Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 8 janvier 2008
N° de pourvoi: 07-83423
Publié au bulletin Cassation partielle Statuant sur le pourvoi formé
par : -X... Abdou, contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4e chambre,
en date du 21 mars 2007, qui, pour violences aggravées, l'a condamné
à un an d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts
civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 122-5,222-11,222-12
du code pénal, préliminaire,591 à 593 du code de procédure
pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut
de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale, contradiction
de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception
de légitime défense invoquée par Abdou X... et l'a déclaré
coupable de violences volontaires avec usage ou menace d'une arme suivies d'une
incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
" aux motifs adoptés que force est de constater que l'enquête
est pour le moins succincte ; que personne n'est placé en garde à
vue, il n'y a aucune confrontation et peu de témoins sont entendus ;
qu'à ce titre chaque témoin présente une version différente
qui n'est pas forcément compatible avec celle des prévenus et
des parties civiles ; qu'il convient donc de se forger une conviction au vu
des éléments médicaux incontestables ; qu'il est relevé
dans les pièces médicales d'Hervé Y... que les divers médecins
dénotent la compatibilité de ses dires avec les constatations
médicales ; qu'outre la blessure à l'oeil, il présente
une section des tendons de la main droite qu'il explique par un geste de protection
devant son visage ; qu'Abdou X..., qui estime avoir été agressé,
n'est pas en mesure de justifier de blessures particulières et les services
de police ne font état d'aucune particularité physique alors qu'ils
avaient bien noté l'aspect ensanglanté d'Hervé Y... ; que
quand bien même Hervé Y... aurait été l'agresseur
d'Abdou X..., il existe une disproportion totale entre un coup porté
par un individu alcoolisé perché sur des talons et une riposte
à l'aide d'un verre qui, par sa violence, a non seulement entraîné
une blessure à la face mais aussi à la main ; que cet aspect médical
renforce la version d'Hervé Y... dans le sens où la blessure à
sa main est bien le signe d'une protection et non d'un coup porté sauf
à admettre qu'il se soit jeté figure et main en avant contre le
verre que tenait Abdou X... à hauteur de la tête d'Hervé
Y... ; que les violences sont donc établies à l'encontre du prévenu
;
" aux motifs propres que même si l'on adopte la thèse plus
que probable d'une attitude provocatrice de la part de la victime, dont le dossier
définit mal l'ampleur, il est nécessaire de souligner que la riposte
du prévenu ne peut en aucun cas consister dans le geste réflexe
qu'il plaide ; que cette absence de proportion réside dans le fait qu'Abdou
X... tenait un verre, le seul fait de le projeter au visage de son « adversaire
» est disproportionné puisque d'évidence un objet aussi
contondant ne peut être que particulièrement offensif et notamment
sur le visage ; qu'Abdou X... a dit à l'audience qu'il avait ôté
ses lunettes ; qu'il pouvait de la même manière et dans la même
conscience poser son verre ; que s'il ne l'a pas fait, c'est qu'il était
désireux de s'en servir, dans un geste sûrement rapide certes mais
conscient et d'une rare violence vu les conséquences ; qu'il est impossible
dès lors dans cette disproportion de considérer qu'il y a légitime
défense ; qu'en ce sens va le témoignage qui précise qu'il
a fallu retenir Abdou X... de recommencer ; qu'il était « armé
» contre un homme à mains nues ;
" alors que, d'une part, la proportion de la riposte doit être appréciée
en fonction de l'attaque initiale ; qu'en l'espèce, les juges du fond,
qui admettent qu'Hervé Y... aurait été l'agresseur d'Abdou
X..., écarte la légitime défense en se fondant exclusivement
sur la gravité des blessures subies par Hervé Y... en l'absence
de preuve de blessures d'Abdou X... ; qu'ils ont ainsi violé l'article
122-5 du code pénal ;
" alors que, d'autre part, que la proportionnalité de la riposte
doit nécessairement être appréciée en fonction de
l'attaque initiale, ce qui nécessite de déterminer la gravité
de cette dernière ; qu'en rejetant la légitime défense
invoquée par Abdou X... pour disproportion avec l'agression, après
avoir relevé que « le dossier définit mal l'ampleur »
de l'attitude provocatrice d'Hervé Y..., et donc de l'attaque portée
par ce dernier à Abdou X..., compte tenu de l'enquête succincte,
de l'absence de confrontation, de l'audition de peu de témoins et des
témoignages présentant des versions différentes, sans rechercher
le déroulement exact des faits, la cour d'appel, qui n'a pas justifié
sa décision, ne met pas la Cour de cassation en mesure de contrôler
la légalité de l'arrêt attaqué ;
" alors que, en outre, lorsqu'une personne subit une agression réelle,
actuelle et injustifiée menaçant son intégrité physique,
la riposte est en principe justifiée, sauf disproportion dont la charge
de la preuve appartient à la partie poursuivante ; que l'arrêt
attaqué n'a pas dénié l'attaque réelle et injustifiée
subie par le prévenu ; qu'en présumant que « la riposte
du prévenu ne peut en aucun cas consister dans le geste réflexe
qu'il plaide », et que si Abdou X..., accoudé seul au bar lorsqu'il
a été agressé, n'a pas posé le verre qu'il tenait
en main avant l'agression, « c'est qu'il était désireux
de s'en servir », ce dont elle déduit qu'il a nécessairement
projeté son verre au visage d'Hervé Y... et qu'il était
« armé contre un homme à mains nues », la cour d'appel
a inversé la charge de la preuve qui incombait à la partie poursuivante,
et violé le principe de la présomption d'innocence tel que garanti
par les articles préliminaire du code de procédure pénale
et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" alors que, enfin, il appartenait à la cour d'appel d'ordonner
les mesures complémentaires d'instruction dont elle reconnaissait implicitement
qu'elles eussent été utiles à la manifestation de la vérité
; que faute d'avoir ordonné lesdites mesures, elle n'a pu, légalement,
faire état de l'incertitude qui lui paraissait exister sur l'ampleur
de l'attitude, qualifiée de provocatrice, de la partie civile, pour estimer
que la riposte était disproportionnée à l'attaque ; qu'il
s'ensuit que la décision de condamnation est insuffisamment motivée
et que l'arrêt attaqué encourt la censure " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de procédure que, le 9 juin 2001, dans une discothèque, Hervé
Y... a été grièvement blessé au visage par une chope
de bière, qu'Abdou X... tenait à la main ; que tous deux ont été
poursuivis, le premier pour violences n'ayant entraîné aucune incapacité
totale de travail et le second pour violences avec arme ayant entraîné
une incapacité totale de travail de plus de huit jours ; qu'Hervé
Y... a été relaxé par jugement devenu définitif
;
Attendu que, pour écarter la légitime défense et confirmer
le jugement en ce qu'il a déclaré Abdou X... coupable des faits
visés à la prévention, l'arrêt prononce par les motifs
repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations procédant de son appréciation
souveraine et dont il résulte qu'il y a eu disproportion entre les moyens
de défense employés et la gravité de l'atteinte subie,
la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382
du code civil,706-3,591 à 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale
;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Abdou X... à
verser la somme de 81 920 euros à titre de dommages-intérêts
à Hervé Y... ainsi qu'une somme de 15 694,98 euros à la
caisse primaire d'assurance maladie de Lens ;
" aux motifs que même si l'on adopte la thèse plus que probable
d'une attitude provocatrice de la victime... l'absence de proportion entre la
riposte et l'éventuelle attaque fait obstacle au partage de responsabilité
plaidé par la défense ;
" alors que, même en l'absence de légitime défense
caractérisée au sens de l'article 122-5 du code pénal,
les juges du fond doivent rechercher, ainsi qu'ils y étaient invités,
si les agissements fautifs de la victime n'ont pas concouru à la réalisation
du dommage et ne justifient pas un partage de responsabilité dans une
proportion qu'il leur appartient d'apprécier ; qu'en affirmant, par principe,
que l'absence de légitime défense excluait, ipso facto, tout partage
de responsabilité nonobstant l'attitude provocatrice et donc fautive
de la victime, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil "
;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale, ensemble l'article
1382 du code civil ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à
justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs
équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer le prévenu entièrement responsable
des dommages subis par la victime, l'arrêt énonce que l'absence
de proportion entre la riposte et l'éventuelle attaque fait obstacle
au partage de responsabilité plaidé par la défense ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si, malgré le rejet de l'excuse de légitime défense et la relaxe de la partie civile du chef de violences, celle-ci n'avait pas commis une faute qui avait concouru à son propre dommage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs : CASSE et ANNULE
Publication : Bulletin criminel 2008 N° 1 p. 1
Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 7 décembre 1999 Cassation
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par B. Robert, contre l'arrêt
n° 687 de la cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, en date
du 9 septembre 1998, qui, pour violences aggravées, l'a condamné
à un an d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve
pendant 2 ans, a ordonné la confiscation des armes et munitions saisies
et a prononcé sur les intérêts civils.
(…)
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement
qu'il confirme que Robert B., ayant constaté, le 13 octobre 1996, vers
8 heures 15, que Laurent T. et Christophe C. s'étaient introduits par
escalade sur le terrain clôturé dont il exploite les ressources
mycologiques, les a, sous la menace de son fusil de chasse, sommés de
le suivre ; qu'alors qu'ils tentaient de prendre la fuite, il a tiré
plusieurs coups de feu dans leur direction, les atteignant l'un à l'épaule
droite, l'autre à la face, à l'épaule et à l'avant
bras droit, puis les a frappés avec la crosse d'une arme de poing et
un gourdin et les a attachés à un arbre, avant de les livrer à
la gendarmerie ; que chacune des deux victimes a subi une incapacité
totale de travail d'une durée supérieure à 8 jours ;
Attendu que, poursuivi pour violences aggravées, Robert B. a soutenu,
par conclusions régulièrement déposées devant la
cour d'appel, que les actes qui lui sont reprochés avaient été
commandés par la nécessité de repousser, de nuit, l'entrée
par effraction de deux " gaillards jeunes et déterminés ",
dont il pouvait craindre des " représailles soudaines et inattendues
", compte tenu de son âge ;
Qu'il a en outre fait valoir pour sa défense qu'il s'était conformé
aux prescriptions de l'article 73 du Code de procédure pénale,
en appréhendant les auteurs d'un délit flagrant de vol aggravé
pour les déférer à l'officier de police judiciaire ;
Attendu que, pour rejeter les moyens de défense ainsi proposés,
l'arrêt attaqué se prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort
que le prévenu ne se trouvait dans aucun des cas prévus par les
articles 122-5, 122-6 et 122-7 du Code pénal, et a exercé, pour
appréhender les auteurs des faits, des violences injustifiées
par rapport au but légitime poursuivi, la cour d'appel, qui n'avait pas
à entrer dans le détail de son argumentation, a justifié
sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
(…)
Publication : Bulletin criminel 1999 N° 292 p. 900