Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mercredi 3 juin 2009

N° de pourvoi: 08-86212
Non publié au bulletin Rejet

- X... Jacques,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 10 juin 2008, qui, pour infraction au code de l'urbanisme, l'a condamné à 5 000 euros d'amende, a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande, en défense ainsi que les observations complémentaires produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 123-1, L. 421-1, et L. 480-4 du code de l'urbanisme, 121-3 et 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jacques X... coupable de travaux non autorisés par un permis de construire, en répression, l'a condamné à la peine de 5 000 euros d'amende, a ordonné, à sa charge, la remise en état des lieux dans un délai de 8 mois sous astreinte et statuant sur les intérêts civils l'a condamné à payer à Laurent Y... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs qu'il résulte du procès-verbal d'infraction, en date du 21 juillet 2004, dressé par le contrôleur des travaux publics de la direction départementale de l'équipement du Var, que le prévenu a, en infraction aux dispositions des articles L. 123-1 et L. 421-1 du code de l'urbanisme, transformé, sans autorisation, la destination d'une habitation, sise ..., en une salle de restaurant de 30 m² et une salle de rangement de 21 m² et a installé, sur le devant du restaurant, une tonnelle d'une longueur de 6 mètres, d'une largeur de 2,40 mètres et d'une hauteur de 2,14 mètres, en la vissant au sol ; que ces infractions sont contraires aux articles UA1 1a et UA 11b du plan d'occupation des sols ; que le prévenu, entendu dans le cadre de l'enquête diligentée par la brigade territoriale de gendarmerie de Bargemon, reconnaissait ne pas avoir déposé de permis de construire pour les travaux de restauration des locaux qu'il avait entrepris en février 2002 ; qu'il avait reçu l'accord de la commission de sécurité le 21 juin 2002 et que, depuis cette date, il exploitait son restaurant chaque année du 1er avril au 30 septembre ; que, par délibération du 16 juin 2004, le conseil municipal l'avait autorisé à installer une tonnelle démontable sur la voie publique sous laquelle il pouvait installer 12 à 15 couverts ; que cette autorisation était renouvelée tous les ans ; qu'il prétendait être de bonne foi et ignorer devoir déposer un permis de construire, personne ne l'ayant informé de cette obligation ; qu'il précisait encore qu'il était copropriétaire du restaurant avec Laurent Y..., gérant de la SCI propriétaire de l'immeuble, et qu'il fallait la signature de ce dernier pour déposer le permis de construire et régulariser la situation ; que Laurent Y..., gérant de la SCI LS2J, entendu dans le cadre de l'enquête, indiquait qu'il avait constaté le changement de destination du lot de Jacques X..., sans permis de construire, et déclarait ne pas donner son accord pour un dépôt de permis de construire en raison des nuisances sonores et olfactives provoquées par la présence du restaurant ; qu'il niait être associé au fonds de commerce exploité par le prévenu ; que le tribunal pour renvoyer le prévenu des fins de la poursuite a estimé qu'il n'était pas établi que le prévenu « ait, en parfaite connaissance de cause, fraudé les dispositions du code de l'urbanisme », d'autant qu'il résulte de l'attestation de la mairie de Bargemon en date du 20 novembre 2006 que ce dernier, de bonne foi, comme les autres services municipaux, a cru que la demande de permis de construire n'était pas nécessaire ; (...) que la transformation du garage en restaurant et en salle de rangement sans avoir obtenu au préalable un permis de construire est établie ; que cette transformation constitue indéniablement un changement de destination ; que le prévenu ne pouvait sérieusement considérer que l'avis favorable de la commission de sécurité valait permis de construire et, par suite, c'est bien en toute connaissance de cause qu'il a commis les faits reprochés ; qu'en effet, dès le 7 mai 2004, soit plus de deux mois avant la date du procès-verbal, il était convoqué par l'adjoint au maire pour régulariser son commerce par un dépôt de permis de construire (lettre du 7 mai 2004) ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer le prévenu coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire ; qu'eu égard aux circonstances, tenant compte des ressources du prévenu, il y a lieu de la condamner à une peine d'amende de 5 000 euros et d'ordonner à sa charge la remise en état des lieux, laquelle devra être effectuée dans le délai de 8 mois à compter du jour où le présent arrêt sera devenu définitif sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

" 1°) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en l'espèce, la mairie de Bargemon, interrogée sur la nécessité d'obtenir une autorisation d'urbanisme pour la transformation d'un local d'habitation en restaurant, a considéré qu'une telle modification ne nécessitait pas de permis de construire ; qu'en s'abstenant de rechercher si Jacques X... n'avait pas été induit en erreur par l'autorité compétente, ce qui était de nature à l'exonérer de sa responsabilité pénale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 2°) alors que l'élément moral nécessaire à l'existence du délit suppose chez son auteur tout à la fois la conscience de l'illicéité de l'acte et la volonté d'agir malgré ce caractère illicite ; que la conscience de l'illicéité d'une construction sans permis de construire ne peut résulter que de la connaissance de la nécessité d'un permis de construire ; qu'en retenant que le prévenu ne pouvait considérer que l'avis favorable de la commission de sécurité valait permis de construire et qu'il avait été convoqué par l'adjoint au maire pour régulariser son commerce par un dépôt de demande de permis de construire, pour en déduire que c'était en toute connaissance de cause qu'il aurait commis les faits reprochés, sans rechercher si Jacques X... n'avait pas été induit en erreur par l'autorité compétente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

" 3°) alors que le changement de destination visé à l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme s'entend comme le changement de destination de l'immeuble dans son ensemble, la modification de l'affectation donnée à une ou plusieurs pièces n'entraînant pas de changement dans sa destination ; qu'en considérant que le changement de destination du garage d'un immeuble d'habitation était soumis à l'exigence de permis de construire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que Jacques X... a transformé le garage d'un immeuble d'habitation en salle de restaurant ; que, poursuivi pour avoir, en juillet 2004, exécuté ces travaux sans permis, il a invoqué l'erreur de droit, la mairie ayant, selon lui, considéré que cette modification ne nécessitait pas de permis de construire ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation et entrer en voie de condamnation, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors, d'une part, que la transformation de locaux à usage de garage en salle de restaurant emporte un changement de la destination des lieux au sens de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au moment des faits et, d'autre part, qu'il incombe au prévenu d'établir qu'il a cru, par une erreur de droit qu'il n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché ;

D'où il suit que le moyen, nouveau en sa troisième branche, ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du 1er protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du code civil, L. 421-1 du code de l'urbanisme, 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué, statuant sur les intérêts civils, a condamné l'exposant à payer à Laurent Y... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

" aux motifs que la SCI LS2J, représentée par Laurent Y... doit être déclarée recevable en sa constitution de partie civile ; qu'elle a subi un préjudice certain en raison des nuisances occasionnées par la présence du restaurant ; qu'il est équitable de lui accorder la somme de 5000 euros en réparation de son préjudice ;

" 1°) alors que la juridiction répressive ne peut prononcer la condamnation du prévenu à des réparations civiles qu'autant que cette réparation est fondée sur un préjudice résultant directement de l'infraction ; qu'une personne morale ne peut être directement victime de nuisances sonores et olfactives ; qu'en faisant néanmoins droit à l'action civile de la SCI LS2J sur ce fondement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

" 2°) alors que l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme n'a pas pour objet de protéger les intérêts particuliers des riverains d'une construction, mais d'empêcher que certaines règles d'urbanisme relatives notamment à la nature ou à la densité des constructions pouvant être admises dans une zone ne soient tournées ; de sorte qu'en l'espèce le prévenu ne pouvait être condamné, en l'absence de causalité directe et certaine entre l'infraction reprochée et le préjudice subi, à verser des dommages et intérêts à la SCI LS2J ;

" 3°) alors que, subsidiairement, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en condamnant le prévenu d'une infraction de construction sans permis à payer à la partie civile, propriétaire de l'immeuble, une somme en réparation du préjudice prétendument causé par des nuisances sonores et olfactives sans rechercher si les travaux entrepris sans permis avaient valorisé le patrimoine de la partie civile, la cour d'appel privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés " ;

Attendu que, pour faire droit à la demande de la société LS2J qui sollicitait la réparation du préjudice résultant de la dépréciation des lieux du fait des infractions et du départ de ses locataires gênés par les nuisances olfactives, liées à l'exploitation du restaurant, l'arrêt retient que le préjudice subi par la partie civile justifie l'allocation de la somme réclamée ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel, qui a exactement appliqué les articles 2 et 3 du code de procédure pénale, a souverainement apprécié l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ; REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 300 euros la somme que Jacques X... devra payer à la société LS2J, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;