Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 15 juin 2011

N° de pourvoi: 09-87135
Publié au bulletin Irrecevabilite et rejet
Statuant sur les pourvois formés par : - M. Rachid X..., contre l'arrêt de la cour d'assises de PARIS, spécialement composée, en date du 13 octobre 2009, qui, pour complicité d'assassinats, complicité de tentatives d'assassinats, complicité de destructions et de dégradations de biens appartenant à autrui par l'effet d'une substance explosive ayant entraîné sur autrui la mort, une mutilation ou une infirmité permanente, des incapacités temporaires totales de plus de huit jours, des incapacités de huit jours au plus, complicité d'infractions à la législation sur les explosifs, toutes infractions en relation, à titre principal ou connexe, avec une entreprise terroriste,
l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en fixant à vingt-deux ans la durée de la période de sûreté et à l'interdiction définitive du territoire français ;

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Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du Protocole n° 7 annexé à cette Convention, 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 6, 316, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation de la règle non bis in idem ;

" en ce que, par arrêt en date du 17 septembre 2009, la cour d'assises a rejeté l'exception non bis in idem tirée de ce que M. X...avait, en substance, été jugé par un arrêt définitif de la cour d'appel de Paris, en date du 18 décembre 2006, pour des faits identiques à ceux visés dans les trois arrêts de mise en accusation ;

" aux motifs que, si la défense de M. X...fait à bon droit observer que l'article 4 du Protocole n° 7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde infraction, pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes, il impose cependant de considérer en l'espèce que les faits sur lesquels se sont fondées les juridictions correctionnelles, comporteraient-ils l'évocation d'actes criminels visés aux présentes poursuites, ne se limitent aucunement à ces derniers pour asseoir la culpabilité de M. X...;
que, pour caractériser en effet le délit d'association de malfaiteurs, infraction autonome prévue et réprimée par l'article 450-1 du code pénal, celles-ci ont analysé l'ensemble des éléments de nature à caractériser l'implication de l'accusé en son sein et dont le but consistait à organiser, développer et pérenniser un mouvement déterminé à imposer sa cause, notamment par le recours à la clandestinité et à la mise en oeuvre de moyens matériels et intellectuels (recrutement et contacts réguliers avec des activistes, diffusion d'informations sur les activités et les thèses du GIA, recherche de fonds, d'armes et matériels divers …), sans se donner nécessairement et exclusivement pour objectif la commission des attentats visés aux poursuites ; que les faits dont se trouve saisie la cour diffèrent substantiellement des précédents en ce qu'ils visent un comportement criminel dirigé vers la réalisation d'objectifs ponctuels, précisément déterminés et non indissociablement liés entre eux, et animés par une motivation spécifique consistant en particulier à fournir, en connaissance de cause, à autrui, les moyens de porter délibérément atteinte à la vie humaine ou à l'intégrité physique ou psychique de l'individu par le recours à des charges explosives ; que, dans ces conditions, la déclaration de culpabilité et la condamnation prononcées par la cour d'appel de Paris ne sauraient conduire la cour d'assises à considérer que l'action publique dirigée contre M. X...se trouve éteinte et à déclarer nulles les poursuites criminelles dont il fait l'objet ; qu'il appartiendra dès lors à cette dernière, à l'issue des débats et à la lumière de ceux-ci, de dire, par ses réponses aux questions qui lui seront posées, si M. X...est coupable ou non des actes de complicité qui lui sont imputés ;

" 1) alors que les arrêts incidents des cours d'assises doivent, à peine de nullité, s'expliquer sur les chefs péremptoires des conclusions déposées au nom de l'accusé ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées aux fins de constatation de l'extinction de l'action publique et de nullité des poursuites, M. X...faisait valoir que l'intégralité des faits matériels – transfert de fonds à destination des auteurs des attentats – transmission d'instructions aux mêmes auteurs – suivi de la préparation et de la commission des attentats – fondant les trois actes d'accusation à l'encontre de M. X...avaient déjà servi de fondement à sa condamnation définitive par la cour d'appel de Paris du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission d'actes de terrorisme et qu'en ne s'expliquant pas sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'assises a méconnu les textes susvisés ;

" 2) alors qu'un même fait autrement qualifié ne peut donner lieu à une double déclaration de culpabilité et que la circonstance que le délit d'association de malfaiteurs soit un délit autonome ne saurait faire échec à ce principe qui est à la fois un principe de droit interne et de droit conventionnel ;

" 3) alors qu'un même fait autrement qualifié ne saurait donner lieu à une double déclaration de culpabilité et que la cour d'assises, qui constatait implicitement mais nécessairement que la décision correctionnelle définitive que M. X...invoquait au soutien de son exception évoquait expressément les faits criminels dont elle était saisie, ne pouvait, sans méconnaître le principe fondamental susvisé, refuser de faire droit à cette exception au motif erroné que le périmètre des faits sur lesquels ladite décision correctionnelle avait statué était plus large que celui des faits soumis à la cour d'assises ;

" 4) alors que la cour d'assises ne pouvait, sans contredire les actes de la procédure, affirmer que les faits dont elle se trouvait saisie différaient substantiellement de ceux ayant fait l'objet de l'arrêt de la cour d'appel de Paris, en date du 18 décembre 2006, en ce qu'ils visaient un comportement criminel dirigé vers la réalisation d'objectifs ponctuels précisément déterminés et non indissociablement liés entre eux dès lors, qu'ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, chacun des trois arrêts de mise en accusation affirmait, dans un motif qui servait de soutien nécessaire à sa décision, que l'attentat particulier dont il traitait, s'inscrivait dans une série d'attentats du même type, tous commis entre le 11 juillet 1995 et le 17 octobre 1995, dont il rappelait les lieux et les circonstances, précisant notamment dans l'arrêt du 27 novembre 2001 et qu'il résultait des expertises réalisées dans chacune des affaires concernées que les engins utilisés lors des attentats étaient de même facture et les insérant explicitement dans l'action du GIA, organisation considérée comme une association à but criminel par l'arrêt de la cour d'appel du 18 décembre 2006 ;

" 5) alors que la cour d'assises ne pouvait, sans contredire les pièces de la procédure, affirmer que les faits dont elle était saisie différaient substantiellement des précédents en ce qu'ils visaient un comportement criminel animé par une motivation spécifique consistant en particulier à fournir en connaissance de cause, à autrui, les moyens de porter délibérément atteinte à la vie humaine ou à l'intégrité physique ou psychique de l'individu par le recours à des charges explosives alors qu'il résulte sans ambiguïté des motifs qui servent de soutien nécessaire au jugement du tribunal correctionnel de Paris, en date du 29 mars 2006, dont la cour d'appel de Paris s'est expressément appropriée les motifs dans son arrêt du 18 décembre 2006 qu'en imputant à M. X...la participation, consciente et volontaire, à une entente destinée à accomplir des actes de terrorisme sur le territoire français notamment par des appels téléphoniques qui étaient intervenus dans un contexte d'attentats et plus précisément à la veille de ceux-ci et par l'envoi de fonds destinés au financement des attentats (notamment une somme de 5 000 francs la veille de l'attentat commis le 17 octobre 1995 sur la ligne C du RER à la station Musée d'Orsay), ces décisions correctionnelles lui avaient prêté exactement la même motivation ;

" 6) alors que la cour d'assises a méconnu la portée de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2006 en affirmant que cette décision concernait l'implication de l'accusé au sein d'une association de malfaiteurs qui ne s'était pas donné nécessairement et exclusivement pour objectif la commission des attentats visés aux poursuites dès lors que la cour d'appel est expressément entrée en voie de condamnation à l'encontre de M. X...pour avoir joué un rôle essentiel au sein du GIA, organisation dont l'objectif était la préparation, l'assistance à la réalisation et l'exploitation médiatique des attentats réalisés " ;

Attendu que, pour rejeter, par arrêt incident, l'exception de chose jugée tirée de ce que l'accusé a déjà été condamné par arrêt de la cour d'appel de Paris du 18 décembre 2006 du chef de participation à une association de malfaiteurs en vue de la commission d'actes de terrorisme, la cour d'assises prononce par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'association de malfaiteurs constitue un délit distinct tant des crimes préparés ou commis par ses membres que des infractions caractérisées par certains faits qui la concrétisent, les griefs invoqués ne sont pas encourus ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

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Sur le dixième moyen de cassation, pris de la violation des articles 4 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que la cour d'assises a prononcé à l'encontre de M. X..., en violation du texte susvisé, une double peine, en le condamnant à la fois à la réclusion criminelle à perpétuité et à l'interdiction définitive du territoire français " ;

Attendu que, contrairement à ce qui est allégué, l'article 4 du Protocole n° 7 à la Convention européenne des droits de l'homme n'interdit pas de prononcer, comme en l'espèce, une peine principale et une peine complémentaire dans une même procédure ;

D'où il suit que le moyen est inopérant ;

Et attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la cour d'assises spécialement composée ;

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Par ces motifs :

REJETTE ;

Publication : Bulletin criminel 2011 n° 127