Cour de Cassation Chambre sociale
Audience publique du 19 décembre 1989 Cassation

Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches et sur le troisième moyen pris en sa première branche :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) a conclu le 4 janvier 1982 avec plusieurs organisations syndicales de salariés un accord social " sur la réduction du temps de travail, l'emploi et les rémunérations " ; que les parties sont notamment convenues qu'à partir du 1er janvier 1982 la durée hebdomadaire de travail était fixée à 39 heures et que cette durée serait de 38 heures à compter du 1er décembre 1982 ; qu'en outre, à partir du 1er janvier 1982, cette durée était fixée à 38 heures et, à partir du 1er décembre 1982, à 37 heures, pour les salariés travaillant en service continu ; que ces réductions du temps de travail s'appliquaient " avec maintien des rémunérations " ; qu'il a été aussi décidé que les partenaires sociaux se rencontreraient ultérieurement pour examiner le bilan des dispositions déjà adoptées et rechercher les mesures " qui pourraient être prises en matière de durée hebdomadaire du travail " mais qu'" en tout état de cause, l'objectif des 35 heures sera atteint pour tous en 1985 " ;
Attendu que la COGEMA n'ayant pas accepté de procéder à de nouvelles réductions du temps de travail sans diminution corrélative des salaires, l'horaire hebdomadaire de 35 heures n'est entré en vigueur ni en 1985, ni postérieurement ; que l'Union fédérale des syndicats du nucléaire CFDT a assigné la COGEMA pour la faire condamner sous astreinte à réduire à 35 heures la durée hebdomadaire du travail dans l'entreprise en application de l'accord social du 4 janvier 1982 ;
Attendu que l'arrêt infirmatif attaqué, pour décider que l'accord susvisé contient un engagement réciproque des parties signataires d'appliquer le régime des 35 heures à l'ensemble du personnel en 1985, tout en renvoyant les partenaires sociaux à négocier sur les modalités d'application et les effets de l'accord, en particulier sur les rémunérations, a énoncé que la clause selon laquelle " en tout état de cause, l'objectif des 35 heures sera atteint pour tous en 1985 " liait définitivement les parties et s'analysait, non pas en une obligation de moyens, mais en une obligation de résultat ;
Attendu cependant que la clause litigieuse, qui ne détermine pas à quelles conditions précises la durée hebdomadaire de travail sera réduite à 35 heures et quels seront les effets de cette réduction sur le montant des rémunérations, contrepartie du travail, ne constitue qu'un accord de principe ; que les parties, en vue de parfaire leur convention avaient, selon l'accord du 4 janvier 1982, contracté l'obligation de négocier sur la durée hebdomadaire du travail ; qu'en décidant qu'elles étaient déjà liées par une obligation de résultat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE,
Publication : Bulletin 1989 V N° 721 p. 434
Dalloz, 2 juillet 1991, N° 6 p. 62, note J. SCHMIDT-SZALEWSKI.