Sur le pourvoi dans l'intérêt de la loi formé par M. le
Procureur général près la Cour de Cassation :
Vu les articles 6 et 1128 du Code civil, ensemble l'article
353 du même Code ;
Attendu que, la convention par laquelle une femme s'engage, fût-ce
à titre gratuit, à concevoir et à porter un enfant pour
l'abandonner à sa naissance contrevient tant au principe d'ordre public
de l'indisponibilité du corps humain qu'à celui de l'indisponibilité
de l'état des personnes ;
Attendu selon l'arrêt infirmatif attaqué que Mme X..., épouse
de M. Y..., étant atteinte d'une stérilité irréversible,
son mari a donné son sperme à une autre femme qui, inséminée
artificiellement, a porté et mis au monde l'enfant ainsi conçu
; qu'à sa naissance, cet enfant a été déclaré
comme étant né de Y..., sans indication de filiation maternelle
;
Attendu que, pour prononcer l'adoption plénière de l'enfant par
Mme Y..., l'arrêt retient qu'en l'état actuel des pratiques scientifiques
et des moeurs, la méthode de la maternité substituée doit
être considérée comme licite et non contraire à l'ordre
public, et que cette adoption est conforme à l'intérêt de
l'enfant, qui a été accueilli et élevé au foyer
de M. et Mme Y... pratiquement depuis sa naissance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que cette adoption n'était que l'ultime phase
d'un processus d'ensemble destiné à permettre à un couple
l'accueil à son foyer d'un enfant, conçu en exécution
d'un contrat tendant à l'abandon à sa naissance par sa mère,
et que, portant atteinte aux principes de l'indisponibilité du corps
humain et de l'état des personnes, ce processus constituait
un détournement de l'institution de l'adoption, la cour d'appel a violé
les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE
JCP 1991, II, 21752