1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental ; qu'ils contestent notamment la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 3 et 13 ; que les députés critiquent en outre les dispositions de son article 12, et les sénateurs celles de son article 4 ;
- SUR LA RÉTENTION DE SÛRETÉ
ET LA SURVEILLANCE DE SÛRETÉ :
2. Considérant que le I de l'article 1er de la loi déférée
insère, dans le titre XIX du livre IV du code de procédure pénale
intitulé : « De la procédure applicable aux infractions
de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes », un chapitre
III intitulé : « De la rétention de sûreté
et de la surveillance de sûreté » composé des articles
706-53-13 à 706-53-21 du code de procédure pénale ; que
ces articles prévoient les conditions dans lesquelles une personne peut
être placée en rétention de sûreté ou en surveillance
de sûreté après l'exécution d'une peine de réclusion
criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze
ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre, de torture ou actes de barbarie,
de viol, d'enlèvement ou de séquestration commis soit sur une
victime mineure, soit sur une victime majeure à condition, dans ce dernier
cas, que le crime ait été commis avec certaines circonstances
aggravantes ;
3. Considérant qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article
706-53-13 du code de procédure pénale : « La rétention
de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée
en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel
il lui est proposé, de façon permanente, une prise en charge médicale,
sociale et psychologique destinée à permettre la fin de cette
mesure » ; qu'elle ne peut être prononcée que si la cour
d'assises qui a condamné l'intéressé pour l'un des crimes
précités a expressément prévu le réexamen
de sa situation à la fin de sa peine en vue d'une éventuelle rétention
de sûreté, que si cette personne présente « une particulière
dangerosité caractérisée par une probabilité très
élevée de récidive parce qu'elle souffre d'un trouble grave
de la personnalité » et, enfin, que si aucun autre dispositif de
prévention n'apparaît suffisant pour prévenir la récidive
des crimes précités ; qu'aux termes de l'article 706-53-14 : «
La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est
examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération,
par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue
par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité. - A cette
fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée
d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé
de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation
pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale
réalisée par deux experts » ; que cette commission ne peut
proposer la rétention de sûreté, par un avis motivé,
que si elle estime que ces conditions sont remplies ;
4. Considérant qu'en vertu des articles 723-37, 723-38 et 763-8 du code
de procédure pénale, tels que résultant de la loi déférée,
le placement d'une personne en surveillance de sûreté consiste
à prolonger, au-delà du terme fixé pour une mesure de surveillance
judiciaire ou un suivi socio-judiciaire, tout ou partie des obligations auxquelles
cette personne est astreinte au titre de l'une ou l'autre de ces mesures, notamment
le placement sous surveillance électronique mobile ; qu'aux termes de
l'article 723-37 du code de procédure pénale, cette mesure ne
peut être prononcée qu'après expertise médicale constatant
la persistance de la dangerosité et dans le cas où « les
obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national
automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent
insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés
à l'article 706-53-13 » et si elle « constitue l'unique moyen
de prévenir la commission, dont la probabilité est élevée,
de ces infractions » ; qu'en vertu de l'article 706-53-19 du même
code, la surveillance de sûreté peut également être
ordonnée si la rétention de sûreté n'est pas prolongée
ou s'il y est mis fin alors que la personne présente des risques de commettre
les infractions mentionnées à l'article 706-53-13 ;
5. Considérant que le I de l'article 13 de la loi déférée
organise les conditions dans lesquelles certaines personnes exécutant,
à la date du 1er septembre 2008, une peine de réclusion criminelle
peuvent, d'une part, être soumises, dans le cadre d'une surveillance judiciaire,
d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance de sûreté, à
une obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement
sous surveillance électronique mobile et, d'autre part, peuvent, à
titre exceptionnel, être placées en rétention de sûreté
; que son II prévoit que la surveillance de sûreté et la
rétention de sûreté sont applicables aux personnes condamnées
après la publication de la loi pour des faits commis antérieurement
; que son III rend immédiatement applicables, après la publication
de la loi, les dispositions relatives à la surveillance de sûreté
et autorise, en cas de méconnaissance des obligations qui en résultent,
un placement en rétention de sûreté ;
6. Considérant que, selon les requérants, dès lors qu'elle
est ordonnée par une juridiction à l'issue d'une procédure
pénale, afin de prolonger, au delà de l'exécution de la
peine initialement prononcée, la privation de liberté de personnes
ayant commis des crimes particulièrement graves, la rétention
de sûreté constitue un complément de peine revêtant
le caractère d'une sanction punitive ; qu'elle méconnaîtrait
l'ensemble des principes constitutionnels résultant des articles 8 et
9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'elle
porterait atteinte au principe de légalité des délits et
des peines, dès lors qu'elle « ne vient sanctionner aucune infraction
clairement déterminée » et qu'elle n'est elle-même
pas limitée dans le temps ; que, dans la mesure où « il
existe des alternatives comme le suivi socio-judiciaire institué par
la loi du 17 juin 1998 ou celui de la surveillance judiciaire institué
par la loi du 12 décembre 2005 », la rétention de sûreté
violerait le principe de nécessité des peines ; que la privation
de liberté imposée à une personne qui a déjà
exécuté sa peine, à raison de faits de récidive
qu'elle pourrait éventuellement commettre, violerait à la fois
le droit à la présomption d'innocence, l'autorité de la
chose jugée et le principe non bis in idem ; que cet enfermement «
sans aucun terme prévisible », qui peut être renouvelé
indéfiniment en fonction d'une probabilité de récidive,
serait manifestement disproportionné ; que l'évaluation de la
dangerosité présenterait trop d'incertitudes et d'imprécisions
pour justifier une grave privation de liberté ; que la rétention
constituerait en définitive une détention arbitraire prohibée
par l'article 66 de la Constitution et une atteinte à la protection de
la dignité de la personne humaine ; qu'enfin, son application aux personnes
condamnées pour des faits commis antérieurement à la promulgation
de la loi porterait atteinte au principe de non rétroactivité
de la loi pénale plus sévère ;
7. Considérant que les députés requérants soutiennent,
en outre, que, même si la rétention de sûreté devait
être considérée comme une mesure non punitive, elle contreviendrait
aux articles 4 et 9 de la Déclaration de 1789 qui prohibe la rigueur
non nécessaire en matière de restrictions apportées à
la liberté individuelle, à la liberté personnelle ou au
respect de la vie privée ; que le principe du respect de la présomption
d'innocence interdirait qu'une personne puisse être privée de sa
liberté en l'absence de culpabilité établie, quelles que
soient les garanties procédurales entourant la mise en œuvre de
ce dispositif ;
. En ce qui concerne les griefs tirés
de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration de 1789
:
8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la Déclaration
de 1789 : « La loi ne doit établir que des peines strictement et
évidemment nécessaires et nul ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit
et légalement appliquée » ; qu'il s'ensuit que ces
principes ne s'appliquent qu'aux peines et aux sanctions ayant le caractère
d'une punition ;
9. Considérant que, si, pour les personnes condamnées après
l'entrée en vigueur de la loi, la rétention de sûreté
ne peut être ordonnée que si la cour d'assises a expressément
prévu, dans sa décision de condamnation, le réexamen, à
la fin de sa peine, de la situation de la personne condamnée en vue de
l'éventualité d'une telle mesure, la décision de la cour
ne consiste pas à prononcer cette mesure, mais à la rendre possible
dans le cas où, à l'issue de la peine, les autres conditions seraient
réunies ; que la rétention n'est pas décidée par
la cour d'assises lors du prononcé de la peine mais, à l'expiration
de celle-ci, par la juridiction régionale de la rétention de sûreté
; qu'elle repose non sur la culpabilité de la personne condamnée
par la cour d'assises, mais sur sa particulière dangerosité
appréciée par la juridiction régionale à la date
de sa décision ; qu'elle n'est mise en œuvre qu'après l'accomplissement
de la peine par le condamné ; qu'elle a pour but d'empêcher et
de prévenir la récidive par des personnes souffrant d'un trouble
grave de la personnalité ; qu'ainsi, la rétention de sûreté
n'est ni une peine, ni une sanction ayant le caractère d'une punition
; que la surveillance de sûreté ne l'est pas davantage ; que, dès
lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l'article 8 de
la Déclaration de 1789 sont inopérants ;
10. Considérant, toutefois, que la rétention de sûreté,
eu égard à sa nature privative de liberté, à
la durée de cette privation, à son caractère renouvelable
sans limite et au fait qu'elle est prononcée après une condamnation
par une juridiction, ne saurait être appliquée à des personnes
condamnées avant la publication de la loi ou faisant l'objet d'une condamnation
postérieure à cette date pour des faits commis antérieurement
; que, dès lors, doivent être déclarés contraires
à la Constitution les alinéas 2 à 7 du I de l'article 13
de la loi déférée, son II et, par voie de conséquence,
son IV ;
. En ce qui concerne le grief tiré de
l'atteinte aux articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution
:
11. Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la Déclaration
de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à
ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé
indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire
pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée
par la loi » ; que l'article 66 de la Constitution dispose que : «
Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire,
gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe
dans les conditions prévues par la loi » ;
12. Considérant que la rétention de sûreté et la
surveillance de sûreté ne sont pas des mesures répressives
; que, dès lors, le grief tiré de la violation de la présomption
d'innocence est inopérant ;
13. Considérant que la rétention de sûreté et la
surveillance de sûreté doivent respecter le principe, résultant
des articles 9 de la Déclaration de 1789 et 66 de la Constitution, selon
lequel la liberté individuelle ne saurait être entravée
par une rigueur qui ne soit nécessaire ; qu'il incombe en effet au législateur
d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes
à l'ordre public nécessaire à la sauvegarde de droits et
principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des libertés
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la liberté
d'aller et venir et le respect de la vie privée, protégés
par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que la liberté
individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection à
l'autorité judiciaire ; que les atteintes portées à l'exercice
de ces libertés doivent être adaptées, nécessaires
et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi
;
- Quant à l'adéquation :
14. Considérant qu'en vertu du quatrième alinéa de l'article
706-53-13 du code de procédure pénale, le placement de la personne
en centre socio-médico-judiciaire de sûreté est destiné
à permettre, au moyen d'une prise en charge médicale, sociale
et psychologique qui lui est proposée de façon permanente, la
fin de cette mesure ; qu'en effet, la rétention de sûreté
est réservée aux personnes qui présentent une particulière
dangerosité caractérisée par une probabilité très
élevée de récidive parce qu'elles souffrent d'un trouble
grave de la personnalité ; qu'eu égard à la privation totale
de liberté qui résulte de la rétention, la définition
du champ d'application de cette mesure doit être en adéquation
avec l'existence d'un tel trouble de la personnalité ;
15. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 706-53-13
du code de procédure pénale, ne peuvent faire l'objet d'une mesure
de rétention de sûreté que les personnes qui ont été
« condamnées à une peine de réclusion criminelle
d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour
les crimes, commis sur une victime mineure, d'assassinat ou de meurtre, de torture
ou actes de barbarie, de viol, d'enlèvement ou de séquestration
» ; que cet article ajoute qu'il « en est de même pour les
crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé,
de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement
ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2,
221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2,
224-3 et 224-5-2 du code pénal » ; qu'eu égard à
l'extrême gravité des crimes visés et à l'importance
de la peine prononcée par la cour d'assises, le champ d'application de
la rétention de sûreté apparaît en adéquation
avec sa finalité ;
16. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes des deux premiers
alinéas de l'article 706-53-14 du code de procédure pénale
: « La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13
est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération,
par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue
par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité. ° A
cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée
d'au moins six semaines, dans un service spécialisé chargé
de l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation
pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale
réalisée par deux experts » ; que ces dispositions constituent
des garanties adaptées pour réserver la rétention de sûreté
aux seules personnes particulièrement dangereuses parce qu'elles souffrent
d'un trouble grave de la personnalité ;
- Quant à la nécessité
:
17. Considérant, en premier lieu, qu'eu égard à la gravité
de l'atteinte qu'elle porte à la liberté individuelle, la rétention
de sûreté ne saurait constituer une mesure nécessaire que
si aucune mesure moins attentatoire à cette liberté ne peut suffisamment
prévenir la commission d'actes portant gravement atteinte à l'intégrité
des personnes ;
18.Considérant qu'en application des articles 706-53-13 et 706-53-14
du code de procédure pénale, la rétention de sûreté
ne peut être décidée qu'« à titre exceptionnel
» à l'égard d'une personne condamnée à une
longue peine pour des faits d'une particulière gravité et si la
cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de
condamnation qu'elle pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen
de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté
; que la dangerosité de cette personne est appréciée à
l'expiration de la peine, au moyen d'une évaluation pluridisciplinaire
de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée
par deux experts ; qu'en vertu de l'article 706-53-14 du code de procédure
pénale, cette mesure ne peut être ordonnée que si la commission
pluridisciplinaire des mesures de sûreté, qui propose celle-ci,
et la juridiction régionale de la rétention de sûreté,
qui en décide, estiment que « les obligations résultant
de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs
d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant
d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique
mobile, susceptibles d'être prononcées dans le cadre d'un suivi
socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes
pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article
706-53-13 » et que « cette rétention constitue ainsi l'unique
moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très
élevée, de ces infractions » ; que ces dispositions garantissent
que la juridiction régionale de la rétention de sûreté
ne pourra ordonner une mesure de rétention de sûreté qu'en
cas de stricte nécessité ;
19.Considérant, en deuxième lieu, que le maintien d'une personne
condamnée, au-delà du temps d'expiration de sa peine, dans un
centre socio-médico-judiciaire de sûreté afin qu'elle bénéficie
d'une prise en charge médicale, sociale et psychologique doit être
d'une rigueur nécessaire ; qu'il en est ainsi lorsque ce condamné
a pu, pendant l'exécution de sa peine, bénéficier de soins
ou d'une prise en charge destinés à atténuer sa dangerosité
mais que ceux-ci n'ont pu produire des résultats suffisants, en raison
soit de l'état de l'intéressé soit de son refus de se soigner
;
20. Considérant que le III de l'article 1er de la loi déférée
insère dans le code de procédure pénale un article 717-1
A qui prévoit que, dans l'année qui suit sa condamnation définitive,
la personne condamnée dans les conditions précitées est
placée, pour une durée d'au moins six semaines, dans un service
spécialisé permettant de déterminer les modalités
de la prise en charge sociale et sanitaire et de définir un « parcours
d'exécution de la peine individualisé » incluant, si nécessaire,
des soins psychiatriques ; que le V de ce même article complète
l'article 717-1 du même code, par un alinéa aux termes duquel :
« Deux ans avant la date prévue pour la libération d'un
condamné susceptible de relever des dispositions de l'article 706-53-13,
celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines auprès
duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique
adapté qui a pu lui être proposé en application des deuxième
et troisième alinéas du présent article. Au vu de ce bilan,
le juge de l'application des peines lui propose, le cas échéant,
de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé
» ; qu'aux termes de l'article 706-53-14 : « La situation des personnes
mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins
un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission
pluridisciplinaire des mesures de sûreté... - À cette fin,
la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au
moins six semaines, dans un service spécialisé chargé de
l'observation des personnes détenues aux fins d'une évaluation
pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale
réalisée par deux experts » ;
21. Considérant que le respect de ces dispositions garantit que la rétention
de sûreté n'a pu être évitée par des soins
et une prise en charge pendant l'exécution de la peine ; qu'il appartiendra,
dès lors, à la juridiction régionale de la rétention
de sûreté de vérifier que la personne condamnée a
effectivement été mise en mesure de bénéficier,
pendant l'exécution de sa peine, de la prise en charge et des soins adaptés
au trouble de la personnalité dont elle souffre ; que, sous cette réserve,
la rétention de sûreté applicable aux personnes condamnées
postérieurement à la publication de la loi déférée
est nécessaire au but poursuivi ;
- Quant à la proportionnalité
:
22. Considérant que la rétention de sûreté ne peut
être prononcée que sur avis favorable de la commission pluridisciplinaire
des mesures de sûreté, par une juridiction composée de trois
magistrats de la cour d'appel ; qu'elle est décidée après
un débat contradictoire et, si le condamné le demande, public
; que le condamné est assisté d'un avocat choisi par lui ou, à
défaut, commis d'office ; que, passé un délai de trois
mois après que la décision de rétention de sûreté
est devenue définitive, la personne placée en rétention
de sûreté peut demander qu'il soit mis fin à cette mesure
; qu'en outre, il y est mis fin d'office si la juridiction régionale
de la rétention de sûreté n'a pas statué sur la demande
dans un délai de trois mois ; que les décisions de cette juridiction
peuvent être contestées devant la Juridiction nationale de la rétention
de sûreté dont les décisions peuvent faire l'objet d'un
pourvoi en cassation ; qu'enfin, aux termes de l'article 706-53-18 du code de
procédure pénale : « La juridiction régionale de
la rétention de sûreté ordonne d'office qu'il soit immédiatement
mis fin à la rétention de sûreté dès lors
que les conditions prévues... ne sont plus remplies » ; qu'il ressort
de ces dispositions que l'autorité judiciaire conserve la possibilité
d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention,
de sa propre initiative ou à la demande de la personne retenue, lorsque
les circonstances de droit ou de fait le justifient ; que, dès lors,
le législateur a assorti la procédure de placement en rétention
de sûreté de garanties propres à assurer la conciliation
qui lui incombe entre, d'une part, la liberté individuelle dont l'article
66 de la Constitution confie la protection à l'autorité judiciaire
et, d'autre part, l'objectif de prévention de la récidive poursuivi
;
23. Considérant qu'en application de l'article 706-53-16 du code de procédure
pénale, la décision de rétention de sûreté
est valable pour une durée d'un an mais peut être renouvelée,
après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures
de sûreté, selon les modalités prévues par l'article
706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions
fixées par l'article 706-53-14 sont remplies ; qu'en vertu de l'avant-dernier
alinéa de l'article 723-37 du code de procédure pénale,
le placement en surveillance de sûreté peut également être
renouvelé pour une même durée ; que le nombre de renouvellements
n'est pas limité ; qu'il ressort de ces dispositions que le renouvellement
de la mesure ne pourra être décidé que si, à la date
du renouvellement, et au vu, selon le cas, de l'évaluation pluridisciplinaire
ou de l'expertise médicale réalisée en vue d'une éventuelle
prolongation de la mesure, celle-ci constitue l'unique moyen de prévenir
la commission des crimes visés à l'article 706-53-13 du code de
procédure pénale ; qu'ainsi, afin que la mesure conserve son caractère
strictement nécessaire, le législateur a entendu qu'il soit régulièrement
tenu compte de l'évolution de la personne et du fait qu'elle se soumet
durablement aux soins qui lui sont proposés ; que, dès lors, le
grief tiré de ce que le renouvellement de la mesure sans limitation de
durée est disproportionné doit être écarté
;
- SUR L'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE
POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL :
24. Considérant que l'article 3 de la loi déférée
insère, dans le code de procédure pénale, un titre XXVIII
intitulé : « De la procédure pénale et des décisions
d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental »
composé des articles 706-119 à 706-140 du code de procédure
pénale ; que ces articles sont répartis dans trois chapitres,
le premier étant relatif aux dispositions applicables devant le juge
d'instruction et la chambre de l'instruction, le deuxième aux dispositions
applicables devant le tribunal correctionnel ou la cour d'assises, le troisième
aux mesures de sûreté pouvant être ordonnées en cas
de déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de
trouble mental ; que l'article 4 coordonne plusieurs dispositions du code de
procédure pénale avec la création de la déclaration
d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental ;
. En ce qui concerne l'article 3 :
25. Considérant que les requérants font grief aux dispositions
prévues par l'article 3 de méconnaître les droits de la
défense ainsi que le droit à un procès équitable
; qu'ils critiquent, à cet égard, le fait que la chambre de l'instruction,
lorsqu'elle est saisie, puisse déclarer à la fois qu'il existe
des charges suffisantes contre une personne d'avoir commis les faits qui lui
sont reprochés et qu'elle est irresponsable pénalement ; qu'ils
dénoncent dans cette procédure une confusion des fonctions d'instruction
et de jugement portant atteinte à la présomption d'innocence de
la personne concernée ; qu'il en résulterait corrélativement,
selon eux, une atteinte aux droits de la défense des éventuels
coauteurs et, notamment, au respect de leur présomption d'innocence ;
qu'ils dénoncent, enfin, comme étant contraire au principe de
nécessité des délits et des peines, la création
d'une infraction réprimant la méconnaissance d'une mesure de sûreté
par une personne déclarée pénalement irresponsable ;
26. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'article 706-125
du code de procédure pénale que, lorsque, à l'issue de
l'audience sur l'irresponsabilité pénale pour cause de trouble
mental, la chambre de l'instruction estime que les charges sont suffisantes
contre la personne mise en examen et que cette dernière relève
de l'article 122-1 du code pénal, cette chambre n'est compétente
ni pour déclarer que cette personne a commis les faits qui lui sont reprochés
ni pour se prononcer sur sa responsabilité civile ; que, dès lors,
les griefs invoqués manquent en fait ;
27. Considérant, d'autre part, que les dispositions de l'article 706-139
du code de procédure pénale, qui répriment la méconnaissance
des mesures de sûreté ordonnées à l'encontre d'une
personne déclarée pénalement irresponsable, ne dérogent
pas aux dispositions de l'article 122-1 du code pénal en vertu desquelles
l'irresponsabilité pénale d'une personne à raison de son
état mental ou psychique s'apprécie au moment des faits ; que,
dès lors, le délit prévu par l'article 706-139 n'aura vocation
à s'appliquer qu'à l'égard de personnes qui, au moment
où elles ont méconnu les obligations résultant d'une mesure
de sûreté, étaient pénalement responsables de leurs
actes ; que, dès lors, le grief tiré de l'atteinte au principe
de nécessité des délits et des peines doit être écarté
;
. En ce qui concerne l'article 4 :
28. Considérant que le VIII de l'article 4 de la loi déférée,
qui complète l'article 768 du code de procédure pénale,
prévoit l'inscription au casier judiciaire national automatisé
des décisions d'irresponsabilité pénale prononcées
pour cause de trouble mental ; que son X, qui complète l'article 775
du même code, prévoit que ces décisions ne figurent pas
au bulletin n° 2 du casier judiciaire, sauf si ont été prononcées
des mesures de sûreté prévues par le nouvel article 706-136
et tant que ces interdictions n'ont pas cessé leurs effets ;
29. Considérant que, selon les requérants, les dispositions précitées,
qui contreviendraient aux principes de nécessité et de proportionnalité
énoncés par la loi du 6 janvier 1978 susvisée, porteraient
atteinte aux garanties légales du droit au respect de la vie privée
;
30. Considérant qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation
entre le respect de la vie privée et d'autres exigences constitutionnelles
liées notamment à la sauvegarde de l'ordre public ;
31. Considérant que la décision de déclaration d'irresponsabilité
pénale pour cause de trouble mental ne revêt pas le caractère
d'une sanction ; que, lorsque aucune mesure de sûreté prévue
par l'article 706-136 du code de procédure pénale n'a été
prononcée, cette information ne peut être légalement nécessaire
à l'appréciation de la responsabilité pénale de
la personne éventuellement poursuivie à l'occasion de procédures
ultérieures ; que, dès lors, eu égard aux finalités
du casier judiciaire, elle ne saurait, sans porter une atteinte non nécessaire
à la protection de la vie privée qu'implique l'article 2 de la
Déclaration de 1789, être mentionnée au bulletin n°
1 du casier judiciaire que lorsque des mesures de sûreté prévues
par le nouvel article 706-136 du code de procédure pénale ont
été prononcées et tant que ces interdictions n'ont pas
cessé leurs effets ; que, sous cette réserve, ces dispositions
ne sont pas contraires à la Constitution ;
- SUR LA LIBÉRATION CONDITIONNELLE DES
PERSONNES CONDAMNÉES À LA RÉCLUSION CRIMINELLE À
PERPÉTUITÉ :
32. Considérant que l'article 12 de la loi déférée
complète l'article 729 du code de procédure pénale par
un alinéa qui dispose que : « La personne condamnée à
la réclusion criminelle à perpétuité ne peut bénéficier
d'une libération conditionnelle qu'après avis favorable de la
commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté dans les conditions
prévues par le deuxième alinéa de l'article 706-53-14 »
; que, selon les députés requérants, cette disposition
porte atteinte au principe constitutionnel d'indépendance des juridictions
;
33. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : «
Nul ne peut être arbitrairement détenu. ° L'autorité
judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de
ce principe dans les conditions prévues par la loi » ; que l'article
16 de la Déclaration de 1789 et l'article 64 de la Constitution garantissent
l'indépendance des juridictions ainsi que le caractère spécifique
de leurs fonctions, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur,
ni le Gouvernement, non plus qu'aucune autorité administrative ;
34. Considérant qu'en subordonnant à l'avis favorable d'une commission
administrative le pouvoir du tribunal de l'application des peines d'accorder
la libération conditionnelle, le législateur a méconnu
tant le principe de la séparation des pouvoirs que celui de l'indépendance
de l'autorité judiciaire ; qu'il s'ensuit qu'il y a lieu de déclarer
contraire à la Constitution le mot : « favorable » à
l'article 12 de la loi déférée ;
35. Considérant qu'il n'y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de
soulever d'office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article premier.- Sont déclarées contraires à la Constitution
les dispositions suivantes de la loi relative à la rétention de
sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité
pour cause de trouble mental :
- à l'article 12, le mot : « favorable » ;
- à l'article 13, les alinéas 2 à 7 du I, le II et, par
voie de conséquence, le IV.
Article 2.- Sous les réserves énoncées aux considérants
21 et 31, les articles 1er, 3 et 4 et le surplus des articles 12 et 13 de la
loi relative à la rétention de sûreté et à
la déclaration d'irresponsabilité pour cause de trouble mental
sont déclarés conformes à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal
officiel de la République française.
Journal officiel du 26 février 2008, p. 3272 (@ 2)
Recueil, p. 89