Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 19 juin 1990 Rejet et cassation
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles
311, 328 et 329 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale : (…)
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 328 du Code pénal il n'y a ni crime
ni délit lorsque l'homicide ou les blessures et les coups étaient
commandés par la nécessité actuelle de la légitime
défense de soi-même ou d'autrui ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt du 19 décembre 1989 que, le 12 juin
1985, Louis M. se serait rendu, à la demande de Robert S., au domicile
de celui-ci ; que S., après avoir accueilli son visiteur, se serait
absenté un instant puis serait revenu, muni d'un fusil de chasse, et aurait
alors annoncé à son interlocuteur qu'il allait le tuer ; que M.
aurait empoigné le canon de l'arme qu'il aurait dirigé vers le sol
; qu'un coup de feu le blessant au pied serait alors parti ; qu'au cours de la
lutte entre les deux hommes un autre coup de feu sans conséquence aurait
encore été tiré ; que S., désarmé par l'inculpé
qui lui aurait assené un coup de crosse, aurait ensuite sorti un revolver
; que M., après avoir abandonné le fusil enlevé à
son adversaire se serait emparé dudit revolver et aurait tiré plusieurs
fois sur S. qui fut grièvement atteint et devait décéder
des suites de ses blessures ;
Attendu que, pour écarter l'exception de légitime défense
invoquée par M., la chambre d'accusation, se fondant sur les constatations
faites lors de l'enquête et de l'information ainsi que sur les conclusions
des expertises, relève que sur trois coups de feu tirés avec le
revolver, si le premier a pu partir au cours du corps à corps entre les
deux hommes, les deux autres auraient été tirés par M.
contre un adversaire blessé, affaibli et désarmé qui n'était
plus en état de donner la mort ; que les juges considèrent que la
blessure subie par l'inculpé était moindre que celle de S. et
que M. n'était pas, " malgré la rapidité du déroulement
des faits dans la nécessité de tirer un deuxième puis un
troisième coup, dont les conséquences mortelles étaient d'autant
plus aisément prévisibles qu'ils étaient tirés à
courte distance et en direction d'organes vitaux " ;
Que les juges concluent " qu'il n'est pas établi que la vie de M.
se soit trouvée à ce moment menacée d'un danger réel
et imminent qui l'aurait contraint à faire feu pour sauvegarder sa propre
existence " ;
Mais attendu qu'en subordonnant ainsi l'application de l'article 328 précité
à la circonstance que l'auteur des faits se soit trouvé en péril
de mort les juges ont ajouté à la loi une condition que celle-ci
ne formule pas ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE
Publication : Bulletin criminel 1990 N° 250 p. 640