Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du lundi 27 octobre 1997

N° de pourvoi: 96-83698
Publié au bulletin Rejet


I. REJET des pourvois formés par :- X... Alain, Y... Jean-Louis, Z... Frédéric, A... Louis, B... Jean-Jacques, prévenus,

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contre l'arrêt de la cour d'appel de Lyon, 7e chambre, en date du 9 juillet 1996, qui a condamné Alain X..., pour complicité d'abus de biens sociaux, recels d'abus de biens sociaux, corruption passive et subornation de témoin, à 5 ans d'emprisonnement, dont 1 an avec sursis, avec mandat d'arrêt, 400 000 francs d'amende, 5 ans d'interdiction du droit de vote et d'éligibilité, Jean-Louis Y..., pour abus de biens sociaux, recels d'abus de biens sociaux, complicité de corruption et subornation de témoins, à 4 ans d'emprisonnement, dont 1 an avec sursis, 400 000 francs d'amende et 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, Frédéric Z..., pour recel d'abus de biens sociaux, à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 60 000 francs d'amende, Louis A..., pour abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis et 60 000 francs d'amende, Jean-Jacques B..., pour complicité d'abus de biens sociaux et corruption active, à 3 ans d'emprisonnement, dont 2 ans avec sursis, et 400 000 francs d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils.

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la fin de l'année 1985 Alain X..., maire de la ville de Grenoble depuis 1983, qui projetait de concéder le service des eaux de cette ville, a indiqué à Marc-Michel C... que, s'il voulait que le groupe qu'il dirigeait fût retenu dans la compétition qui allait s'ouvrir, il devrait acheter et mettre à sa disposition un appartement à Paris ; que, le 14 janvier 1986, le groupe C... a acquis pour la somme de 5 000 000 francs, outre 1 000 000 francs de travaux et de mobilier, un appartement de 280 m2, sis... à Paris, qui, sous le couvert d'un bail consenti à l'association " Modernité Régionale ", a été occupé de 1986 à 1988 par Alain X..., devenu ministre de l'Environnement, et par son chargé de mission et homme de confiance, Jean-Louis Y..., en laissant des loyers impayés d'un montant de 726 800 francs ;

Qu'en septembre 1987, Alain X..., qui venait de bénéficier, du 8 au 23 août 1987, d'une croisière en Méditerranée avec sa famille, à bord d'une goélette louée pour la circonstance par le groupe C..., au prix de 170 784 francs, a fait connaître à Marc-Michel C... qu'en contrepartie de la concession du service des eaux de Grenoble au groupe C... et à la société Lyonnaise des Eaux, il désirait que la propriété de l'appartement du... lui fût transférée ;

Que le projet de concession a été arrêté dans son principe entre les partenaires, au cours d'un déjeuner pris le 3 octobre 1987 au Conseil général de l'Isère, en présence notamment de Jean-Louis Y... et de Jean-Jacques B..., directeur commercial et directeur de l'eau pour la France de la Lyonnaise des Eaux, puis reporté après les élections municipales de mars 1989, la décision de délégation pour une durée de 25 ans à la société Cogese, filiale commune du groupe C... et de la Lyonnaise des Eaux, du service des eaux de la ville de Grenoble ayant été finalement signée par le maire de la ville le 3 novembre 1989 ;

Attendu que, selon l'arrêt attaqué, le 23 juin 1988, la société anonyme Whip a été constituée entre Jean-Louis Y..., des membres de sa famille et des proches d'Alain X... ; que cette " société écran ", dirigée en fait par Jean-Louis Y..., a acheté le 19 décembre 1988, pour la somme de 7 000 000 francs, l'appartement du... à Paris ; que, pour financer cette acquisition et prendre en charge les salaires des collaborateurs de l'équipe parisienne d'Alain X..., la société Whip a facturé, de 1988 à 1993, des honoraires fictifs de 9 373 060 francs à des sociétés du groupe C... et de 2 220 000 francs à la Lyonnaise des Eaux ; qu'en outre, le groupe C... a, en 1987 et 1988, supporté 250 000 francs d'honoraires non causés du cabinet d'avocat de Jean-Louis Y..., ainsi que les frais d'un voyage en Australie d'un coût de 137 690 francs, effectué par ce dernier, avec un ami, du 23 décembre 1988 au 8 janvier 1989 ;

Que le groupe C..., pour s'attirer les faveurs d'Alain X..., a pris en charge, dès 1984 et jusqu'au mois d'avril 1993, date à laquelle il est devenu ministre de la Communication, le coût de 122 voyages en avions-taxis de la compagnie Sinair, d'un montant de 2 200 000 francs ;

Attendu qu'il ressort encore des énonciations de l'arrêt attaqué que, dans la perspective des élections municipales de mars 1989 et à l'initiative d'Alain X..., ont été constituées, à partir du 4 juillet 1988, trois sociétés anonymes Holding Dauphiné News, Dauphiné News et News Gratuit, afin de diffuser des publications quotidiennes ou périodiques favorables à la réélection du maire de Grenoble et de promouvoir son image ; que, devant les déficits de ce groupe de presse, dirigé en fait par Alain X..., et pour éviter un dépôt de bilan, Jean-Jacques B... a accepté de faire racheter pour 0 franc la holding Dauphiné News par la société Serecom, filiale de la société Serepi, elle-même filiale de la société Lyonnaise des Eaux, associée de la société Cogese et de faire régler par elle-même, entre janvier et septembre 1990, son passif s'élevant à 5 260 000 francs ; qu'au total, les prélèvements opérés au profit de la holding Dauphiné News, sur instructions de Jean-Jacques B..., par Louis A..., directeur de la société Lyonnaise des Eaux pour la région Rhône Alpes et président des sociétés Serepi et Serecom, se sont élevés à 5 770 702 francs ;

En cet état,

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Sur le troisième moyen de cassation proposé pour Alain X... et pris de la violation des articles 5, 177 et 460 du Code pénal abrogé, en vigueur au moment des faits, 321-1 et 432-11 du nouveau Code pénal, 437 de la loi du 24 juillet 1966 et 593 du Code de procédure pénale, de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que Alain X... a été déclaré coupable de délits de recel d'abus de biens sociaux et corruption passive ;

" aux motifs que les éléments constitutifs des délits de recel d'abus de biens sociaux et de corruption sont différents et que les préventions retenues à l'égard des prévenus ne constituent pas un cumul idéal d'infractions ;

" alors qu'en vertu de la règle non bis in idem, un même fait autrement qualifié ne saurait servir de base à une double déclaration de culpabilité de sorte qu'en l'espèce, les faits retenus par l'arrêt attaqué comme constitutifs du délit de corruption au titre des contreparties de l'acte fautif ne pouvaient être également qualifiés de recels d'abus de biens sociaux sans violer les textes et principes susvisés ;

" alors que, cette double qualification ayant nécessairement joué un rôle dans la détermination de la peine, la constatation de ce cumul idéal d'infractions interdit à la chambre criminelle, en cas d'erreur sur la détermination de l'une ou l'autre de ces infractions, de recourir à la théorie dite " de la peine justifiée " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les demandeurs sont sans intérêt à reprocher à la cour d'appel de les avoir déclarés coupables des mêmes faits sous plusieurs qualifications pénales comportant au demeurant des éléments constitutifs différents dès lors que, conformément aux articles 5 ancien et 132-3 nouveau du Code pénal, une seule peine a été prononcée ;

Qu'ainsi, les moyens ne peuvent être admis ;

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I-Sur les pourvois d'Alain X..., Jean-Louis Y..., Jean-Jacques B..., Louis A... et Frédéric Z... :

LES REJETTE ;

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Publication : Bulletin criminel 1997 N° 352 p. 1169