Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 7 septembre 2005 Cassation
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Georges, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS,
5ème section, en date du 5 mai 2004, qui, dans l'information suivie contre
Gérard Y... pour faux en écritures authentiques aggravé et
usage et contre Gilbert X... pour faux en écritures authentiques et usage,
a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction à
l'égard de la société Enténial, et constate l'extinction
de l'action publique par la prescription à l'égard du second ;
Vu l'article 575, alinéa 2 , 3 du Code de procédure pénale
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6, 121-7
et 441-4 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale,
défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a déclaré éteinte
par prescription l'action publique à l'égard de Gilbert X... ;
"aux motifs, qu'il y a des charges suffisantes contre Gilbert X... d'avoir
été complice des faux et de l'usage de faux commis par Me Y... en
l'aidant sciemment par aide et assistance consistant à lui fournir les
documents vierges signés par les associés et à signer le
faux procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire
du 30 octobre 1992 ainsi qu'en signant la convention, dans la préparation
et la consommation des crimes ; qu'en application de l'article 121-6 du Code pénal,
le complice de l'infraction étant puni comme auteur, les causes d'aggravation
ou d'atténuation de la peine, qui procèdent de la personne, sont
sans effet sur le complice ; qu'en l'espèce, si la qualité de notaire
de Gérard Y... a rendu criminels les faux et leur usage qui leur sont reprochés,
Gilbert X... qui n'a pas cette qualité, ne relève que de la pénalité
correctionnelle prévue par le premier alinéa de l'article 441-4
du Code pénal ; qu'en application de l'article 6 du Code de procédure
pénale, l'action publique, pour l'application de la peine, s'éteint
notamment par la mort du prévenu et la prescription ; que le décès
de Gérard Y..., survenu à la suite de son suicide, le 24 juin 2002,
a éteint l'action publique en ce qui le concerne et que c'est avec raison
que le magistrat instructeur l'a constaté ; que cette extinction de l'action
publique est personnelle au défunt et n'empêche pas les poursuites
à l'encontre des coauteurs et des complices ; que la prescription de l'action
publique est de trois ans en matière correctionnelle ; que Georges X...
a déposé plainte le 17 mai 2001, soit postérieurement à
l'acquisition de la prescription de trois ans des faits correctionnels commis
le 10 novembre 1992 ; qu'il n'a pas été accompli dans l'intervalle
d'actes interruptifs de la prescription ;
"alors qu'est puni comme auteur le complice de l'infraction ; que, dès
lors, le complice d'un faux en écriture publique aggravé par la
qualité de son auteur est passible des peines qu'encourt l'auteur principal
de ce crime quand bien même il ne possède pas lui-même la qualité
justifiant l'aggravation" ;
Vu l'article 121-6 du Code pénal ;
Attendu que sont applicables au complice les circonstances aggravantes liées
à la qualité de l'auteur principal ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces
de la procédure que, selon acte authentique du 10 novembre 1992, dressé
par Gérard Y..., notaire, le Comptoir des entrepreneurs, devenu la société
Entenial, a consenti un prêt à la société civile immobilière
Fondation première, représentée par son gérant, Gilbert
X... ; qu'à cet acte authentique ont été annexés,
d'une part, un procès-verbal d'assemblée générale
extraordinaire de la SCI autorisant son dirigeant à souscrire l'emprunt
daté du 30 octobre 1992, signé par Gilbert X..., d'autre part, des
procurations aux fins de caution, signées par les associés au nombre
desquels Georges X... ; qu'ayant été assigné le 21 octobre
1997, sur ce fondement, par la société Enténial, en paiement
de la somme de 4 982 792 francs, Georges X... a contesté avoir signé
en connaissance de cause la procuration aux fins de caution, et, le 17 mai 2001,
a porté plainte et s'est constitué partie civile pour faux et usage
contre son frère, Gilbert X..., ainsi que, pour complicité de ces
délits, contre le notaire et la société Enténial ;
que l'information a révélé que, le 10 novembre 1992, Gérard
Y... avait rédigé les procurations aux fins de caution sur des documents
signés en blanc par les associés que lui avait fournis Gilbert X...,
et établi le procès-verbal de l'assemblée générale
du 30 octobre 1992, alors que celle-ci ne s'était jamais tenue, avant d'annexer
ces documents à l'acte authentique ; que Gérard Y... a été
mis en examen du chef de faux en écritures authentiques aggravé
et usage, et Gilbert X... du chef de faux et usage ; que le magistrat instructeur
a rendu une ordonnance constatant l'extinction de l'action publique à l'égard
de Gérard Y..., décédé au cours de l'information,
et à l'égard de Gilbert X..., par l'effet de la prescription, les
faits ayant été commis le 10 novembre 1992, soit plus de trois ans
avant le dépôt de la plainte par la partie civile, et a dit n'y avoir
lieu à suivre à l'égard de quiconque ;
Attendu que, pour confirmer cette ordonnance, et constater la prescription de
l'action publique, la chambre de l'instruction, après avoir requalifié
les faits retenus à l'encontre de Gilbert X... en complicité des
faux et usages commis par Gérard Y..., énonce que les causes d'aggravation
ou d'atténuation de la peine procédant de la personne de l'auteur
de l'infraction sont sans effet sur le complice, et que la prescription de l'action
publique se trouvait acquise à l'égard de Gilbert X... lors du dépôt
de la plainte ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article 441-4 du Code
pénal punit de la réclusion criminelle le faux en écritures
publiques ou authentiques commis par une personne chargée d'une mission
de service public agissant dans l'exercice de sa mission, et que les faits, ayant
été commis le 10 novembre 1992, la prescription de l'action publique
n'était pas acquise à l'égard du complice lors du dépôt
de la plainte, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée
du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le second moyen,
CASSE et ANNULE
Publication : Bulletin criminel 2005 N° 219 p. 779
D 2006, n° 12, jurisprudence, p. 835-839, observations Emmanuel DREYER.