Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 18 juin 2013

N° de pourvoi: 12-85917
Publié au bulletin
Rejet
Statuant sur le pourvoi formé par :- L'association Ski Club l'Etoile sportive du Buet,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle, en date du 7 juin 2012, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 3 000 euros d'amende avec sursis ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 221-6, al. 1er, 221-7 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré l'association Ski Club l'Etoile Sportive du Buet coupable d'homicide involontaire par personne morale et l'a condamnée à une amende de 3 000 euros assortie de sursis ;
" aux motifs que, a commis une faute d'imprudence et de négligence l'Association Ski Club l'Etoile Sportive du Buet à l'origine du décès de Mme X..., cette organisation ayant omis d'accomplir, au plan sécuritaire, les diligences normales qui lui incombaient, alors qu'elle en avait les compétences, puisque composée de professionnels du ski et de la montagne le pourvoi et les moyens ; que, s'agissant en effet, quoiqu'en dise le représentant de cette Association, d'une épreuve de vitesse chronométrée, ainsi qu'en ont notamment attesté, entendus par les enquêteurs, le docteur Y..., André Z...(« Un Derby, c'est le premier en bas »), Pierre A...(« Le but de cette course est d'arriver le plus rapidement en bas »), et Ophélie B..., coéquipière de la défunte, (« Nous croyions toutes les deux à nos chances de podium), le déroulement sécurisé de la course du Derby des Posettes impliquait la prise de mesures simples de nature à prévenir les accidents prévisibles dont le risque et la probabilité de survenance étaient majorés, les compétiteurs, obligatoirement casqués, devant parcourir, au meilleur temps possible pour chacun, neuf kilomètres de descente selon un dénivelé d'environ sept-cents mètres ; qu'or, la piste, d'une largeur totale approximative de quinze mètres était partagée en son milieu entre le public et des skieurs évoluant individuellement et les compétiteurs de la manifestation litigieuse de sorte que ces derniers et, en particulier, Mme X..., circulant à vive allure, environ 80 km/ h d'après les personnes entendues, et que la division de territoire ait été ou non visuellement marquée en certains endroits de la poste, ne pouvaient évoluer que sur un couloir de six mètres de large ; qu'il ne saurait être discuté que cette étroitesse a réduit la marge d'erreur sécurisée des coureurs, notamment celle de Mme X..., puisqu'elle a rendu mortelles les conséquences de sa légère déviation de trajectoire, fût-ce par suite d'une faute de carre qui lui serait imputable ¿ aisément prévisible pour l'association organisatrice du Derby des Posettes-, qui l'a conduite à heurter un arbre planté, quoique en bordure, à l'intérieur de son couloir de glisse, la ligne de course se trouvant rapprochée de la forêt particulièrement dense à l'endroit du choc fatal ; qu'il appartenait, dans ces conditions, à l'Association poursuivie, de protéger les skieurs compétiteurs en neutralisant le danger constitué par des arbres implantés sur leur piste, restée anormalement ouverte sur les côtés, compte tenu de leur vitesse élevée, en revêtant ces obstacles durs de matelas amortisseurs de chocs et récepteurs des corps des skieurs susceptibles d'être projetés contre eux, notamment ensuite de possibles et involontaires déviations de trajectoires de descentes, inhérentes à l'exercice, et donc prévisibles ; que le représentant de l'Association poursuivie a déclaré que le Derby 2009 avait rapporté environ 3 000 euros de sorte que l'achat ou la location de tels matelas étaient dans les moyens du Ski-Club ; que la personne morale poursuivie est coupable du délit visé dans l'acte de poursuite et doit être sanctionnée comme précisé plus bas ».
" 1°) alors qu'il résulte de l'article 121-2 du code pénal que les personnes morales ne peuvent être déclarées pénalement responsables que s'il est établi qu'une infraction a été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ; que la cour d'appel qui se borne à énoncer que « l'association » a commis une faute d'imprudence et de négligence, cette organisation ayant omis d'accomplir les diligences normales qui lui incombaient, sans rechercher si cette faute résultait des manquements imputables à l'un des organes ou représentants de l'association, au sens de l'article 121-2 du code pénal, n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
" 2°) alors qu'il n'y a délit, pénalement punissable en cas de faute d'imprudence ou de négligence que s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou fonctions, de ses compétences ainsi que des pouvoirs et des moyens dont il disposait ; qu'en se bornant à constater que l'association avait omis d'accomplir les diligences normales qui lui incombaient, dont elle avait les compétences puisque composée de professionnels de ski et de la montagne, les pouvoirs et les moyens, sans s'expliquer sur le point de savoir si l'association Ski Club l'Etoile Sportive du Buet n'avait pas, comme elle l'indiquait, délégué au PGHM, par convention établie à cet effet, la mission « d'assurer la sécurité du public et des compétiteurs après reconnaissance sur le terrain afin de déterminer l'emplacement et la conduite à tenir » et s'il était nécessaire de sécuriser une piste qui l'était déjà par les pisteurs et les responsables de la station et de protéger l'ensemble des arbres situés en bordure de piste compte tenu du caractère très boisé du parcours, la Cour d'appel a, derechef, privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors que s'agissant d'une épreuve sportive impliquant, par nature, une acceptation des risques inhérents à la pratique du ski, qui ne peuvent être complètement réduits à néant, la cour d'appel aurait dû s'expliquer sur le point de savoir si le comportement de la victime, skieuse avertie, qui a fait une faute de carre à l'origine de sa déviation de trajectoire et du heurt d'un arbre et qui a pris des risques importants compte tenu de la configuration des lieux, ne constituerait pas la cause exclusive de sa chute mortelle ; qu'en l'état de ses seules constatations purement hypothétiques relatives à la faute de carre qui « serait » imputable à Mme X..., la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 23 janvier 2010, Mme Céline X..., qui a heurté un arbre situé sur une piste de ski, en bordure de celle-ci, a trouvé la mort à l'occasion de sa participation à une compétition organisée par l'association Ski club l'Etoile sportive du Buet ; que cette dernière a été poursuivie du chef d'homicide involontaire pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour garantir la sécurité des participants à l'épreuve ;
Attendu que, pour infirmer le jugement ayant renvoyé la prévenue des fins de la poursuite, déclarer celle-ci coupable d'homicide involontaire et la condamner à 3 000 euros d'amende avec sursis, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que les juges du second degré, qui ont retenu que la faute relevée à l'encontre de l'organisatrice de la compétition avait concouru, de manière certaine, au décès de la victime et exclu, de ce fait, que cette dernière ait pu commettre une faute constituant la cause exclusive de l'accident, l'aient déclarée coupable du délit d'homicide involontaire sans préciser l'identité de l'auteur des manquements constitutifs du délit dès lors que l'infraction n'a pu être commise, pour le compte de l'association, que par son président, responsable de la sécurité, en l'absence de délégation interne non invoquée devant la cour d'appel ; ?D'où il suit que le moyen, nouveau, mélangé de fait et de droit et comme tel irrecevable en sa deuxième branche, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que l'association Ski Club l'Etoile sportive du Buet devra payer aux parties civiles au titre des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Publication : Bulletin criminel 2013, n° 144

Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 20 juin 2006
Cassation partielle sans renvoi
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE SOLLAC LORRAINE,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 10 novembre 2004, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à 15 000 euros d'amende, a ordonné l'affichage de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-2, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société Sollac Lorraine coupable d'homicide involontaire et l'a condamnée pénalement et civilement;
"aux motifs que, s'agissant d'un homicide involontaire survenu dans le cadre de la responsabilité pénale d'une personne morale, sont applicables - à l'exclusion de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal réservé aux seules personnes physiques, - les dispositions de l'article 121-3, alinéa 3, du code pénal, visées dans la prévention et ainsi libellées : "il y a également délit lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait" ; qu'en conséquence, et conformément à l'article 221-6, alinéa 1e, du code pénal, visé dans la prévention, la responsabilité de la société Sollac Lorraine est envisageable : 1) si par maladresse ou imprudence ou inattention ou négligence, ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement chacune des cinq conduites incriminées étant indépendantes des autres, la société Sollac Lorraine a commis une faute simple - à l'exclusion de la faute délibérée ou caractérisée au sens de l'article 121-3, alinéa 4, du code pénal - ayant causé la mort d'Alain X... ; 2) et si la société Sollac Lorraine n'a pas accompli les diligences normales, compte tenu de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences, ainsi que du pouvoir et des moyens à sa disposition ; qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats que la zone où s'est produit l'accident est une ancienne plate-forme mise hors service officiellement en décembre 1996 mais dans la pratique dès 1994 ; que, depuis lors, cette plate-forme parce que désaffectée n'a été soumise à aucun entretien, aucune surveillance, ni aucun contrôle sur le plan de la sécurité ; qu'aucune explication n'a été avancée par la société Sollac Lorraine justifiant le maintien de la plate-forme et de la super structure métallique environnante, qui auraient dû être aussitôt démontées ; qu'ainsi, rendue de plus en plus dangereuse par l'effet des intempéries, cette plate-forme exposée à une intense corrosion naturelle a continué à se dégrader ;
que cette corrosion était de surcroît masquée par la poussière qui s'est déposée au fil du temps ; que le soir de l'accident, une tôle corrodée a cédé sous les pas d'Alain X... précipitant cet homme dans le vide ; qu'ensuite, s'il est exact que la plate-forme désaffectée était ceinturée par un garde-corps d'une hauteur d'1 mètre 20, qu'Alain X... avait suivi une formation dispensée par la société Sollac Lorraine concernant le travail en hauteur et sur les risques engendrés par le franchissement d'un garde-corps, il convient cependant de retenir que le garde-corps d'à peine 1 mètre 20, pouvait être enjambé sans difficulté ; que la plate-forme désaffectée n'était pourvue d'aucune signalisation, d'aucun panneau en interdisant l'accès et prévenant du danger qu'il y avait à l'emprunter ; que Michel Y... l'a reconnu lui-même devant les enquêteurs (cf.: "il est exact qu'aucun panneau ne précisait le danger, simplement du fait que le garde-corps était présent. En fait comme personne ne nous a alerté du danger de cette plate-forme nous n'avons pas posé de panneau, ce que nous faisons systématiquement lorsqu'une zone nous est signalée présentant un danger supplémentaire") ; que la présence d'un garde-corps d'une hauteur appropriée jumelée avec une signalisation attirant l'attention de l'usager sur le danger encouru, auraient été très dissuasifs, même si l'on tient compte de l'heure tardive et de l'obscurité, du fait que les lieux étaient, le soir de l'accident, bien éclairés (compte rendu et enquête du CHSCT des 18 et 26 septembre 2002) ; enfin, que la présence serait-elle injustifiée de la victime sur la plate-forme désaffectée ainsi de même que la décision prise par Alain X... d'enjamber le garde-corps entourant ladite plate-forme, ne sauraient à elles seules constituer une cause exonératoire de responsabilité pour la société Sollac Lorraine ; qu'en effet, outre le fait que la motivation d'Alain X... décrit cependant comme un contre-maître expérimenté et consciencieux nous sera à jamais inconnue, il convient d'observer que la Cour de cassation considère que la faute, réelle ou supposée de la victime, n'exonère le prévenu de sa responsabilité que si elle a été la cause unique et exclusive de l'accident ou bien présente le caractère de la force majeure ; qu'en l'espèce, ce n'est pas le cas pour les raisons déjà susrapportées ;
qu'en conséquence, la mort accidentelle d'Alain X... est consécutive à une faute d'imprudence et/ou de négligence commise par la société Sollac Lorraine qui n'a pas accompli les diligences normales lui incombant compte tenu de sa mission, de ses fonctions, de ses compétences ainsi que des moyens mis à sa disposition ; qu'en effet, d'une part, la société Sollac Lorraine n'a pas fait procéder, sans doute par souci d'économie, en tout cas sans raison légitime, au démontage et à l'enlèvement de la plate-forme litigieuse, devenue au fil du temps de plus en plus vétuste et dangereuse ; que l'ayant maintenue, la société Sollac Lorraine s'est crue, à tort, dispensée d'assurer son entretien sous le prétexte fallacieux que personne ne pouvait ou ne devait désormais s' y aventurer ; que, d'autre part, la société Sollac Lorraine n'a pas fait procéder à un "signalement" des lieux suffisamment dissuasif tel que garde-corps d'une hauteur suffisante - mise en place de panneaux interdisant l'accès des lieux, et d'une manière générale de toute signalisation attirant l'attention de l'usager, sur un site devenu dangereux ; que les premiers juges ont donc à bon droit retenu la société Sollac Lorraine prise en la personne de Michel Y... dans les liens de la prévention ; que cette déclaration de culpabilité par substitution de motifs et adoption des motifs non contraires des premiers juges, sera confirmée dans les limites de la prévention retenue à hauteur de Cour c'est-à-dire au regard du délit d'homicide involontaire, les infractions relevées par les premiers juges dans le cadre des dispositions prévues au code du travail relativement à l'hygiène, la sécurité et les conditions de travail, étant surabondantes ;
"alors qu'aux termes de l'article 121-2 du code pénal, la responsabilité pénale des personnes morales est une responsabilité du fait personnel par représentation, impliquant qu'une infraction soit commise pour son compte par ses organes ou représentants ;
qu'en se bornant à imputer à la seule société Sollac Lorraine une infraction d'homicide involontaire pour n'avoir pas accompli les diligences normales lui incombant, compte tenu de sa mission, de ses fonctions et de ses compétences, ainsi que des moyens mis à sa disposition, sans rechercher l'organe ou le représentant de la société qui aurait commis une faute susceptible d'engager la responsabilité pénale de la personne morale, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision, violant les articles visés au moyen" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 17 novembre 2002, Alain X..., salarié de la société Sollac Lorraine, a fait une chute mortelle alors que, pour l'exécution d'une mission d'inspection, il venait d'emprunter une plate- forme métallique mise hors service, dont la dangerosité n'était pas signalée et qui, du fait de sa corrosion, a cédé sous son poids ; que la société Sollac Lorraine a été poursuivie du chef d'homicide involontaire, en raison de l'inobservation de dispositions relatives à la sécurité des travailleurs ;
Attendu que pour dire la prévention établie, l'arrêt, confirmant le jugement entrepris sur la culpabilité, prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que les juges du fond l'aient déclarée coupable du délit d'homicide involontaire sans préciser l'identité de l'auteur des manquements constitutifs du délit, dès lors que cette infraction n'a pu être commise, pour le compte de la société, que par ses organes ou représentants ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-35, 131-48 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ; (…)
Vu l' article 131-35 du code pénal, ensemble l'article 111-3 du même code ;
Attendu que les juges ne peuvent prononcer une peine d'une durée supérieure à celle fixée par la loi ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir déclaré établi le délit poursuivi, a, notamment, ordonné l'affichage de la décision dans les locaux de la société Sollac Lorraine pendant trois mois ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que la peine d'affichage encourue par la personne morale déclarée coupable du délit d'homicide involontaire prévu par l'article 221-6 du code pénal ne peut excéder la durée de deux mois, en application de l'article 131-35 du même code, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; qu'elle aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer la règle de droit, ainsi que le permet l'article L. 131-5 du code de l'organisation judiciaire, et de mettre fin au litige ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE

Publication : Bulletin criminel 2006 N° 188 p. 669
JCP G 2006, II, 10199, note E. DREYER
Droit pénal, 2006-10, n° 10, p. 20-21, obs. M. VERON.
Dalloz, 2007-03-01, n° 9, p. 617-620, obs. J.-C. SAINT-PAU.