Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 29 février 1996 Irrecevabilité
et Cassation sans renvoi
ARRÊT N° 2
IRRECEVABILITE et CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par F.
N, N. JC, contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse,
3e chambre, du 13 mai 1993, qui, après relaxe prononcée par le tribunal
dans la procédure suivie contre eux pour fraude fiscale et omission d'écritures
en comptabilité, a prononcé sur les demandes de l'administration
des Impôts, partie civile, seule appelante.
LA COUR, (…)
Sur le pourvoi, commun aux demandeurs, en date du 17 mai 1993 :
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 496 et suivants,
512 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, 1741, 1743, 1745
du Code général des impôts, défaut et insuffisance
de motifs, manque de base légale :
" en ce que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la Cour a déclaré
que les prévenus étaient coupables des délits de fraude fiscale
relatifs à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les
sociétés dû au titre de l'article 1981 et de la TVA afférente
à la période du 1er au 31 décembre 1981 et d'omissions de
passation d'écritures dans les livres comptables de la société
"Le Régent" courant 1981, et a dit "qu'ils seront solidairement
tenus avec la SARL " Le Régent " au paiement des impôts
fraudés et à celui des pénalités y afférentes"
;
" alors que la Cour, ne donnant aucun motif susceptible de justifier la solidarité
prononcée entre la SARL "Le Régent" et ses gérants
de fait et de droit au titre de l'article 1745 du Code général des
impôts, n'a pas légalement justifié son arrêt en ce
qu'il a solidairement condamné les prévenus avec la SARL "Le
Régent", auteur des fraudes relevées " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 496 et suivants,
512 et suivants, 593 et 750 du Code de procédure pénale, 1741, 1743
et 1745 du Code général des impôts, L. 232, L. 272 du Livre
des procédures fiscales, défaut et contradiction de motifs, manque
de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué qui, sur appel du seul directeur
des services fiscaux de la Haute-Garonne, infirmait le jugement du tribunal correctionnel
de Toulouse du 23 octobre 1991, déclarait N F. et JC
N. coupables de délits de fraude fiscale et décidait qu'ils
seraient solidairement tenus avec la SARL "Le Régent" au paiement
des impôts et à celui des pénalités y afférentes,
a dit que la contrainte par corps, s'il y avait lieu de l'exercer contre les prévenus
pour le recouvrement des impôts fraudés et des pénalités
et amendes fiscales infligées à la SARL "Le Régent",
s'exercera pour la durée prévue par l'article 750 du Code de procédure
pénale ;
" alors que, d'une part, l'administration fiscale n'ayant plus la maîtrise
de l'action publique à défaut d'appel par le parquet de la décision
de relaxe, la Cour ne pouvait retenir une responsabilité civile des prévenus
indépendante de support pénal et décider que la contrainte
par corps pourrait s'exercer contre eux s'il avait lieu de l'exercer ;
" alors que, d'autre part, la Cour, ayant confirmé la relaxe des prévenus
du chef du délit de fraude fiscale relatif à l'impôt sur les
sociétés au titre de l'exercice 1982, ne pouvait, sans contradiction,
prononcer une contrainte par corps contre les prévenus au titre d'impôts
sur les sociétés prétendument fraudés au titre de
l'année 1982 " ;
Et sur le moyen de cassation relevé d'office, pris de la violation des
articles L. 232 et L. 272 du Livre des procédures fiscales, 1745 du Code
général des impôts et 749 du Code de procédure pénale
:
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles L.
232 et L. 272 du Livre des procédures fiscales, 1745 du Code général
des impôts et 749 du Code de procédure pénale que, lorsqu'elle
intervient devant la juridiction répressive en qualité de partie
civile dans une poursuite exercée sur sa plainte par le ministère
public, l'administration des Impôts ne peut obtenir le prononcé des
mesures à caractère pénal que constituent la contrainte par
corps et la solidarité avec le redevable légal de l'impôt
fraudé, que si le prévenu fait l'objet d'une condamnation pénale
;
Qu'il s'en déduit qu'en présence d'une décision de relaxe
n'ayant pas donné lieu à recours du ministère public, elle
est sans qualité pour relever appel ou se pourvoir en cassation ;
Attendu que, sur le seul appel, par l'administration des Impôts, d'un jugement
de relaxe des chefs de fraude fiscale et d'omission d'écritures en comptabilité,
l'arrêt attaqué déclare JC N. et N F.
solidairement tenus avec le redevable légal des impôts fraudés
et prononce contre eux la contrainte par corps ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence d'appel du ministère
public, celui de l'administration des Impôts ne pouvait qu'être déclaré
irrecevable, la juridiction du second degré a méconnu le sens et
la portée des textes et principes ci-dessus rappelés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi,
la Cour de Cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle
de droit ;
Par ces motifs : CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin criminel 1996 N° 100 p. 291