Cour de cassation
chambre mixte
Audience publique du 6 septembre 2002
N° de pourvoi: 98-22981
Publié au bulletin
Cassation partielle.
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a reçu
de la société de vente par correspondance Maison française
de distribution (la société) deux documents le désignant,
de façon nominative et répétitive, en gros caractères,
comme ayant gagné 105 750 francs, avec annonce d’un paiement immédiat,
pourvu que fût renvoyé dans les délais un bon de validation
joint ; que cette pièce fût aussitôt signée et expédiée
; que la société n’ayant jamais fait parvenir ni lot ni
réponse, M. X... l’a assignée en délivrance du gain
et, subsidiairement, en paiement de l’intégralité de la
somme susmentionnée pour publicité trompeuse, née de la
confusion entretenue entre gain irrévocable et pré-tirage au sort
; que l’Union fédérale des consommateurs Que Choisir (UFC)
a demandé le paiement d’une somme de 100 000 francs de dommages-intérêts
en réparation de l’atteinte portée à l’intérêt
collectif des consommateurs ;
que l’arrêt leur a respectivement accordé les sommes de 5
000 francs et un franc ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l’UFC fait grief à la cour d’appel d’avoir
limité à un franc la réparation de son préjudice,
alors, selon le moyen, que si les juges apprécient souverainement le
montant des dommages-intérêts dans la limite des conclusions des
parties, il leur appartient cependant d’évaluer le préjudice
d’après les éléments dont ils disposent, au besoin
après avoir ordonné toutes mesures utiles, sans pouvoir se borner
à allouer une indemnité symbolique en raison d’un montant
incertain du dommage ;
qu’en l’espèce, l’UFC Que Choisir, dont la mission
est de poursuivre la réparation de préjudices subis par une multitude
de consommateurs, invoquait le préjudice causé à l’intérêt
collectif des consommateurs du fait des procédés agressifs et
mensongers des sociétés par correspondance consistant à
faire croire aux consommateurs qu’ils ont gagné un lot important
pour obtenir des commandes et évaluait ce préjudice à la
somme de 100 000 francs ; qu’en se bornant à considérer
que l’intérêt collectif des consommateurs était, au
regard des circonstances de l’espèce, exactement réparé
par l’octroi d’une somme d’un franc à titre de dommages-intérêts
sans préciser les éléments sur lesquels elle se fondait
pour évaluer le préjudice à une telle somme, la cour d’appel
a privé sa décision de base légale au regard de l’article
1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel a apprécié souverainement
le montant du préjudice dont elle a justifié l’existence
par l’évaluation qu’elle en a faite, sans être tenue
d’en préciser les divers éléments ; d’où
il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le moyen de pur droit, relevé d’office après avertissement
donné aux parties :
Vu l’ article 1371 du Code civil ;
Attendu que les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l’homme
dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers ;
Attendu que pour condamner la société à payer une certaine
somme à titre de dommages-intérêts à M. X..., l’arrêt
retient qu’en annonçant de façon affirmative une simple
éventualité, la société avait commis une faute délictuelle
constituée par la création de l’illusion d’ un gain
important et que le préjudice ne saurait correspondre au prix que M.
X... avait cru gagner ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’organisateur d’une loterie
qui annonce un gain à une personne dénommée sans mettre
en évidence l’existence d’un aléa s’oblige,
par ce fait purement volontaire, à le délivrer, la cour d’appel
a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen
:
CASSE ET ANNULE
D. 2002, p. 2531 ; D. 2002,
Jur., p. 2963, note D. Mazeaud