REJET du pourvoi de Reminiac, contre un arrêt de la Cour d'appel de Bourges,
en date du 6 mars 1958, le condamnant à trois mois d'emprisonnement avec
sursis, 150000 francs d'amende et à des réparations civiles pour
coups et blessures volontaires, refus d'assistance à une personne en
péril.
LA COUR, Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen pris de la violation et fausse application des articles
309, 328, 329 du Code pénal et 7 de la loi du 20 avril 1810, pour défaut,
insuffisance, contradiction et non-pertinence de motifs et manque de base légale
;
En ce que l'arrêt attaqué a prononcé contre un prévenu
une condamnation pour coups et blessures, alors qu'il constate que ledit
prévenu, lorsqu'il a tiré sur la victime, repoussait pendant la
nuit l'escalade et l'effraction de la maison qu'il habite et de ses dépendances,
au motif que le prévenu aurait su que la victime ne venait ni
pour le voler, ni pour le tuer, mais pour voir sa bonne,
alors que la présomption de l'article 329 est irréfragable, le
texte de la loi ne permettant aucune distinction selon les intentions de l'auteur
de l'escalade ou de l'effraction, ni selon la connaissance qu'en pourrait avoir
l'auteur de l'acte de défense, qui est nécessairement légitime
dès lors que les conditions prévues par la loi sont réalisées
;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué
que, dans la nuit du 11 septembre 1954, Tison s'est présenté au
domicile de Reminiac pour rendre visite à une domestique dont il avait
été autrefois l'amant et qu'il continuait de fréquenter
; que s'étant vu refuser l'accès de la maison en raison de son
état d'ivresse, Tison brisa deux carreaux de fenêtre et une imposte
à l'aide d'un pieu arraché à une clôture, puis pénétra
dans le jardin attenant à l'édifice en escaladant la toiture d'un
garage ;
Que Reminiac, qui avait vainement tenté d'exhorter le perturbateur à
la raison, alla alors chercher un révolver dans son bureau, le chargea
et l'arma posément, puis se rendit dans une pièce du premier étage,
se posta à une fenêtre et tira deux coups de feu dans la direction
où il supposait que se trouvait Tison, qu'il avait cessé de voir
et d'entendre depuis un certain temps ; que ce dernier fut atteint d'une balle
au poumon et grièvement blessé, alors qu'il se tenait derrière
les buissons du jardin et fumait une cigarette ;
Attendu qu'en l'état des faits constatés, la Cour d'appel a pu,
sans violer les articles 328 et 329 du Code pénal, refuser d'en faire
application en l'espèce ; Que si, notamment, le premier paragraphe de
l'article 329 dont le prévenu réclamait le bénéfice,
déclare légitimes le meurtre commis, les blessures faites ou les
coups portés pour repousser de nuit l'escalade ou l'effraction des murs
et clôtures des maisons habitées ou de leurs dépendances,
il s'agit là d'une présomption légale qui, loin
de présenter un caractère absolu et irréfutable, est susceptible
de céder devant la preuve contraire ; que le texte dont s'agit
ne saurait justifier des actes de violence lorsqu'il est démontré
qu'ils ont été commis en dehors d'un cas de nécessité
actuelle et en l'absence d'un danger grave et imminent dont le propriétaire
ou les habitants de la maison aient pu se croire menacés dans leurs personnes
ou dans leurs biens ;
Attendu que les juges du fond ayant, par des motifs suffisants et non contradictoires
entre eux, souverainement constaté l'absence de pareilles circonstances
en l'espèce, ils ont, par là même, justifié leur
décision et que le moyen doit être rejeté ;
(...)
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1959 n° 121
GA n° 23
Dalloz 1959 p. 161, note M.R. - M.P..
JCP 1959 II p. 11112, note BOUZAT.
Revue de science criminelle 1959 p. 839, observations LEGAL