Cour de cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 28 février 1956 Cassation
LA COUR,
Vu la requête du procureur général ; Vu l'article 442 du
Code d'instruction criminelle ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 25 de la
loi du 15 avril 1829, modifié par la loi du 9 février 1949 ; Vu
ledit article ;
Attendu que l'article 25 de la loi du 15 avril 1829, modifié par la loi
du 9 février 1949, punit des peines correctionnelles qu'il édicte
quiconque aura jeté dans les eaux des drogues ou appâts qui sont
de nature à enivrer le poisson ou à le détruire ; que le
même article ajoute, dans son troisième alinéa, qu'aucune
transaction par l'Administration n'est possible pour cette infraction, sauf
s'il s'agit de pollution involontaire provoquée par des déversements
industriels ;
Attendu qu'après avoir exposé que le 7 mai 1949, les eaux de la
rivière la Fecht ont été polluées, en aval de la
papeterie Scherb, par un écoulement d'eaux résiduaires déversées
par l'égoût de ladite usine, et qu'il en est résulté
la destruction de très nombreux poissons, l'arrêt attaqué,
pour relaxer W., gérant-directeur de l'entreprise, de la prévention
de déversement dans un cours d'eau de substances nuisibles au poisson,
énonce que le susnommé avait "doté l'usine Scherb
d'une installation moderne de décantation des eaux résiduaires
donnant toutes satisfactions et suffisante en tout cas puisque le fait reproché
au prévenu est sans précédent si bien que les importantes
quantités de poissons détruits accidentellement ont pu vivre en
temps normal dans les eaux de la Fecht", ajoutant que "la pollution
des eaux est due à un accident imprévisible qui s'est produit
en l'absence du prévenu" ;
Mais attendu que contrevient aux dispositions de l'article 25 de la loi du
15 avril 1829, modifié par la loi du 9 février 1949, quiconque
a déversé volontairement, dans un cours d'eau, des substances,
quelles qu'elles soient, de nature à enivrer le poisson ou à le
détruire et quels qu'aient été, d'ailleurs les mobiles
qui ont guidé l'auteur de ce déversement ;
Que, d'autre part, si en principe, nul n'est passible de peines qu'à
raison de son fait personnel,
la responsabilité pénale peut cependant naître du fait d'autrui
dans les cas exceptionnels où certaines obligations légales imposent
le devoir d'exercer une action directe sur les faits d'un auxiliaire ou d'un
subordonné ; que, notamment, dans les industries soumises
à des règlements édictés dans un intérêt
de salubrité ou de sûreté publiques, la responsabilité
pénale remonte essentiellement aux chefs d'entreprise, à qui sont
personnellement imposés les conditions et le mode d'exploitation de leur
industrie ;
Attendu, en conséquence, que l'arrêt attaqué qui constate
d'une part, qu'un déversement d'eaux résiduaires nuisibles au
poisson et provenant de la papeterie Scherb a été volontairement
effectué, le 7 mai 1949, dans la rivière la Fecht, et que ce déversement
a, en fait, causé la destruction du poisson, d'autre part, que W. était
le gérant directeur de ladite papeterie, n'a pas donné une base
légale à sa décision de relaxe et par suite violé
le texte visé au moyen ;
Par ces motifs : CASSE ET ANNULE, mais dans le seul intérêt de
la loi et sans renvoi, l'arrêt de la Cour d'appel de Colmar, du 13 juillet
1951.
Publication : Bulletin 1956 n° 205
Grands arrêts n° 37
JCP 1956 II p. 9304, note DE LESTANG.