Conseil constitutionnel vendredi 16 septembre 2011
- Décision N° 2011-163 QPC
Journal officiel du 17 septembre 2011, p. 15600
Le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 juin 2011 par la Cour
de cassation (chambre criminelle, arrêt n° 4006 du 22 juin 2011), dans
les conditions prévues à l'article 61-1 de la Constitution, d'une
question prioritaire de constitutionnalité posée par M. Claude N.,
relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution
garantit de l'article 222-31-1 du code pénal.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi
organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code pénal ;
Vu le règlement du 4 février 2010 sur la procédure suivie
devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité
;
…
1. Considérant qu'aux termes de l'article 222-31-1 du code pénal
: « Les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux
lorsqu'ils sont commis au sein de la famille sur la personne d'un mineur par un
ascendant, un frère, une soeur ou par toute autre personne, y compris s'il
s'agit d'un concubin d'un membre de la famille, ayant sur la victime une autorité
de droit ou de fait » ;
2. Considérant que, selon le requérant, en ne définissant
pas les liens familiaux qui conduisent à ce que des viols et agressions
sexuels soient qualifiés d'incestueux, ces dispositions portent atteinte
au principe de légalité des délits et des peines ; qu'elles
porteraient également atteinte au principe de non-rétroactivité
de la loi pénale plus sévère ;
3. Considérant que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution,
ainsi que du principe de légalité des délits et des peines
qui résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen de 1789, l'obligation de fixer lui-même le champ d'application
de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes
suffisamment clairs et précis ;
4. Considérant que, s'il était loisible au législateur d'instituer
une qualification pénale particulière pour désigner les agissements
sexuels incestueux , il ne pouvait, sans méconnaître le principe
de légalité des délits et des peines, s'abstenir de désigner
précisément les personnes qui doivent être regardées,
au sens de cette qualification, comme membres de la famille ; que, par suite,
sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre grief, la disposition contestée
doit être déclarée contraire à la Constitution ;
5. Considérant qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article
62 de la Constitution : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle
sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication
de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure
fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine
les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits
sont susceptibles d'être remis en cause » ; que, si, en principe,
la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier
à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la
disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut
être appliquée dans les instances en cours à la date de la
publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions
de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir
tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que
de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits
avant l'intervention de cette déclaration ;
6. Considérant que l'abrogation de l'article 222-31-1 du code pénal
prend effet à compter de la publication de la présente décision
; qu'à compter de cette date, aucune condamnation ne peut retenir la qualification
de crime ou de délit « incestueux » prévue par cet article
; que, lorsque l'affaire a été définitivement jugée
à cette date, la mention de cette qualification ne peut plus figurer au
casier judiciaire,
DÉCIDE :
Article 1er.- L'article 222-31-1 du code pénal est contraire à
la Constitution.
Article 2.- La déclaration d'inconstitutionnalité de l'article
1er prend effet à compter de la publication de la présente décision
dans les conditions fixées au considérant 6.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal
officiel de la République française et notifiée dans les
conditions prévues à l'article 23-11 de l'ordonnance du 7 novembre
1958 susvisée.
AJ Pénal 2011 p. 588