N° de pourvoi : 98-84846
Vu l'article 621 du Code de procédure pénale ;
Vu la requête du procureur général près la Cour de
Cassation, en date du 21 juillet 1998 ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 38, alinéa
3, de la loi du 29 juillet 1881, 6, 7 et 10 de la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la
suite d'un attentat commis à Paris, dans une station du Réseau
Express Régional (RER), le quotidien France-Soir a publié un reportage
sur cet événement comportant la photographie d'une personne blessée,
partiellement dénudée ; que le journal Paris-Match a fait aussi
paraître ce cliché ; que l'enquête diligentée sur
plainte de la victime a révélé que la photographie, prise
à l'insu de l'intéressée, avait été acquise
auprès d'agences de presse ; que le ministère public a fait citer
devant le tribunal correctionnel, pour infraction à l'article 38, alinéa
3, de la loi du 29 juillet 1881, Michel J. et Roger T., directeurs de publication
de France-Soir et Paris-Match, Françoise B., Hubert H., Goksin S., Nicole
B., responsables des agences précitées, comme complices, ainsi
que les sociétés, en qualité de civilement responsables
; que les prévenus ont soutenu que l'article 38, alinéa 3, précité,
alors applicable, qui interdisait la publication de tout ou partie des circonstances
d'un des crimes et délits prévus par les chapitres Ier, II et
VII du titre II, du livre II du Code pénal, était incompatible
avec les articles 6, 7 et 10 de la Convention européenne des droits de
l'homme ;
Attendu que, pour accueillir ce moyen de défense, la cour d'appel énonce
que "la possibilité pour chacun d'apprécier par avance la
légalité de son comportement touchant, comme en l'espèce,
à l'exercice de libertés essentielles, implique une formulation
particulièrement rigoureuse des incriminations et ne saurait résulter
que de définitions légales claires et précises" ;
qu'elle relève que le texte de l'article 38, alinéa 3, comporte
une formule évasive et ambiguë en ce qu'il s'agit de la reproduction
de tout ou partie des circonstances d'un des crimes et délits visés
; que l'expression "circonstances", foncièrement imprécise,
est d'interprétation malaisée ; qu'elle ajoute que, trop générale,
cette formulation introduit une vaste marge d'appréciation subjective
dans la définition de l'élément légal de l'infraction
et ne permet pas à celui qui envisage de procéder à la
publication d'être certain qu'elle n'entre pas dans le champ d'application
de l'interdit ; qu'elle retient enfin que cette ambiguïté rend aléatoire
l'interprétation du texte qui serait faite par le juge selon les cas
d'espèce et que la rédaction de l'article 38, alinéa 3,
n'offre pas de garanties réelles quant à la prévisibilité
des poursuites ; que les juges en déduisent que ce texte est incompatible
avec les articles 6, 7 et 10 de la Convention précitée ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel a justifié sa décision
;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi