Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 11 mars 1993

ARRÊT N° 1
REJET du pourvoi commun formé par Pellegrino Renaud dit Renaud, La SA Renaud Pellegrino, parties civiles, contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 21 mai 1990 qui, dans la procédure suivie contre Maurice L. du chef de contrefaçon, après relaxe du prévenu, les a déboutés de leurs demandes.
LA COUR,
(…)
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Maurice L., président de la Société française des Nouvelles Galeries, est poursuivi pour avoir reproduit ou fait reproduire, diffusé ou fait diffuser, sans y être régulièrement autorisé par Renaud Pellegrino et la société du même nom, titulaires des droits, une création artistique relevant du domaine des industries saisonnières de l'habillement et de la parure, en l'espèce un sac à main modèle " Goéland " ;
Attendu que, pour relaxer le prévenu, la cour d'appel retient que n'ayant pas, en raison de l'importance de la société, la possibilité de gérer personnellement tous les secteurs d'activité commerciale de celle-ci, il avait consenti une délégation de pouvoirs au directeur responsable du secteur commercial de l'habillement, " personne compétente, investie de l'autorité nécessaire " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ;
Qu'en effet, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.

ARRÊT N° 2
REJET du pourvoi formé par D. Anselme, contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre correctionnelle, en date du 25 avril 1991, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 1 000 francs d'amende avec sursis, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
(…)
Attendu qu'il est reproché à Anselme D., gérant de la société Willemse, société de vente par correspondance, d'avoir fait diffuser un document publicitaire comportant des allégations fausses ou de nature à induire en erreur, en laissant croire à chaque destinataire qu'il avait gagné le premier prix de 80 000 francs alors que la très grande majorité d'entre eux ne recevrait qu'un lot de consolation ;
Attendu que, pour déclarer le susnommé coupable de l'infraction poursuivie, les juges relèvent que le message développé en première page du document précité traduit par son ambiguïté la volonté évidente d'induire en erreur le consommateur qui peut tout aussi bien penser qu'il a d'ores et déjà gagné 80 000 francs ou qu'il les a peut-être gagnés ; qu'ils en déduisent que le mode de présentation, les éléments de fond et de forme de cette publicité n'ont pour autre but que de créer l'imprécision et la confusion dans l'esprit du consommateur ; qu'ils observent qu'il appartenait au prévenu de veiller personnellement au respect de la réglementation en vigueur ;
Attendu que, pour écarter l'argumentation de ce dernier faisant état de l'existence d'une délégation de pouvoirs, la cour d'appel énonce que si la preuve d'une telle délégation n'est soumise à aucune forme particulière, celle-ci incombe au prévenu lequel, en l'espèce, se contente de soutenir que ladite délégation était orale, sans produire le moindre élément à l'appui de ses allégations ; qu'elle conclut que cette preuve n'est pas rapportée ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes de contradiction et qui relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments le délit reproché ;
Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.

Les arrêts suivants reprennent des formules identiques aux 2 précédents :

ARRÊT N° 3
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par R. Daniel, contre l'arrêt de la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, en date du 17 décembre 1990, qui, pour publicité de nature à induire en erreur, l'a condamné à 30 000 francs d'amende et à des mesures de publication.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44 et suivants de la loi du 27 décembre 1973, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
(…)
Vu lesdits articles ;
Attendu que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;
Attendu que Daniel R., gérant de la société Inter-Sélection, spécialisée dans la vente par correspondance, est poursuivi pour publicité de nature à induire en erreur à raison de la diffusion de documents publicitaires portant proposition de la participation à un jeu de loterie accompagnée d'un bon de " commande-participation " ;
Attendu que, répondant aux conclusions du prévenu faisant état d'une délégation de pouvoirs consentie au directeur commercial de la société, la cour d'appel se borne à énoncer que les faits visés à la prévention concernant un élément essentiel de la politique économique de la société, qui engage nécessairement la responsabilité pénale personnelle du chef d'entreprise, indépendamment de toute délégation de pouvoirs, il y a lieu de rejeter l'argument ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans examiner la valeur et l'étendue de la délégation de pouvoirs invoquée, la cour d'appel a méconnu le principe susénoncé ; que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés :
CASSE ET ANNULE

ARRÊT N° 4
CASSATION sur le pourvoi formé par B. Raymond, contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 19 décembre 1990, qui, pour achats sans factures et reventes à perte, l'a condamné à la peine de 20 000 francs d'amende.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 31, 32 et 50 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, 26 du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, 1 et 4 de la loi du 2 juillet 1963, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
Vu lesdits articles ;
Attendu que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que, pour écarter les conclusions dont elle était saisie et déclarer Raymond B. coupable en qualité de président de la SA Vadis, exploitante d'un supermarché, d'achats sans factures et de reventes à perte, la cour d'appel relève que le dirigeant de l'entreprise ne saurait, par une délégation de pouvoirs, s'exonérer en matière économique de la responsabilité pénale découlant de ses devoirs de direction, de contrôle et de surveillance et notamment de ses obligations relatives à la facturation et au calcul des prix de vente ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, sans examiner la valeur et l'étendue des délégations de pouvoirs invoquées par le prévenu, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe susénoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE

ARRÊT N° 5
CASSATION sur le pourvoi formé par le procureur général près la cour d'appel de Bourges, contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 1992 qui, dans les poursuites exercées du chef de revente à perte contre Noël A. et l'hypermarché Carrefour pris comme solidairement responsable, a relaxé le prévenu.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, de l'article 32 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, insuffisance de motifs et manque de base légale :
Vu lesdits articles, ensemble l'article 1er de la loi du 2 juillet 1963 ;
Attendu, d'une part, que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu, d'autre part, que, sauf si la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour relaxer Noël A., directeur du magasin Carrefour, du chef de revente à perte, la cour d'appel, après avoir relevé l'existence d'une délégation de pouvoirs consentie au responsable du service épicerie du magasin, aux termes de laquelle ce dernier est chargé de veiller au respect des " règles applicables pour la fixation des prix de vente aux consommateurs ", se borne à énoncer que le prévenu ne peut être tenu pour pénalement responsable de l'infraction qui lui est reprochée, compte tenu de cette délégation ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si le titulaire de la délégation de pouvoirs, était bien investi de la compétence et de l'autorité nécessaires et doté des moyens propres à l'accomplissement de sa tâche, et alors que l'infraction poursuivie reposait sur la fixation des prix de revente des produits, étroitement liée à la détermination de leur prix d'achat effectif, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;
Que la cassation est, dès lors, encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin criminel 1993 N° 112 p. 270
RSC 1994, p. 101, Bouloc
Semaine Juridique, Edition entreprise, 1994-04-28, n° 17, p. 99