COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE.
11 avril 2012.

Pourvoi n° 11-15.429
REJET
Publié au bulletin.

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 7 décembre 2010), que Mme X... a souscrit le 3 juillet 2002, pour financer l'acquisition d'équipements médicaux destinés à l'exercice de son activité d'infirmière libérale deux contrats de crédit-bail auprès de la société BNP Paribas et deux contrats de crédit-bail auprès de la société Lixxbail, ces quatre contrats représentant une charge totale mensuelle de 1 529,82 euros toutes taxes comprises ; que les matériels fournis par la société Formes et performances ont été livrés à Mme X..., qui a signé un procès-verbal de réception ; que cette dernière ayant cessé de payer les loyers à compter du mois de novembre 2003, la société Lixxbail lui a notifié la résiliation des contrats et fait procéder à la saisie des matériels qui ont été revendus pour la somme de 0,18 euro chacun ; que le tribunal d'instance a déclaré recevable l'opposition de Mme X... aux ordonnances d'injonction de payer prononcées à son encontre ; que devant le tribunal de grande instance, Mme X... a demandé l'annulation des contrats de crédit-bail, invoquant une erreur substantielle et recherché subsidiairement la responsabilité du crédit-bailleur pour manquement à ses obligations d'information et de conseil ;

Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande d'annulation des contrats conclus avec la société Lixxbail, alors, selon le moyen :
1º/ que constitue une qualité essentielle toute caractéristique du bien entrée dans le champ contractuel qui détermine son usage ; qu'en jugeant, pour débouter Mme X... de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que "Mme X... en faisant valoir que la colonne d'électrothérapie et la colonne bilan louées à la société Fores et performances ne répondaient pas à ses besoins dans son activité paramédicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels" sans rechercher si la destination commerciale n'était pas inhérente aux biens donnés à bail et entrée dans le champ contractuel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1110 du code civil ;
2º/ que Mme X... faisait valoir, dans ses conclusions, que le matériel donné à bail ne pouvait être utilisé que par un médecin ; qu'en se bornant à juger pour débouter Mme X... de sa demande de nullité du contrat de crédit-bail que l'inadéquation du matériel "à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural" n'était pas une qualité substantielle des biens objet du contrat litigieux, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'erreur sur un motif du contrat extérieur à l'objet de celui-ci n'est pas une cause de nullité de la convention, quand bien même ce motif aurait été déterminant, à moins qu'une stipulation expresse ne l'ait fait entrer dans le champ contractuel en l'érigeant en condition du contrat ; qu'après avoir énoncé que l'erreur n'est une cause de nullité du contrat que lorsqu'elle porte sur les qualités substantielles de la chose qui en est l'objet, et que seule l'erreur excusable peut entraîner la nullité d'une convention, l'arrêt retient que Mme X..., en faisant valoir que les équipements litigieux ne répondaient pas à ses besoins dans son activité para-médicale d'infirmière en milieu rural, n'invoque aucune erreur sur les qualités substantielles de ces matériels, mais se borne à constater leur inadéquation à cette activité ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'erreur invoquée par le preneur ne portait pas sur les qualités substantielles des matériels litigieux, mais sur les motifs de leur acquisition, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en responsabilité contre la société Lixxbail, alors, selon le moyen :
1º/ que la qualité de client averti ne saurait se déduire de ce que ce dernier a volontairement agi dans le cadre de son activité professionnelle ; qu'en affirmant que Mme X... avait "agi en qualité de cliente avertie" aux motifs inopérants qu'elle n'aurait pas été démarchée par la société Lixxbail et qu'elle avait choisi de prendre à bail du matériel pour les besoins de son activité professionnelle sans préciser en quoi elle était suffisamment qualifiée pour mesurer, au regard de ses capacités financières, les risques de l'endettement nés du crédit-bail litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2º/ qu'un établissement de crédit qui propose un montage financier qu'il a réalisé ou auquel il a contribué doit faire état des risques inhérents à l'opération conçue ; qu'en jugeant que la société Lixxbail n'avait pas manqué à son obligation d'information au motif inopérant qu'elle n'aurait pas "démarché" Mme X... sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'opération de financement n'avait pas été conçue par l'établissement de crédit et si ce dernier n'était pas ainsi tenu, nonobstant la qualité d'emprunteur averti de Mme X..., de l'informer des risques inhérents à investissement ainsi réalisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient, d'un côté, que Mme X..., qui agissait en tant qu'infirmière travaillant en mode libéral, avait fait le choix de prendre en crédit-bail divers matériels pour les besoins de son activité professionnelle, de l'autre, qu'elle pouvait choisir à son gré le mode de financement approprié pour les matériels de son cabinet et était en mesure d'apprécier les risques d'endettement nés de l'octroi des crédits souscrits, eu égard à sa capacité financière, enfin, qu'elle ne justifie pas que la banque aurait eu sur cette situation financière des informations qu'elle-même aurait ignorées, et qu'elle a agi en cliente avertie ; qu'ayant par ces constatations et appréciations fait ressortir que Mme X... était un emprunteur averti et que le crédit-bailleur ne disposait pas, sur sa situation financière, de renseignements qu'elle aurait ignorés, ce dont il résultait que la société Lixxbail n'était pas tenue d'une obligation de mise en garde, la cour d'appel a, abstraction faite du motif surabondant critiqué à la seconde branche, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;