Cour de Cassation
Chambre civile 3
Audience publique du 2 octobre 1974
rejet
sur les deux moyens réunis :

attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaque que, par acte sous seing prive du 6 octobre 1970, marcel Jacob agissant comme mandataire des époux paul Jacob, a acheté à Goutailler et a dame Amblard son ex-épouse, une maison d'habitation et un terrain, pour le prix de 95 000 francs sur lequel il a verse un accompte de 10 000 francs ; que cet accord, conclu notamment sous la condition suspensive de l'octroi par un organisme financier d'un prêt de 60 000 francs aux époux paul Jacob, devait être réitéré par acte notarié au plus tard le 1er décembre 1970 ;

qu'il était stipule que lesdits époux supporteraient les servitudes passives de toute nature pouvant grever les biens vendus et qu'en cas de défaillance des acquéreurs, les vendeurs auraient la faculté d'exiger la réalisation de la vente ou de conserver l'acompte a titre de dédit ;

que le 22 avril 1971, marcel Jacob faisait connaitre au notaire que le prêt envisage n'avait pu être obtenu et que, venant d'apprendre la prochaine installation d'une porcherie de 400 porcs a cent mètres de la maison, alors que, s'il en avait été informe, son fils Paul n'eut jamais accepte d'acheter une telle maison de campagne en raison des inconvénients et des odeurs, notamment en plein été au moment des vacances, il renonçait a son acquisition ;

que ce désaccord ayant persiste entre acquéreurs et vendeurs, ces derniers ont vendu la maison et le terrain a un tiers au prix de 80 000 francs ;

que l'arrêt attaque a condamne Goutailler et dame Amblard a restituer aux époux Paul Jacob l'acompte de 10 000 francs ;

attendu qu'il est fait grief audit arrêt d'avoir, au motif d'une réticence dolosive des vendeurs, écarte l'application de la clause de non-garantie des servitudes passives insérée au contrat, alors, selon les demandeurs au pourvoi, qu'aucun élément intentionnel n'a été relevé a l'encontre des vendeurs, que la réticence non accompagnée de manoeuvres destinées a induire le cocontractant en erreur n'est pas constitutive du dol au sens de l'article 1116 du code civil, la connaissance par le vendeur de la création régulière de la porcherie n'impliquant ni l'existence de ces manoeuvres ni l'ignorance de l'acquéreur, d'autant que cette porcherie sur un terrain voisin ne constitue pas une servitude et n'affecte pas une qualité substantielle de l'immeuble vendu, qu'en outre en s'abstenant de se prononcer sur le point de savoir si les époux Jacob se seraient portes acquéreurs en connaissance de la situation, les juges du fond n'ont pas recherche si le comportement impute au vendeur avait été la cause déterminante de la signature de l'acte et n'ont pas établi le rapport de causalité entre la prétendue réticence dolosive du vendeur et le consentement des acquéreurs ;

qu'il est encore reproche a l'arrêt d'avoir refuse d'appliquer la clause du contrat qui, en cas de défaillance des acquéreurs, donnait aux vendeurs la faculté de conserver a titre de dédit l'acompte verse, alors, selon le pourvoi, qu'aux termes de la promesse synallagmatique de vente sous condition suspensive, il était expressément prévu que les acquéreurs prendraient les immeubles vendus dans leur état actuel et supporteraient les servitudes passives de toute nature pouvant grever ces immeubles et que, si la défaillance provenait des acquéreurs, les vendeurs auraient le choix, soit d'exiger la réalisation de la vente, soit de conserver a titre de dédit l'acompte verse ;

mais attendu que le dol peut être constitue par le silence d'une partie dissimulant a son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêche de contracter ;

que, des lors qu'elle a déterminé le consentement du cocontractant, l'erreur provoquée par le dol peut être prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance de la chose qui fait l'objet du contrat ;

attendu que la cour d'appel relève que des qu'il a été informe de la protestation des acquéreurs faisant état de la création de la porcherie, Goutailler, loin d'invoquer sa propre ignorance, a indique la date de l'arrêté préfectoral ayant autorise cette création et s'est contente de prétendre que Jacob "était censé en connaitre l'existence" et avait accepte de supporter toutes les servitudes passives grevant les biens vendus ;

que connaissant le projet de création de cet établissement incommode et insalubre, qui allait nécessairement causer des troubles graves dans la jouissance d'une maison de campagne située a proximité immédiate, Goutailler a non seulement garde le silence devant son acquéreur mais a pris soin d'imposer, lors de la conclusion de la convention du 6 octobre 1970, l'insertion d'une clause de non-garantie qui prenait toute sa valeur "dans la circonstance qu'il était le seul a connaitre" ;

attendu que, de ces constatations, les juges d'appel ont pu, sans encourir les critiques formulées par le pourvoi, déduire que la réticence du vendeur présentait un caractère dolosif et qu'elle avait induit les acquéreurs, citadins a la recherche d'une maison de campagne, en erreur sur un élément déterminant de leur consentement ;

que ce vice du consentement affectant la validité du contrat, c'est a bon droit qu'a été refuse aux vendeurs le bénéfice des clauses dudit contrat dont ils persistaient a se prévaloir pour tenter de se garantir des conséquences de leur propre réticence et pour conserver l'acompte verse par les victimes de leur comportement dolosif ;

d'où il suit que la cour d'appel ayant par les seuls motifs précités légalement justifie sa décision, les moyens ne sont pas fondes ;

par ces motifs : rejette le pourvoi forme contre l'arrêt rendu le 1er mars 1973, par la cour d'appel de Riom.


Publication : Bulletin des arrêts Cour de Cassation Chambre civile 3 N. 330 P. 251