Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 6 octobre 2004 Rejet
- LA SOCIETE SAGITA INDUSTRIE, civilement responsable, contre l'arrêt
de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 24 janvier
2003, qui, pour importations sans déclaration de marchandises prohibées,
les a condamnés solidairement à des pénalités douanières
;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'entre 1988 et
1990, la société Sagita Industrie, dirigée par Jacobus
X..., a importé, du Danemark et du Royaume-Uni, des machines-outils,
sous couvert d'attestations de conformité aux normes techniques en vigueur;
qu'une enquête ayant fait apparaître que ces attestations ne correspondaient
pas aux machines importées, Jacobus X... a été poursuivi
pour importations sans déclaration de marchandises prohibées,
la société Sagita Industrie étant citée en qualité
de civilement responsable ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 55 de la
Constitution du 4 octobre 1958, 15-1 du pacte international de New-York du 19
décembre 1966, 112-1 du Code pénal, 2 bis du Code des douanes
issu de la loi du 17 juillet 1992, 591 et 593 du Code de procédure pénale
;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté
l'exception d'extinction de l'action publique par application du principe de
la rétroactivité in mitius ;
"aux motifs que selon la thèse des appelants, la loi du 17 juillet
1992 dispose dans son article 111 que le Code des douanes ne s'applique pas
à "l'entrée sur le territoire douanier des marchandises communautaires"
; qu'il est clair que cette loi devrait s'appliquer au cas d'espèce
rétroactivement en vertu de l'article 15-1 du pacte de New-York du 19
décembre 1966 ; que le problème cependant se pose au
regard de l'article 110 de la même loi qui prévoit que "les
dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à la poursuite
des infractions douanières commises avant son entrée en vigueur
sur le fondement des dispositions législatives antérieures"
; que le principe de la rétroactivité in mitius est exprimé
par l'article 112-1 et suivant du Code pénal... que cependant la Cour
de cassation minore la portée de ce principe qui ne peut jouer "en
l'absence de dispositions contraires expresses" ; que dans une
série d'arrêts, la Chambre criminelle a précisé que
la suppression des taxations et des contrôles douaniers mise en oeuvre
par la loi du 17 juin 1992 ne faisait pas obstacle à la poursuite des
infractions commises avant l'entrée en vigueur de ladite loi ; qu'ainsi,
selon la Cour de cassation, le pacte de 1966 n'a pas vocation à s'appliquer
; qu'en droit international, le principe de la rétroactivité in
mitius est consacré par l'article 15-1 de ce pacte selon lequel "il
ne saurait infliger aucune peine plus forte que celle applicable au moment où
l'infraction a été commise ; si postérieurement à
cette infraction, la loi prévoit l'application d'une peine plus légère,
le délinquant doit en bénéficier" ; que le pacte a
par ailleurs une valeur supra légale en vertu de l'article 55 de la Constitution
de 1958 et une valeur constitutionnelle ; que cependant le pacte de 1966 n'a
pas vocation à s'appliquer au cas d'espèce ; que seules les dispositions
de la loi de 1972 doivent s'appliquer et le principe de rétroactivité
in mitius sera écarté, l'action publique n'étant pas éteinte
;
"alors que conformément à l'article 55 de la Constitution
du 4 octobre 1958 les dispositions de l'article 15-1 du Pacte international
de New-York du 19 décembre 1966 consacrant le principe de la rétroactivité
in mitius s'opposent à ce qu'une disposition de droit interne prétende
faire échec audit principe, de sorte qu'en se refusant à
faire application en l'espèce des dispositions de l'article 2 bis du
Code des douanes issu de la loi du 17 février 1992 excluant l'application
des dispositions du Code des douanes aux importations sur le territoire douanier
de marchandises communautaires motif pris de ce que l'article 100 de la même
loi exclut expressément l'application des dispositions de cette loi à
des infractions douanières commises avant son entrée en vigueur,
la Cour a violé le principe selon lequel les traités et conventions
internationales ont une autorité supérieure à celle de
la loi" ;
Attendu que le prévenu ne saurait faire grief à l'arrêt
attaqué d'avoir jugé que l'article 110 de la loi du 17 juillet
1992, selon lequel les dispositions de cette loi n'ont pas d'effet rétroactif
sur les infractions commises avant son entrée en vigueur, n'est pas contraire
à l'article 15-1 du Pacte international sur les droits civils et politiques,
dès lors que ce dernier texte ne concerne que les sanctions et
non les incriminations ;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté ; (…)
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
N° de pourvoi : 03-84827
Inédit au bulletin
Droit pénal 2005, n°9