Arrêt Baldus : Cour de cassation chambre civile 1
Audience publique du mercredi 3 mai 2000

N° de pourvoi: 98-11381
Publié au bulletin Cassation.

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1116 du Code civil ;

Attendu qu'en 1986, Mme Y... a vendu aux enchères publiques cinquante photographies de X... au prix de 1 000 francs chacune ; qu'en 1989, elle a retrouvé l'acquéreur, M. Z..., et lui a vendu successivement trente-cinq photographies, puis cinquante autres photographies de X..., au même prix qu'elle avait fixé ; que l'information pénale du chef d'escroquerie, ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile de Mme Y..., qui avait appris que M. X... était un photographe de très grande notoriété, a été close par une ordonnance de non-lieu ; que Mme Y... a alors assigné son acheteur en nullité des ventes pour dol ;

Attendu que pour condamner M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 1 915 000 francs représentant la restitution en valeur des photographies vendues lors des ventes de gré à gré de 1989, après déduction du prix de vente de 85 000 francs encaissé par Mme Y..., l'arrêt attaqué, après avoir relevé qu'avant de conclure avec Mme Y... les ventes de 1989, M. Z... avait déjà vendu des photographies de X... qu'il avait achetées aux enchères publiques à des prix sans rapport avec leur prix d'achat, retient qu'il savait donc qu'en achetant de nouvelles photographies au prix de 1 000 francs l'unité, il contractait à un prix dérisoire par rapport à la valeur des clichés sur le marché de l'art, manquant ainsi à l'obligation de contracter de bonne foi qui pèse sur tout contractant et que, par sa réticence à lui faire connaître la valeur exacte des photographies, M. Z... a incité Mme Y... à conclure une vente qu'elle n'aurait pas envisagée dans ces conditions ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2000 I N° 131 p. 88

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 15 novembre 2000

N° de pourvoi: 99-11203
Publié au bulletin Rejet.

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 décembre 1998), que, suivant un acte des 7 et 13 mai 1996, les consorts Z... X... se sont engagés à vendre une parcelle à M. Y... avec faculté pour celui-ci de se substituer toute personne physique ou morale de son choix ; que la réitération par acte authentique, qui devait intervenir au plus tard le 1er juillet 1996, n'ayant pas eu lieu, la société Carrières de Brandefert, substituée à M. Y..., a assigné les consorts Z... X... pour se faire reconnaître la qualité de propriétaire de la parcelle ; que les consorts Z... X... se sont prévalus de la nullité de la vente pour dol ;

Attendu que la société Carrières de Brandefert fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :

1° que le dol suppose une erreur provoquée ; que tel n'est pas le cas lorsque le vendeur ayant offert le bien à la vente par l'intermédiaire d'un notaire, un acquéreur accepte d 'acheter ledit bien sans indiquer au vendeur offrant le projet qu'il compte faire dudit bien, en l'occurrence exploiter une carrière (violation de l'article 1116 du Code civil) ;

2° que la bonne foi contractuelle ne va pas jusqu'à imposer à l'acquéreur d'informer son vendeur des qualités de la chose vendue et de la destination projetée de celle-ci ; qu'ainsi, la société Carrières de Brandefert n'avait pas à informer les vendeurs de ce que le terrain pouvait être exploité pour un usage de carrière (violation de l'article 1134 et 1176 du Code civil) ;

3° que la clause de substitution d'acquéreur, licite, n'est pas de nature à caractériser un dol de celui-ci, l'acquéreur effectif n'ayant nulle obligation de révéler son identité aux vendeurs ayant accepté la clause de substitution (violation de l'article 1116 du Code civil) ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les vendeurs ignoraient la qualité du sous-sol de leurs terres, que l'acte de vente avait été signé sans que M. Y... ne révèle pour le compte de qui il contractait, que le fait qu'une clause de substitution ait été prévue ne pouvait justifier que la société Carrières de Brandefert se soit dissimulée derrière un prête-nom, son propre directeur général, alors qu'elle avait connaissance de la richesse de la composition du sol, qu'elle s'était tue, jusqu'à la signature du " compromis ", sur son projet d'exploitation, maintenant ses cocontractants dans l'ignorance et que le projet d'acte authentique qu'elle entendait soumettre aux vendeurs stipulait que l'immeuble était destiné pour partie à l'habitation et le surplus à usage agricole, la cour d'appel a pu en déduire que le dol était constitué ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.

Publication : Bulletin 2000 III N° 171 p. 119

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 17 janvier 2007

N° de pourvoi: 06-10442
Publié au bulletin Cassation

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1116 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 27 octobre 2005), que M. X..., marchand de biens, bénéficiaire de promesses de vente que M. Y... lui avait consenties sur sa maison, l'a assigné en réalisation de la vente après avoir levé l'option et lui avoir fait sommation de passer l'acte ;

Attendu que pour prononcer la nullité des promesses de vente, l'arrêt retient que le fait pour M. X... de ne pas avoir révélé à M. Y... l'information essentielle sur le prix de l'immeuble qu'il détenait en sa qualité d'agent immobilier et de marchand de biens, tandis que M. Y..., agriculteur devenu manoeuvre, marié à une épouse en incapacité totale de travail, ne pouvait lui-même connaître la valeur de son pavillon, constituait un manquement au devoir de loyauté qui s'imposait à tout contractant et caractérisait une réticence dolosive déterminante du consentement de M. Y..., au sens de l'article 1116 du code civil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Publication : Bulletin 2007, III, n° 5, p. 3

En matière de droit des sociétés : Cour de cassation chambre commerciale
Audience publique du mardi 17 juin 2008

N° de pourvoi: 07-15398
Non publié au bulletin Rejet

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir prononcé la nullité des contrats de cession des parts de la SCI, alors, selon le moyen :

1°/ que vaut confirmation de la cession de parts sociales à des tiers étrangers à la société civile la signature apposée par un associé au bas du procès-verbal d'assemblée générale constatant la cession de parts, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil ;

2°/ qu'à défaut d'acte de confirmation ou ratification, il suffit que l'obligation soit exécutée volontairement après l'époque à laquelle l'obligation pouvait être valablement confirmée ou ratifiée ; qu'en se bornant à constater, en se fondant uniquement sur l'article 1338, alinéa 1er, du code civil, que "ne saurait donc valoir acceptation de la délibération litigieuse le seul fait, en l'absence de toute mention explicite, que Mme Z... ait apposé sa signature a posteriori" sur le procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 10 juin 1993, sans rechercher, comme elle y était expressément invitée, si la signature a posteriori par Mme Z... du procès-verbal de l'assemblée générale extraordinaire du 10 juin 1993, ainsi que la participation de cette dernière aux autres assemblées générales de la SCI, avec les cessionnaires des parts de M. Y... et sans avoir élevé la moindre contestation à ce sujet, pendant plus de deux ans, n'impliquait pas nécessairement la confirmation tacite de son consentement quant à la cession litigieuse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1338 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant énoncé que la confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer, la cour d'appel qui relève, par motifs propres et adoptés, qu'il ne résultait pas des pièces versées aux débats que Mme G..., absente lors de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI, avait montré une intention univoque de ratifier la procédure suivie par certains associés pour vendre leurs parts, sa seule signature a posteriori au bas du procès-verbal de cette assemblée générale ne pouvant valoir, en l'absence de toute mention explicite, acceptation de la délibération litigieuse, pour en déduire que les cessions des parts de la SCI étaient nulles, a statué à bon droit et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen du pourvoi principal et sur le second moyen du pourvoi incident, réunis :

Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt d'avoir jugé qu'ils avaient commis une faute dolosive, alors, selon le moyen :

1°/ que l'erreur des acheteurs sur la valeur des parts sociales cédées résultant de la mauvaise situation financière d'une société ne peut justifier l'allocation de dommages-intérêts, de sorte qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé les articles 1116 et 1382 du code civil ;

2°/ que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'en n'ayant pas constaté l'imputabilité à M. X... de manoeuvres destinées à vicier le consentement des cessionnaires des parts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du code civil ;

3°/ que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à constater que "les intéressés n'auraient pas acquis ces parts sociales de la SCI Grand Format s'ils avaient été renseignés sur la situation financière exacte de celle-ci" ; qu'en statuant ainsi, sans avoir constaté l'existence, de la part de M. Y..., de manoeuvres destinées à provoquer une erreur de nature à vicier le consentement des cessionnaires, la cour d'appel a violé l'article 1116 du code civil ;

4°/ que l'obligation d'information du cédant à l'égard du cessionnaire, professionnel averti, n'existe que dans la mesure où la compétence de celui-ci ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des engagements pris ; que, pour rejeter les écritures de M. Y... qui faisaient valoir que M. E... était un chef d'entreprise confirmé, comme l'attestaient de nombreux articles de presse produits aux débats vantant la carrière exceptionnelle de ce jeune chef d'entreprise, la cour d'appel s'est bornée à constater "que M. E... avait certaines connaissance en matière économique, mais n'avait subi aucune formation en droit des sociétés lui permettant d'avoir connaissance du premier alinéa de l'article 1857 du code civil" ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1615 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'erreur du cessionnaire sur la valeur des titres sociaux, dès lors qu'elle a été provoquée par une manoeuvre du cédant, peut donner lieu au prononcé de la nullité de l'acte de cession pour dol ; qu'en relevant, par motifs propres et adoptés, que la détection de graves difficultés financières de la SCI en 1993, ayant conduite cette dernière à la cessation des paiements, suivie de la vente, la même année, par MM. X... et Y... de leurs parts sociales, traduisait chez ces derniers la volonté de se désengager rapidement d'une société qui périclitait d'une manière certaine, au détriment de cessionnaires vulnérables, ignorant tout de la vie des affaires, des risques encourus par un associé d'une société civile ainsi que des perspectives économiques réelles de la société, la cour d'appel, qui en a déduit que MM. X... et Y... avaient commis une réticence dolosive, dès lors que les cessionnaires n'auraient pas acquis ces parts sociales s'ils avaient été renseignés sur la situation financière exacte de la SCI, a statué à bon droit et a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pris en ses trois premières branches, n'est pas fondé ;

Et attendu, en second lieu, que l'obligation d'information pesant sur le cédant de titres sociaux n'est réduite que lorsque le cessionnaire est parfaitement informé de la situation économique de la société ou qu'il disposait de tous les éléments lui permettant d'apprécier, avant la cession, les risques encourus ; qu'après avoir relevé que si M. E... avait des connaissances en matière économique, il ne disposait pas pour autant d'une formation en droit des sociétés lui permettant de connaître la règle de la responsabilité indéfinie de l'associé d'une société civile à l'égard des tiers, l'arrêt retient que M. E... avait fait confiance à M. Y... en croyant, de bonne foi, en la prospérité de la SCI et en ses chances de développement futur; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen, pris en sa dernière branche, n'est pas fondé ;

Et, sur le quatrième moyen du pourvoi principal :

Mais attendu que ce moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE

RTDCiv. 2008, p. 671