desquels
les juges ont fondé leur décision ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance de refus d'informer, la chambre d'accusation
énonce que pour les documents argués de faux la prescription était
acquise en raison de la date de leur établissement, que la seule utilisation
de ces documents " est constituée par leur versement au dossier
de la procédure de première instance ", " que la circonstance
que ces pièces aient normalement continué à figurer au
dossier de la cour en cause d'appel ne constitue pas un nouvel acte d'usage
s'agissant toujours de la même demande " et que l'usage de faux se
trouvait également prescrit au moment de la plainte ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les documents
argués de faux, après leur versement au dossier de première
instance, n'avaient pas été invoqués, dans des conclusions
régulièrement déposées, aux différents stades
du procès civil en cause, et n'avaient ainsi pas fait l'objet
d'un nouveau fait positif d'usage, la chambre d'accusation n'a pas
mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité
de sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin criminel 2000 N° 32 p. 80