25 avril 2009 : un étudiant me pose la question suivante :

Je me demande si la légitime défense est appréciée plus strictement pour les pratiquants d'arts martiaux.

 

Réponse :

Monsieur,

Merci de me rappeler votre question, très intéressante.

Dans la jp de la cour de cassation, il n'y a pas grand chose.
En 2001 : une personne qui se rebelle contre un policier en usant du karaté : ce n'est pas de la légitime défense, mais cette réponse n'est pas lié à l'art martial : voici l'extrait.

> après avoir garé sa voiture en stationnement gênant, le prévenu a refusé de montrer les documents administratifs requis à l'agent verbalisateur ; qu'il reconnaît s'être enfermé "à clef" dans son véhicule et soutient avoir reçu des coups de la part du policier verbalisateur lorsqu'il en est descendu ; qu'hormis quelques petites contradictions dont la défense s'empare mais qui peuvent s'expliquer par la confusion qui a pu régner lors de l'interpellation et de l'arrivée des renforts, il est établi que le prévenu s'est rebellé face aux forces de l'ordre à l'encontre desquelles il n'est pas établi un dépassement de l'énergie nécessaire, voir des violences, Hassan M. ne souffrant que d'une légère entorse au pouce ; que Hassan M. reconnaît avoir dit au policier, M. X... qu'il lui casserait la gueule s'il recommençait à "le frapper" et "si je te retrouve dans la rue, je te choperai, je te tue" ;
>
> qu'on relève encore dans les propres déclarations du prévenu "les coups que je t'ai donnés c'était de la légitime défense..., je suis ceinture noire de karaté..., il n y a pas de marque sur ma vitre de voiture, là où le policier a tapé..., je n'ai donné qu'un seul coup de pied au policier... "

J'ai l'impression que la pratique d'un sport de combat est invoquée presque plus souvent par celui qui invoque la légitime défense : j'ai dû me défendre violemment parce que mon adversaire est excellent dans tel sport.
Exemple : en 2002 (arrêt 01-81697), c'est un judoka qui, cette fois, est victime : un grand père commet des violences, notamment menaces d'une arme : il considère que c'est de la légitime défense compte tenu du fait que son gendre est excellent judoka (ce qui est rejeté). On est donc dans la situation inverse à celle que vous envisagez

> sur les faits visés à la prévention et la peine prononcée, Paul Y... ne conteste pas les violences commises avec arme sur les personnes de Fabrice X... et de sa mère Suzanne X..., ni que celles-ci ont subi, chacune, à la suite de ces violences une incapacité temporaire de travail supérieure à 8 jours, en l'espèce 10 jours ; que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré Paul Y... coupable des faits de violences aggravées, mais dans les termes de la prévention ; que, concernant la peine prononcée, si la Cour considère qu'en raison de la gravité des faits commis par Paul Y..., seule une peine d'emprisonnement est de nature à sanctionner de façon appropriée les délits commis par ce prévenu ; qu'elle doit également constater les circonstances particulières de cette affaire ; que l'irruption de Fabrice X... et de sa mère vers 21 heures 30 à son domicile, l'exigence faite par Fabrice X... de repartir immédiatement seul avec ses deux filles alors qu'il partageait la vie de Nathalie Y... depuis 5 ans et entretenait avec Paul Y... des relations de gendre à beau-père, la prise de judo dont il a été la victime et dont le but était de l' "humilier" ainsi que Fabrice X... l'a précisé devant la Cour, l'infériorité physique dans laquelle cet homme de 67 ans s'est trouvé lorsqu'il a été confronté à Fabrice X... de 28 ans plus jeune que lui et excellent judoka, justifient que la peine prononcée par le tribunal soit réduite à huit mois d'emprisonnement ;
>
> "1 ) alors que, d'une part, il résulte de l'article L. 122-5 du Code pénal que la légitime défense est justifiée si les actes de violences reprochés ont été commis pour repousser une agression injuste et qui crée un danger certain et préalable pour soi-même ou pour autrui ; qu'en l'état des blessures qui venaient de lui être infligées, de nuit, à son propre domicile, par le concubin de sa fille alors en train d'enlever de force les très jeunes enfants du couple, la Cour devait rechercher si la riposte du grand-père n'était pas actuellement justifiée par l'agression injuste dont sa famille faisait l'objet de la part de Fabrice X... ;
>
> "2 ) alors que, d'autre part, il résulte encore de l'article 122-5 du Code pénal, qu'une riposte par recours à la force est justifiée par la légitime défense s'il n'y a pas disproportion entre les moyens de défenseinvoqués et la gravité de l'atteinte ; que l'évidente différence d'âge et de force entre le requérant (67 ans) et son agresseur, jeune (28 ans) et sportif (ceinture noire de judo), commandait à la Cour de rechercher si la riposte de Paul Y... n'était pas proportionnée à la violence dont, avec sa famille, il subissait actuellement les effets ;
>
> "3 ) alors que, de troisième part, la condamnation du demandeur dans les termes de la prévention, pour les faits relatifs à la personne de Suzanne X..., n'est soutenue par aucun motif de l'arrêt" ;
>
> Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, par motifs propres et adoptés, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de violences aggravées dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit des parties civiles, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

J'ai étendu la recherche à la boxe, mais rien de significatif.

Par conséquent, il convient de mener le raisonnement au regard simplement de ce que je vous ai dit en cours.
Les éléments de la légitime défense sont :
- une attaque injuste
- créant un danger
- une défense concomitante à l'atteinte
- nécessaire
- proportionnée

Si celui qui invoque la légitime défense pratique un sport de combat, les juges vérifieront sans doute un peu mieux le caractère proportionné.
Prenons un exemple bête :
une grand mère non sportive réplique à son agresseur et le tue, en lui envoyant un objet lourd et contondant au visage. Les juges admettront sans chipoter la légitime défense.
Un pratiquant d'un sport de combat réplique à son agresseur et le tue, en usant d'un point mortel (oui, je sais, je regarde trop la TV), les juges vérifieront le caractère proportionné, et plus particulièrement si le pratiquant du sport n'a pas profité de l'occasion pour vérifier les théories vues à l'entraînement.

Je ne connais pas d'ouvrage évoquant la question, les sites internet donnent toujours la même réponse, recopiée les uns sur les autres, et cela ne vous apportera guère plus.
Voici néanmoins une adresse : http://pagesperso-orange.fr/eric.richard/droit.htm
N'hésitez pas à me joindre si vous trouvez quelque chose de plus concluant.

Espérant avoir répondu à votre question et restant à votre disposition,

Wester-Ouisse

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