Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Woessner, chirurgien, a mis son cabinet à la disposition
de son confrère, M. Sigrand, en créant avec lui une société
civile de moyens ; qu'ils ont ensuite conclu, le 15 mai 1991, une convention
aux termes de laquelle M. Woessner cédait la moitié de sa clientèle
à M. Sigrand contre le versement d'une indemnité de 500 000 francs
; que les parties ont, en outre, conclu une " convention de garantie d'honoraires
" par laquelle M. Woessner s'engageait à assurer à M. Sigrand
un chiffre d'affaires annuel minimum ; que M. Sigrand, qui avait versé
une partie du montant de l'indemnité, estimant que son confrère
n'avait pas respecté ses engagements vis-à-vis de sa clientèle,
a assigné celui-ci en annulation de leur convention ; que M. Woessner
a demandé le paiement de la somme lui restant due sur le montant conventionnellement
fixé ;
Attendu que M. Woessner fait grief à l'arrêt attaqué (Colmar,
2 avril 1998) d'avoir prononcé la nullité du contrat litigieux,
de l'avoir condamné à rembourser à M. Sigrand le montant
des sommes déjà payées par celui-ci et de l'avoir débouté
de sa demande en paiement du solde de l'indemnité prévue par la
convention, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en décidant que le
contrat était nul comme portant atteinte au libre choix de son médecin
par le malade, après avoir relevé qu'il faisait obligation aux
parties de proposer aux patients une " option restreinte au choix entre
deux praticiens ou à l'acceptation d'un chirurgien différent de
celui auquel ledit patient avait été adressé par son médecin
traitant ", ce dont il résultait que le malade conservait son entière
liberté de s'adresser à M. Woessner, à M. Sigrand ou à
tout autre praticien, de sorte qu'il n'était pas porté atteinte
à son libre choix, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences
légales de ses propres constatations en violation des articles 1128 et
1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en s'abstenant de rechercher
comme elle y était invitée, si l'objet du contrat était
en partie licite, comme faisant obligation à M. Woessner de présenter
M. Sigrand à sa clientèle et de mettre à la disposition
de celui-ci du matériel médical, du matériel de bureautique
et du matériel de communication, de sorte que l'obligation de M. Sigrand
au paiement de l'indemnité prévue par le contrat était
pour partie pourvu d'une cause, la cour d'appel a privé sa décision
de base légale au regard des articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil
;
Mais attendu que si la cession de la clientèle médicale,
à l'occasion de la constitution ou de la cession d'un fonds libéral
d'exercice de la profession, n'est pas illicite, c'est à
la condition que soit sauvegardée la liberté de choix du patient
; qu'à cet égard, la cour d'appel ayant souverainement retenu,
en l'espèce, cette liberté de choix n'était pas respectée,
a légalement justifié sa décision ; d'où il suit
que le moyen, mal fondé en sa première branche, est inopérant
en sa seconde ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
D.2001, p.2400