Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 21 février 1994 Cassation sans renvoi
ARRÊT N° 1 CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par O.
H., contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, en date
du 18 décembre 1991, qui, pour commercialisation de terminaux de télécommunication
non agréés, l'a condamné à 2 302 amendes de 30 francs
chacune.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 6 de la directive
de la Commission des Communautés européennes du 16 mai 1988, (n°
88/301) 7 et 30 du traité de Rome, 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt a déclaré O. coupable,
pour non-présentation des justificatifs d'agrément, de l'infraction
prévue à l'article 7 du décret n° 85-712 du 11 juillet
1985 ;
" aux motifs notamment qu'il n'importe pas davantage de rechercher si,
conformément aux dispositions de l'article 6 de la directive de la Commission
des Communautés européennes du 16 mai 1988 (n° 88/301/CEE),
reconnues légales par arrêt C.202.88 du 19 mars 1991 de la Cour
de justice des Communautés européennes, la sous-direction des
autorisations en matière de télécommunications qui, au
sein de la direction de la réglementation générale du ministère
des Postes et Télécommunications, est, aux termes de l'article
4 de l'arrêté du 19 mai 1989, chargée d'instruire les demandes
d'autorisation présentées en application de la réglementation
générale relative au secteur des télécommunications
est bien une entité indépendante de France Télécom,
entreprise offrant des biens et des services dans le domaine des télécommunications
;
" alors que la directive de la Commission des Communautés européennes
du 16 mai 1988, déclarée conforme au traité de Rome par
arrêt de la Cour de justice du 19 mars 1991, qui pose en son article 3
le principe de la liberté pour les opérateurs économiques
de commercialiser les appareils terminaux, impose en son article 6 que l'agrément
auquel les Etats membres peuvent avoir recours pour contrôler la conformité
de ces appareils aux normes applicables, soit émis par une entité
indépendante des entreprises publiques ou privées offrant des
biens et/ou services dans le domaine des télécommunications ;
qu'en refusant dès lors de rechercher si la sous-direction des autorisations
en matière de télécommunications, dont elle constate pourtant
expressément qu'elle relève de la direction de la réglementation
générale du ministère des Postes et Télécommunications,
était une entité indépendante de France Télécom,
la Cour a privé sa décision de base légale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il appartient au juge répressif d'écarter l'application
d'un texte d'incrimination de droit interne lorsque ce dernier méconnait
une disposition du Traité des Communautés européennes ou
un texte pris pour son application ;
Attendu que si la mise sur le marché de terminaux téléphoniques
peut être éventuellement soumise à un agrément préalable,
en application de l'article 6 de la directive n° 88/301/CEE du 16 mai 1988
prise pour l'application des articles 30, 86, 90 du Traité, c'est à
la condition que la procédure instituée garantisse l'indépendance
et l'impartialité des organismes qui en sont chargés ;
Attendu qu'H. O., gérant de la SARL MPC International, a été
poursuivi devant le tribunal de police, sur le fondement des articles 2, 3,
4 et 7 du décret du 11 juillet 1985, pour avoir mis sur le marché,
en janvier 1990, des terminaux non agréés par l'administration
des Postes et Télécommunications ; que, pour écarter les
conclusions du prévenu, invoquant l'incompatibilité de la réglementation
française avec les dispositions du traité de Rome et celles de
la directive n° 88/301/CEE sur les terminaux, et pour le déclarer
coupable des faits visés à la prévention, les juges du
fond énoncent que H. O., ayant vendu les appareils en cause
sans se préoccuper d'obtenir les agréments nécessaires
prévus par la réglementation interne, il n'y a pas lieu de rechercher
si la procédure d'agrément, mise en place en France, répond
ou non aux conditions posées par la réglementation européenne
; qu'ils ajoutent qu'en toute hypothèse, cette procédure n'est
pas critiquable, puisque la direction générale de la réglementation
des Télécommunications, chargée de délivrer les
agréments, était un organisme indépendant au sens de l'article
6 de la directive n° 88/301/CEE ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la procédure alors applicable,
issue des décrets des 11 juillet 1985, 28 janvier 1986 et 19 mai 1989
ne satisfaisait pas à la garantie d'indépendance et d'impartialité
exigée, en ce qu'elle confiait la formalisation des spécifications
techniques, le contrôle de leur application et l'agrément des terminaux
à des organes relevant tous directement de l'administration des Postes
et Télécommunications, à laquelle ces mêmes textes
reconnaissaient, par ailleurs, le monopole de l'exploitation du réseau
de télécommunication et le droit de commercialiser des équipements
concurrents de ceux soumis à son homologation, la cour d'appel a méconnu
le sens et la portée des textes et principes susvisés ;
Que, dès lors, la cassation est encourue ;
Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu d'examiner le second moyen proposé
:
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin criminel
1994 N° 74 p. 159
Gazette du Palais, 1994-07-23, n° 204, p. 24, note J-C. IENNE.