Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 25 juin 2002

Cassation partielle sans renvoi


Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général près la cour d'appel de Versailles, pris de la violation des articles 111-4, 319 et 221-6 du Code pénal, d'un défaut de base légale :
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour X..., pris de la violation des articles 319 ancien, 111-4 et 221-6 du Code pénal, 1382 du Code civil, 470-1 du Code de procédure pénale, 485 et 593 du même Code, défaut de motifs et manque de base légale :
(…)
Les moyens étant réunis ;
Vu les articles 319 ancien, 221-6 et 111-4 du Code pénal ;
Attendu que le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination d'homicide involontaire s'applique au cas de l'enfant qui n'est pas né vivant ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Z..., dont la grossesse, suivie par X..., était venue à terme le 10 novembre 1991, est entrée en clinique en vue de son accouchement le 17 novembre ; que, placée sous surveillance vers 20 heures 30, elle a signalé une anomalie du rythme cardiaque de l'enfant à la sage-femme, Y..., laquelle a refusé d'appeler le médecin ; qu'un nouveau contrôle pratiqué le lendemain à 7 heures a révélé la même anomalie, puis l'arrêt total des battements du coeur ; que, vers 8 heures, X... a constaté le décès ; qu'il a procédé dans la soirée à l'extraction par césarienne d'un enfant mort-né qui, selon le rapport d'autopsie, ne présentait aucune malformation mais avait souffert d'anoxie ;
Attendu que, pour déclarer Y... coupable d'homicide involontaire et X..., qui a été relaxé par le tribunal correctionnel, responsable des conséquences civiles de ce délit, l'arrêt retient que le décès de l'enfant est la conséquence des imprudences et négligences commises par eux, le médecin en s'abstenant d'intensifier la surveillance de la patiente en raison du dépassement du terme, la sage-femme en omettant de l'avertir d'une anomalie non équivoque de l'enregistrement du rythme cardiaque de l'enfant ;
Que les juges, après avoir relevé que l'enfant mort-né ne présentait aucune lésion organique pouvant expliquer le décès, énoncent " que cet enfant était à terme depuis plusieurs jours et que, si les fautes relevées n'avaient pas été commises, il avait la capacité de survivre par lui-même, disposant d'une humanité distincte de celle de sa mère " ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, dès lors que les faits ne sont susceptibles d'aucune qualification pénale ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 19 janvier 2000, en toutes ses dispositions en ce qui concerne X..., mais en ses seules dispositions pénales en ce qui concerne Y..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Publication :
Bulletin criminel 2002 N° 144 p. 531
Droit pénal, n° 9, septembre 2002, p. 4 9 et 12 13, note D. COMMARET et Michel VERON
JCP G, 2002, II, 10155, note M.-L. RASSAT
Le Dalloz, 2002-11-21, n° 41, Jurisprudence, p. 3099-3102, note Jean PRADEL.