Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 20 octobre 1993 Rejet
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 1382 du Code
civil, 328 et 329 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale,
défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué, statuant sur les
intérêts civils de Me X., l'a débouté de sa demande
indemnitaire en raison du caractère légitime qu'aurait revêtu
les agissements de Lydie T. ;
"aux motifs que Lydie B., épouse T., expliquait que l'un
des individus accompagnant Me X., bloquait la porte à l'aide de son
pied, alors qu'elle tentait de sortir, après avoir expliqué que
son fils était absent ; qu'elle précisait que Me X. s'était
installé dans son magasin, avec l'intention démontrée de
n'en sortir qu'après avoir obtenu les renseignements souhaités et
ce, alors qu'un de ces accompagnateurs avait pris les clés dudit magasin
; qu'elle déclarait que se sentant agressée et séquestrée,
elle avait utilisée une bombe lacrymogène pour faire sortir la partie
civile ; que c'est à juste titre que Lydie B., épouse T.,
a pu s'estimer séquestrée par me Etienne X. et ses accompagnateurs,
dès lors que ceux-ci opéraient une pression indiscutable sur elle,
l'empêchant de quitter les lieux, après lui avoir subtilisé
ses clés ; qu'ainsi en cherchant à se libérer de cette situation
par un actede défense, en l'occurrence en aspergeant Me Etienne X.
au moyen d'une bombe lacrymogène, Lydie B., épouse T. a
eu un comportement mesuré et proportionné à l'agression dont
elle était l'objet ;
"alors d'une part, que Lydie T. n'ayant nullement invoqué, pour
s'exonérer de sa responsabilité, le fait justificatif de légitime
défense, la Cour ne pouvait relever d'office ce moyen d'intérêt
privé et déclarer que cette dernière n'avait commis aucune
faute de nature à entraîner une quelconque réparation sans
excéder les termes du litige et violer les textes visés au moyen
;
"alors, d'autre part, que le fait justificatif de légitime défense
ne peut être invoqué par une personne qui a porté des coups
ou exercé des violences sur un officier ministériel agissant dans
l'exercice de ses onctions et pour un motif légitime ; qu'au casd'espèce
Me X., porteur d'une ordonnance rendue par le président du tribunal
de commerce de Vervins en date du 10 juillet 1989 l'autorisant à appréhender
un véhicule qui était en la possession du petit fils de Lydie T.,
s'est rendu dans le magasin exploité par celle-ci afin d'obtenir les renseignements
indispensables à l'exécution de cette décision judiciaire
; que dès lors, la Cour ne pouvait pas, sans violer les textes visés
au moyen, considérer que les faits invoqués par Lydie T. à
l'encontre de cet officier ministériel étaient de nature à
justifier son propre comportement ;
"alors, enfin, que l'exception de légitime défense nécessite
une proportion entre défense et attaque ; qu'en l'espèce, la cour
d'appel, après avoir retenu que Me X. se serait installé dans
le magasin de Lydie T. avec l'intention démontrée de n'en sortir
qu'après avoir obtenu les renseignements souhaités, et partant avait
un comportement purement passif ne mettant nullement en péril Mme T.,
a constaté que celle-ci avait aspergé me X. au moyen d'une
bombe de gaz lacrymogène pour le contraindre àquitter son établissement
; qu'ainsi la défense était manifestement disproportionnée
à la prétendue agression dont Lydie T. faisait l'objet ; qu'en
décidant le contraire et en accordant à cette dernière le
bénéfice du fait justificatif de légitime défense,
la Cour a violé les textes susvisés" ;
Attendu que pour déclarer que Lydie B. n'a commis aucune faute de nature
à entraîner une quelconque réparation à l'égard
de Me X. huissier de justice, la cour d'appel par motifs propres et adoptés,
après avoir rappelé que ce dernier et ses accompagnateurs sont entrés
dans le magasin de cette dernière à son insu, par une porte non
accessible au public à l'effet d'obtenir auprès de son petit-fils
des renseignements concernant un tiers détenteur d'un véhicule à
saisir en vertu d'une décision de justice, énonce que c'est à
juste raison qu'elle a pu s'estimer séquestrée par eux dès
lors qu'ils opéraient une pression indiscutable sur elle, l'empêchant
de sortir des lieux après lui avoir subtilisé ses clés et
qu'en cherchant à se libérer par un acte de défense, à
savoir l'utilisation d'une bombe lacrymogène contre Me X., elle a
eu un comportement mesuré et proportionné à l'agression dont
elle était l'objet ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui relèvent
de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a, par des motifs
exempts d'insuffisance, ou de contradiction et sans excès de pouvoir, donné
une base légale à sa décision ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Publication : N° de pourvoi : 92-85736
Inédit
Droit pénal 1994, comm 34