Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 13 janvier 1999 Rejet.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 mai 1996), que, suivant
un acte du 8 janvier 1980, Mme X... a vendu une propriété à
la société Jojema ; que, par acte du 7 mai 1991, Mme X... a assigné
la société Jojema en annulation de la vente pour violence morale
;
Attendu que la société Jojema fait grief à l'arrêt
d'accueillir cette demande alors, selon le moyen, d'une part, que les juges ne
peuvent prononcer la nullité d'une convention sur le fondement des articles
1111 et suivants du Code civil qu'après avoir recherché si la violence
qu'ils retiennent présente bien un caractère déterminant
pour le consentement de la prétendue victime, la seule constatation de
cette violence étant en elle-même insuffisante ; qu'en la cause,
les juges du fond se sont bornés à affirmer que Mme X... avait subi
des violences physiques et morales sans préciser, comme ils y étaient
invités par la société Jojema, en quoi la violence prétendument
exercée avait déterminé le consentement de l'appelante à
vendre le bien objet du litige ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a privé
sa décision de base légale au regard des articles 1111 et suivants
du Code civil, d'autre part, que les actes argués de violence doivent être
antérieurs ou concomitants à l'expression du consentement, qu'en
se déterminant au seul regard d'éléments sporadiques, vagues
et très espacés dans le temps (de 1972 à 1987), ou précis
mais postérieurs (avril-mai 1980, 1982, 1985 et 1986) à la vente
survenue le 8 janvier 1980, la cour d'appel n'a pas établi de lien temporel
direct entre les pratiques relevées et l'expression du consentement, violant
ainsi les articles visés au précédent grief ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que Mme X... avait subi, de la part
des membres de la communauté animée par Roger Melchior, depuis 1972
et jusqu'en novembre 1987, date de son départ, des violences physiques
et morales de nature à faire impression sur une personne raisonnable et
à inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal
considérable et présent, alors que séparée de son
époux et ayant à charge ses enfants, elle était vulnérable
et que ces violences l'avaient conduite à conclure l'acte de vente de sa
maison en faveur de la société Jojema afin que les membres de la
communauté fussent hébergés dans cet immeuble, la cour d'appel,
qui pouvait se fonder sur des éléments d'appréciation postérieurs
à la date de formation du contrat, a légalement justifié
sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Publication : Bulletin 1999 III N° 11 p. 7
Le Dalloz, 2000-01-27, n° 4, p. 76, note C. WILLMANN.