Mais attendu que les dispositions de l'article 65-1 de la loi du 29 juillet
1881 instaurent, pour les actions fondées sur une atteinte au respect
de la présomption d'innocence, un délai de prescription particulier
qui déroge au droit commun de la prescription des actions en matière
civile ; que ces dispositions, d'ordre public, imposent au demandeur, non seulement
d'introduire l'instance dans les trois mois de la publication des propos incriminés,
mais aussi d'accomplir tous les trois mois un acte de procédure manifestant
à l'adversaire son intention de poursuivre l'instance ; que si c'est
à tort que la cour d'appel a écarté le moyen de prescription
alors qu'elle constatait que Mme X... n'avait accompli aucun acte interruptif
de prescription dans les trois mois suivant la déclaration d'appel faite
par les parties condamnées, la censure de sa décision n'est pas
encourue de ce chef, dès lors que l'application immédiate
de cette règle de prescription dans l'instance en cours aboutirait à
priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article
6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, en lui interdisant l'accès au juge ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
(…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Publication : Bulletin 2006 A. P. N° 15 p. 52
JCP G, 2007-03-14, n° 11, p. 35-39, observations E. DREYER.
Dalloz, 2007-03-22, n° 12, p. 835-841, observations P. MORVAN.
P. Deumier, RTDCiv 2007, 1, p. 72
Cour de Cassation
Chambre civile 2
Audience publique du 8 juillet 2004 Rejet.
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen 28 février 2001) et
les productions, qu'après la publication de deux dépêches
par l'Agence France Presse (AFP), le 15 novembre 1996, vers 10 heures et 18
heures, Radio France Toulouse a diffusé l'information suivante : "Une
avocate toulousaine sous les verrous. Maître Agnès X... a été
mise en examen et incarcérée à la maison d'arrêt
de Versailles. Elle est soupçonnée d'avoir renseigné directement
des trafiquants de drogue... C'est au cours d'une conversation téléphonique
que l'avocate toulousaine aurait prodigué ses conseils. Le juge d'instruction
chargé du dossier parle de complicité et c'est à ce titre
que Maître X... a été mise en examen et écrouée.
Cette affaire est unique, il faut remonter six années en arrière
pour se souvenir d'avocats mis en examen et écroués : ils avaient
passé des armes au parloir d'une prison parisienne" ; que, s'estimant
diffamée et victime d'une atteinte à la présomption d'innocence,
Mme X... a fait assigner devant le tribunal de grande instance, le 14 février
1997, la Société nationale de radiodiffusion Radio France (Radio
France) en réparation de son préjudice sur les fondements des
articles 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 et 9-1 du Code
civil ; qu'avant toute défense au fond, Radio France a excipé
de la nullité de l'assignation introductive d'instance, faute d'avoir
été notifiée au ministère public et d'avoir précisé
les textes applicables à la demande, et invoqué la fin de non-recevoir
tirée des prescriptions prévues par les articles 53, 65 et 65-1
de la loi du 29 juillet 1881 ;
Sur le premier moyen : (…)
Et attendu, sur la seconde branche, que, selon l'article 65-1 de la loi du
29 juillet 1881, les actions civiles fondées sur une atteinte au respect
de la présomption d'innocence commise par l'un des moyens visés
à l'article 23 de cette loi se prescrivent après trois mois révolus
à compter du jour de l'acte de publicité ; que ces dispositions
spéciales, d'ordre public, dérogeant au droit commun, le délai
de trois mois court à nouveau à compter de chaque acte interruptif
de la prescription abrégée prévue par ce texte
;
que si c'est à tort que la cour d'appel a décidé que le
demandeur n'avait pas à réitérer trimestriellement son
intention de poursuivre l'action engagée, la censure de sa décision
n'est pas encourue de ce chef, dès lors que l'application immédiate
de cette règle de prescription dans l'instance en cours aboutirait à
priver la victime d'un procès équitable, au sens de l'article
6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et
des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen : (…)
PAR CES MOTIFS :
REJETTE
Publication : Bulletin 2004 II N° 387 p. 323
Revue trimestrielle de droit civil, 2005-01, n° 1, p. 176-180, observations
Philippe THERY.
P. Morvan, Le revirement de JP pour l'avenir..., D. 2005,
p. 247
JCP 2005, I, 143, obs. B. Beignier et B. de Lamy