Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 10 décembre 2014

N° de pourvoi: 14-80230
Publié au bulletin Cassation sans renvoi

Statuant sur le pourvoi formé par :- M. Paul X...,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-9, en date du 19 décembre 2013, qui pour agressions sexuelles, l'a condamné à 2 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;


Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 du code de procédure pénale, 222-27 et 222-33 du code pénal, 4-1 du Protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, de la règle non bis in idem et des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de base légale, contradiction de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation et la fin de non recevoir tirée du principe non bis idem ;

"aux motifs que M. Paul X... était cité par le tribunal correctionnel de Paris du chef de harcèlement sexuel sur la personne de Mme F..., faits commis entre le 1er septembre 2008 et le 19 janvier 2009, en l'espèce par des gestes déplacés à connotation sexuelle et par l'envoi de courriers électroniques faisant référence à une relation intime ; que par jugement en date du 9 mai 2012, le tribunal correctionnel de Paris déclarait l'action publique éteinte «pour abrogation de la loi sur les faits de harcèlement pour obtenir des faveurs sexuelles» ; que par citation à la requête du procureur de la République, M. X... était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour des faits d'atteintes sexuelles avec violence, contrainte, menace ou surprise sur la personne de Mme F..., en l'espèce en procédant sur elle à des attouchements sexuels sur les seins et le sexe par-dessus les vêtements, faits commis entre le 1er septembre 2008 et le 19 janvier 2009 ; que M. X..., par conclusions déposées et soutenues à la barre, entend développer l'argument selon lequel la présente procédure, portant exactement sur les mêmes faits que ceux ayant donné lieu à un constat d'extinction de l'action publique, par abrogation de la loi pénale sur le harcèlement sexuel, il ne saurait y avoir de nouvelles poursuites sur un fondement juridique différent, le ministère public ne pouvant faire juger une deuxième fois un prévenu pour des faits qui auraient déjà été jugés ; qu'il convient cependant d'observer que les faits initialement poursuivis par le ministère public, au terme d'une citation délivrée le 8 septembre 2011, à l'encontre de M. X..., n'ont nullement fait l'objet d'une décision relative à la culpabilité ou à la relaxe de M. X..., le tribunal ayant uniquement constaté, le 9 mai 2012, l'extinction de l'action publique du fait de la décision du Conseil constitutionnel du 4 mai 2012 constatant l'anticonstitutionalité de l'article 222-33 du code pénal et décidant ainsi l'abrogation de cette disposition ; que le tribunal aurait cependant dû étant saisi «in rem», sous peine de déni de justice, rechercher si les faits qui lui étaient soumis étaient susceptibles de recevoir une autre qualification juridique que celle de harcèlement sexuel et retenir le cas échéant, la qualification juridique la plus adéquate, n'étant point lié par celle retenue par la prévention ; qu'en l'absence de requalification des faits et de relaxe, prononcée par le tribunal de M. X... par le tribunal correctionnel, il était donc loisible au ministère public de renvoyer de nouveau le prévenu devant le tribunal correctionnel du chef d'agressions sexuelles ;

alors que nul ne peut être poursuivi deux fois pour des faits matériellement identiques même sous une qualification différente ; que l'autorité de chose jugée attachée au jugement définitif qui constate l'extinction de l'action publique fait obstacle à ce que soient engagées de nouvelles poursuites portant sur les mêmes faits même autrement qualifiés, quand bien même ce jugement aurait à tort omis de se prononcer sur les autres qualifications envisageables ; que la cour d'appel a elle-même constaté que le tribunal correctionnel, par son jugement du 9 mai 2012, avait déclaré l'action publique éteinte, en négligeant de rechercher si les faits poursuivis sous la qualification de harcèlement sexuel n'auraient pas pu recevoir la qualification d'agression sexuelle ; qu'en décidant que ce jugement ne faisait pas obstacle à l'exercice de nouvelles poursuites, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes et principes susvisés ;

Vu l'article 6, alinéa 1er, du code de procédure pénale ;

Attendu qu'il résulte de ce texte que l'action publique s'éteint par la chose jugée ;

Attendu que, par jugement définitif en date du 9 mai 2012, le tribunal correctionnel, saisi de poursuites exercées contre M. X... du chef de harcèlement sexuel, pour des faits commis du 1er septembre 2008 au 19 janvier 2009, sur la personne de Mme F..., a déclaré l'action publique éteinte en raison de l'abrogation de l'article 222-33 du code pénal, dans sa version issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002, applicable à la cause ; que le 19 novembre 2012, le ministère public a de nouveau fait citer M. X... devant le même tribunal, sous la prévention d'agressions sexuelles, pour avoir commis des attouchements de nature sexuelle sur la personne de Mme F..., entre le 1er septembre 2008 et le 19 janvier 2009 ;

Attendu que pour rejeter l'exception de chose jugée régulièrement invoquée par M. X..., l'arrêt attaqué énonce que les faits initialement poursuivis par le ministère public n'ont fait l'objet d'aucune décision relative à la culpabilité ou à la relaxe du prévenu ; que le tribunal, saisi in rem, aurait dû rechercher si les faits étaient susceptibles de recevoir une autre qualification ; qu'en l'absence d'une telle requalification, il était loisible au ministère public de renvoyer de nouveau le prévenu devant le tribunal correctionnel, du chef d'agressions sexuelles ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'autorité de la chose jugée, attachée à la décision définitive du tribunal correctionnel qui a constaté l'extinction de l'action publique par l'abrogation de la loi d'incrimination susvisée, faisait obstacle à la reprise de l'action publique sur les mêmes faits autrement qualifiés, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte et du principe rappelés ci-dessus ;

D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE

 

Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 19 janvier 2005
Cassation sans renvoi
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, en date du 2 mars 2004, qui, pour agressions sexuelles aggravées, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 du Code de procédure pénale, de la maxime "non bis in idem", de l'article 4.1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne, des articles 222-22 et 222-33 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception d'irrecevabilité par l'autorité de la chose jugée et a déclaré Gérard X... coupable d'atteintes sexuelles avec contrainte et surprise sur la personne de Christelle Z..., épouse Y..., commises par une personne ayant autorité sur la victime ;
"aux motifs que "la Cour considère que c'est par des motifs pertinents qu'elle adopte que les premiers juges ont rejeté l'exception soulevée par le prévenu, étant précisé qu'il n'y a pas, en l'espèce, d'identité de cause s'agissant de faits matériels distincts, sanctionnés par des peines différentes, et d'objets entre les deux poursuites successivement engagées" ;
"et aux motifs adoptés que "le tribunal a motivé qu'aucun élément objectif ne caractérisait des contraintes, ordres, menaces ou pressions résultant d'un abus d'autorité et que les faits reprochés, dès lors qu'un contact physique s'est établi entre le prévenu et la victime, ne peuvent être qualifiés que d'agression sexuelle, dont la peine encourue est supérieure, de telle sorte qu'aucune requalification n'est possible ; qu'ainsi, l'autorité de chose jugée ne peut s'appliquer s'agissant de poursuites différentes, d'autant que les éléments intentionnels des deux infractions ne sont pas identiques, et il convient de rejeter l'exception soulevée par Gérard X..." ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article 6, alinéa 1er, du Code de procédure pénale, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint notamment par la chose jugée ; qu'il est également de principe que les mêmes faits ne peuvent donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ;
qu'en l'espèce il ressort des éléments de la procédure que Gérard X... a été déclaré non coupable des faits qualifiés de harcèlement pour l'obtention de faveurs sexuelles par personne abusant de l'autorité de sa fonction, par un jugement du tribunal correctionnel de Créteil du 8 février 2001, devenu définitif ; qu'ainsi, en déclarant recevable une nouvelle action, du chef cette fois d'agression sexuelle, procédant des mêmes faits, autrement qualifiés, devant la juridiction pénale, l'arrêt attaqué, qui ne précise d'ailleurs pas en quoi cette nouvelle poursuite concernerait des faits matériels distincts, procédant d'une intention elle-même différente, a violé le principe et les textes susvisés ;
"alors, d'autre part, que le délit de harcèlement sexuel et celui d'agression sexuelle, comportant des éléments constitutifs communs, ne peuvent faire l'objet de poursuites successives, s'agissant de mêmes circonstances de fait commises dans un même trait de temps et concernant les mêmes personnes ; que, tout spécialement, la relaxe du chef de harcèlement pour l'obtention de faveurs sexuelles par personne abusant de l'autorité de sa fonction, devenue définitive, exclut toute poursuite ultérieure du chef d'atteintes sexuelles avec contrainte et surprise, commises par un employeur sur sa salariée ; que, s'il existe en effet une différence de degré entre ces deux infractions, il n'y a pas de différence de nature entre elles, en sorte que la relaxe intervenue sur la qualification la moins élevée met obstacle à toute nouvelle action sur la qualification la plus élevée ; qu'en déclarant le contraire, après avoir affirmé, sans le justifier, qu'il s'agissait de faits matériels distincts et que les éléments intentionnels des deux infractions n'étaient pas identiques, la cour d'appel a violé les textes et principe susvisés ;
"alors, enfin, qu'aux termes de l'article 4 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne, "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat" ; que cet article ne prévoit d'exception à cette règle qu'en cas de réouverture du procès pour des faits nouveaux ou nouvellement révélés, ou en cas de vice fondamental dans la procédure précédente ; que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, aucun fait nouveau ni aucun vice de la procédure n'ayant été allégué par la plaignante, Gérard X..., qui avait été définitivement relaxé des faits de harcèlement sexuel prétendument commis au préjudice de Christelle Z..., épouse Y..., de juin 1998 à mars 2000, ne pouvait être à nouveau poursuivi pour ces mêmes faits, qualifiés d'agressions sexuelles par personne ayant autorité sur la victime, commis depuis juin 1998 jusqu'à mars 2000" ;

Vu l'article 4.1 du protocole n° 7 additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme et l'article 6, alinéa 1er, du Code de procédure pénale ;
Attendu que, selon ces textes, l'action publique s'éteint par la chose jugée ; qu'un même fait ne peut donner lieu contre le même prévenu à deux actions pénales distinctes ;

Attendu que, par jugement du tribunal correctionnel de Créteil, en date du 8 février 2001, Gérard X... a été renvoyé des fins de la poursuite exercée contre lui du chef de harcèlement sexuel pour des faits commis à Ivry-sur-Seine, de juin 1998 à mars 2000, sur la personne de Christelle Z..., épouse Y... ;
Que, sur citation directe de la partie civile du chef d'agressions sexuelles aggravées, la même juridiction a prononcé une relaxe ;
Que l'arrêt attaqué, après avoir rejeté l'exception de chose jugée invoquée par Gérard X..., a condamné ce dernier pour avoir, à Ivry-sur-Seine, de juin 1998 à mars 2000, commis des agressions sexuelles aggravées sur la personne de Christelle Z..., épouse Y... ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que les faits visés par la seconde poursuite étaient les mêmes que ceux soumis à l'appréciation du tribunal correctionnel de Créteil le 8 février 2001, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen proposé ;
CASSE et ANNULE
Publication : Bulletin criminel 2005 N° 25 p. 66
Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, 2005-10, n° 4, chronique internationale, 1, p. 934-935, observations Jean-François RENUCCI.